Benoît Duquesne : Il est mort seul !

France Dimanche
Benoît Duquesne : Il est mort seul !

Terrassé par une � crise cardiaque�, l’attachant journaliste de France 2 disparaît à 56 ans.

La veille encore, il était au rendez-vous que de nombreux téléspectateurs n’auraient manqué pour rien au monde : celui de son Complément d’enquête, sur France 2. Mais le lendemain, vendredi 4 juillet, peu après midi, un de ses confrères découvrait Benoît Duquesne dans sa péniche de l’Île-Saint-Denis, foudroyé par une crise cardiaque. Il s’apprêtait à fêter ses 57 ans le 19 juillet.

Cette fin brutale frappe d’abord de plein fouet sa famille, sa femme, leurs quatre enfants, à qui nous présentons nos condoléances les plus attristées. Elle frappe ensuite toute une profession, la nôtre, celle des journalistes, dont Benoît Duquesne était l’un des fleurons. Parmi nous, ce sont évidemment nos confrères de la télévision, ceux qui ont eu la chance de travailler avec ce grand professionnel, de connaître cet homme aimant passionnément la vie, pour qui l’annonce de sa disparition a été la plus dure.

Dès vendredi soir, Laurent Delahousse « ouvrait » le JT de 20 heures par un émouvant hommage à son confrère disparu : « C’est toute une profession et la rédaction de France 2 qui sont en deuil », annonçait-il d’emblée, après avoir diffusé les ultimes images de Benoît Duquesne prenant congé des téléspectateurs, la veille au soir, à la fin de son émission fétiche.

Puis, ému, Laurent poursuivait : « Il aimait l’actualité, ses colères, ses émotions. Ce journal, ce soir, est le sien ; dédié à sa passion, sa rigueur qu’il aimait transmettre à toutes ses équipes. »

Audaces

Revenant en fin de journal sur la personnalité de leur confrère disparu, d’autres membres de la rédaction ont pris la parole. Charles Villeneuve par exemple, qui avait côtoyé Benoît à l’époque où ils étaient tous deux à TF1, et qui l’a dépeint comme coriace, déterminé et parfois emmerdant !

Par ce dernier mot, il fallait bien sûr comprendre que cet être chaleureux dans l’intimité pouvait se montrer intransigeant si l’idée qu’il se faisait de son métier était en jeu. À ce moment-là, s’il avait l’impression que tel ou tel personnage en vue cherchait à le « balader », rien n’aurait pu l’empêcher de dire ce qu’il avait sur le cœur.

Et cet aplomb ne lui venait pas de sa notoriété : dès sa sortie de l’École supérieure de journalisme de Lille, au début des années 80, ce natif de Roubaix avait déjà toutes les audaces. Ainsi, le lendemain de sa mort, un ancien journaliste de Nord-Éclair se souvenait de ce jeune stagiaire de La Voix du Nord n’hésitant pas à lancer au maire PS de Roubaix, qui s’était plaint de l’un de ses articles, pas assez complaisant à ses yeux de notable : « Mais, Monsieur le maire, je vous emm... » !

La veille de sa mort, Benoît était à l'écran présentant un "Complément d'enquête" consacré Bernard-Henri Levy

Finalement, au-delà de la rédaction de France 2 et de la presse, c’est la cohorte des téléspectateurs français qui est aujourd’hui endeuillée. Parce que cette haute image qu’il avait de son métier, cette exigence constante envers lui-même, c’est à leur service que Benoît Duquesne les avait mises. C’est pour eux qu’il faisait et refaisait ses sujets de Complément d’enquête jusqu’à en être pleinement satisfait.

Pour eux aussi que, avant de devenir présentateur du 20 heures ou encore de poursuivre à moto Jacques Chirac dans tout Paris en 1995 pour recueillir ses premiers mots de président de la République, il avait sillonné la planète, n’hésitant jamais à se rendre dans les zones de conflits et de grande misère, pour pouvoir ensuite en témoigner.

« Il faut dire que ce journaliste était d’abord un reporter, quelqu’un qui aimait les gens, se souvenait le journaliste Hervé Brusini, après avoir appris la disparition de son confrère. Je me souviens de son travail au Rwanda. La visite des camps de réfugiés, l’opération Turquoise. Benoît venait de TF1. L’Iran, la guerre du Golfe... il savait les réalités du terrain. »

Le monde va continuer de tourner sans Benoît Duquesne ; mais on le verra et le comprendra moins bien. Les journalistes réaliseront d’autres enquêtes ; mais il n’y aura plus de Complément d’enquête. Et ça va nous manquer.

Pierre-Marie Elstir

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