Alain Delon : Son ami criblé de balles

France Dimanche
Alain Delon : Son ami criblé de balles

Le Samouraï ne s’est jamais caché
 d’avoir eu de mauvaises fréquentations. Dans les années 1970, Alain Delon fréquentait un ténor du milieu marseillais.

Le 1er février 1977, Jacky Imbert, dit « le Mat » (le fou, en provençal), un des parrains du milieu marseillais, rentre chez lui à Cassis, à une trentaine de kilomètres de Marseille. Sur le parking de la résidence des Trois Caravelles, trois hommes masqués l’attendent, puissamment armés. « Au moment où j’ai ouvert la portière, ils ont commencé à tirer, se souvient Imbert. C’est là où ils ont fait une erreur.

Quand on veut descendre quelqu’un, on attend qu’il soit sorti de la voiture... Ils étaient trois, avec des cagoules. L’un des types s’est approché pour m’achever, il a braqué son fusil vers moi. Je me suis jeté en arrière pour l’éviter, et en levant la jambe, j’ai dévié la trajectoire de son arme. Il a voulu recharger mais là, le fusil s’est enrayé et ils se sont enfuis. »

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Criblé de balles, Imbert est conduit à l’hôpital de la Timone, à Marseille. À son arrivée, il est donné pour mort. Les chirurgiens vont extraire 22 projectiles – 7 balles de 11.43, 15 plombs de chevrotine – de son corps ! Par miracle, aucun organe vital n’a été touché. Ce sanglant épisode vaut à Imbert un nouveau surnom : « l’Immortel ». Et parmi les nombreux amis venus le soutenir dans ce moment difficile, on aperçoit la silhouette d’Alain Delon...

L’acteur et « le Mat » se sont rencontrés au début des années 1970, autour d’une passion commune : les chevaux de course. À cette époque, Imbert, ancien jockey, est driver de sulky en trot attelé. C’est un bon, son palmarès compte 29 victoires. Il a remporté le prestigieux prix de la Côte d’Azur et est même devenu, en 1973, champion de France.

Les deux hommes ont fait connaissance par le truchement d’un lieutenant de Jean-Dominique Fratoni et de « Tany » (Gaëtan) Zampa, deux figures du milieu marseillais. En 1973, à l’époque du tournage de Borsalino and Co, le film de Jacques Deray, on verra souvent Alain Delon assis à la même table que Jacky Imbert à L’Ascenseur, la discothèque marseillaise à la mode.

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Vengeance

Le comédien qui, aux côtés de Mireille Darc, vient de se porter acquéreur du haras du Rousset au Puy-Sainte-Réparade, près d’Aix-en-Provence, décide alors d’en confier les rênes à Imbert. Sur les conseils de ce dernier, il achète une quinzaine de pur-sang. Mais un scandale retentissant va mettre un terme à cette belle aventure. Le 9 décembre 1973, le prix Bride-Abattue se court à Auteuil. Ce jour-là, de nombreux bureaux de PMU ont enregistré des paris similaires sur neuf chevaux, neuf « tocards » qui n’ont aucune chance d’arriver en tête, pas même en troisième position.

À 87 ans, Jacky Imbert est l'un des derniers parrains du milieu encore vivant !

Et pourtant, trois de ces outsiders sont à l’arrivée. Le rapport est phénoménal : 13 000 francs pour une mise de 3 francs. Le total des gains avoisine les 5 millions et demi de francs. Et Imbert figure au nombre des vingt-deux gagnants. Une enquête est ouverte. Quatorze jockeys sont inquiétés et Jacky Imbert, confondu, est radié à vie des champs de course, avec interdiction formelle d’approcher d’un hippodrome.

Après une première incarcération à 20 ans, à Toulouse, où il a rencontré un caïd qui sera à l’origine de sa « vocation », le Mat a toujours mêlé aventure et flirt avec le crime organisé. Il sait tout faire, piloter des avions, des hélicoptères, des bateaux. Un temps, il a été cascadeur. Il aime le risque : « Moi, quand j’étais jeune, j’étais un diable », se plaît-il à répéter. Peu à peu, il se fait une place dans le milieu et, dans les années 1960, il va se rapprocher de deux truands célèbres, Gaëtan Zampa et Francis Vanverberghe, dit « le Belge », deux caïds de la cité phocéenne.

C’est ainsi qu’il va devenir un des cadors du milieu marseillais. Quand en 1977, après son exécution ratée, « l’Immortel » retrouve l’air libre après trois mois d’hôpital, il n’a que peu de séquelles, hormis son bras droit en partie paralysé. La légende veut qu’Imbert ait alors appris à tirer de la main gauche... Mais ce qui ne relève pas de la légende, c’est la vengeance féroce, le terrible règlement de comptes qui s’ensuit.

Le Mat est convaincu que le commanditaire de son exécution ratée est Gaëtan Zampa. À Marseille, on assiste alors à une guerre sans merci, que la police observe avec beaucoup de détachement : un truand mort, c’est autant de soucis en moins. Et des morts, il y en aura près d’une quarantaine : en 1978, le cercle rapproché de Zampa est totalement décimé. Pourtant, aucune arrestation n’aura lieu. Toujours sibyllin, Imbert avoue son implication à demi-mot : « Je crois en la justice divine, dit-il. Je n’ai jamais su qui étaient ceux qui m’ont tiré dessus, mais la rumeur a désigné des coupables. Ils sont morts quelque temps plus tard. »

Relâché

On a beau soupçonner le Mat, il ne sera pas inquiété. C’est une anguille. En 1981, on le pense impliqué dans une série de cambriolages de palaces et de villas de luxe sur la Côte d’Azur. Il est arrêté et incarcéré, mais l’enquête n’apportant aucun élément probant, il est relâché au bout de trois mois. Il tombera de temps en temps pour des bricoles, genre trafic de cigarettes, et fera, de-ci de-là, quelques séjours en prison, mais jamais la justice ne parviendra à prouver qu’il est LE parrain marseillais.

Il le dit d’ailleurs à sa façon : « Les flics sont toujours venus me chercher pour des coups que je n’avais pas faits. Pour les coups que j’avais faits, je n’ai jamais vu personne. » Le Mat fait désormais partie des légendes. Même les forces de l’ordre lui vouent une réelle admiration. Certains le décrivent comme « un grand séducteur », d’autres évoquent « une intelligence remarquable, beaucoup de charisme ».

Son avocate ne tarit pas d’éloges à son sujet : « C’est un homme cultivé, un homme qui peut vous parler de tout, c’est un homme de passion ». C’est aussi un excellent chanteur d’opéra ! Petit à petit, Imbert est devenu un homme d’affaires prospère, et a réussi l’exploit d’afficher un casier judiciaire vierge à 87 ans !

De plus, depuis son exécution ratée, plus personne n’a plus osé s’attaquer à lui. Quand il sort, il ne prend aucune précaution. Dans les lieux publics, il ne regarde même pas la porte, souligne un écrivain marseillais. Personne n’oserait tirer sur Jacky le Mat. C’est inutile. C’est comme si les balles le traversaient sans l’atteindre... Un samouraï, quoi.

Carlos Herrera

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