Adieu Hélène Duc : Une héroïne à la scène comme à la ville !

France Dimanche
Adieu Hélène Duc : Une héroïne à la scène comme à la ville !

Courageuse, drôleet très talentueuse,celle qui incarnaitMahaut d’Artois dansLes rois mauditsa tiré sa révérence.Hélène Duc avait 97 ans.

Certains semblent passer par la vie comme s’ils étaient toujours un peu derrière elle. Ils ne font que l’effleurer. D’autres, comme Hélène Duc, paraissent être venus sur Terre pour montrer ce que l’être humain peut faire de meilleur. Les 97 années de son existence laissent en effet d’elle l’image d’une héroïne, aussi bien dans ses actes personnels que dans son art.

Hélène Duc jouant Mahaut d'Artois dans "Les rois maudits" © tipsimages.it

Passionnée

Si ceux qui l’ont vue au théâtre ont été envoûtés par son talent de tragédienne, beaucoup l’ont découverte en 1972, quand Claude Barma lui a confié le rôle de Mahaut d’Artois dans la série Les rois maudits. Elle y jouait la tante de Robert III d’Artois, magistralement interprété par Jean Piat et, comme l’a déclaré son agent, qui a annoncé sa mort, « quarante ans après, on s’en souvient encore ».

Oui, on se souvient de sa haute taille (1,73 m), de son ton autoritaire, de son humour, de ses magnifiques yeux clairs, de sa voix qui faisait un peu peur aux enfants dans ce feuilleton tiré de l’œuvre de Maurice Druon. Sans doute Hélène Duc a-t-elle marqué la réalisatrice Josée Dayan, puisque cette dernière lui a confié un petit rôle dans la reprise qu’elle a faite de ce programme culte en 2005, pour France 2.

Si la carrière d’Hélène Duc au cinéma avait commencé juste après la Seconde Guerre mondiale, avec des réalisateurs aussi prestigieux que Jacques Becker ou Jean Renoir, on avait pu la voir plus récemment, en 2001, dans la comédie Tanguy, d’Étienne Chatiliez, où elle tenait le rôle de la grand-mère. Alors qu’elle a toujours été recalée lors des concours et n’est jamais entrée à la Comédie-Française, ses pairs chantaient ses louanges. Mais ceux qui la connaissaient en privé savaient que, si jouer était sa passion, Hélène Duc était aussi passionnée de justice.

C’est sans doute ce sentiment, hérité de « sa douce éducation protestante », comme l’a justement écrit Le Point en 2012, qui l’a poussée à prendre position à de nombreuses reprises dans son existence. Née le 22 mars 1917 à Bergerac, en Dordogne, elle restera toujours très attachée à sa terre natale. Sa mère est institutrice et, comme elle, Hélène a le goût des lettres. C’est ainsi qu’elle devient d’abord professeur et, à la fin des années 30, accueille dans sa classe une petite fille qui deviendra elle aussi une grande dame : Juliette Gréco.

Avec André Dussolier © toutleciné.com

Discrétion

Durant l’Occupation, à Paris, Juliette saura se souvenir d’elle, et elle aura raison : un jour, après être sortie de la prison de Fresnes, où la Gestapo l’a interrogée, elle se retrouve seule, sans argent. Sa mère et sa sœur viennent d’être déportées au camp de Ravensbrück. La seule personne qu’elle connaisse et en qui elle ait confiance, c’est son ancien professeur de français, une amie de sa mère : Hélène Duc. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle habite rue Servandoni, près de la place Saint-Sulpice... La comédienne s’occupera de la jeune fille jusqu’à la fin de la guerre, lui sauvant la vie. C’est elle aussi qui lui conseillera de prendre des cours d’art dramatique.

Et c’est à quelques pas de là que Juliette deviendra la muse de Saint-Germain-des-Prés, à la fin des années 40... Les liens nés alors ne se démentiront jamais. En 2012, le jour où l’interprète de Si tu t’imagines recevait la médaille Grand Vermeil de la Ville de Paris, du haut de ses 95 ans, Hélène était là pour son amie...

Mais Juliette Gréco ne sera pas la seule que cette résistante aidera pendant la guerre. En 2005, elle reçoit à ce titre la médaille de « Juste parmi les nations » pour avoir sauvé avec sa mère, Jeanne, plusieurs familles juives, et le comédien et parolier Robert Marcy. Hélène Duc était bien sûr la dernière à se vanter de sa bravoure : « Je ne me sens pas héroïne. Ce que j’ai fait est normal. C’est le fruit de mon éducation », avait-elle confié en 2006, alors âgée de 89 ans.

C’est avec cette même discrétion qu’elle s’en est allée, dimanche 23 novembre. Son beau regard transparent s’est éteint, et c’est un peu de notre histoire qui nous est enlevé avec son départ. Heureusement, il nous reste notre mémoire, et les preuves de son existence, dans beaucoup de cœurs et sur quelques pellicules.

Laurence Paris

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