Grégoire Colard : “Michel Berger ? J’ai été le seul homme de sa vie !”

France Dimanche
Grégoire Colard : “Michel Berger ? J’ai été le seul homme de sa vie !”

25 ans déjà ! Durant dix-sept ans, Grégoire Colard a accompagné Michel Berger dans ses joies et dans ses peines.

Pour l’anniversaire de sa disparition, il nous raconte leur  belle amitié. En 1975, Grégoire Colard, talentueux attaché de presse et agent d’artistes auprès de Philips, est contacté par Michel Berger, qui souhaite lui confier la gestion de sa carrière.

Un coup de foudre artistique et amical qui perdurera jusqu’à la mort du talentueux musicien, le 
2 août 1992. Confidences du tout premier groupie du pianiste...

->Voir aussi - Michel Berger : Les révélations de son ami Grégoire !

France Dimanche (F.D.) : Vous souvenez-vous de votre première rencontre ?

Grégoire Colard (G.C.) : En septembre 1975, mon téléphone a sonné : « Bonjour, ici Michel Berger, le chanteur. André Torrent, de RTL, m’a dit grand bien de vous. J’aurais besoin d’un attaché de presse personnel et j’aimerais que ce soit vous. Si vous acceptiez, j’en serais ravi. » À l’époque, j’étais très influent comme agent d’artistes, et lui n’était connu que comme compositeur pour Françoise Hardy ou Véronique Sanson. Nous nous sommes rencontrés chez lui dans le XVIe arrondissement, et il m’a proposé d’écouter son dernier album, intitulé Que l’amour est bizarre. « Je n’ai pas besoin de l’écouter, je vous aime, vous et vos chansons, et je vous dis oui ! », lui ai-je rétorqué. Il était estomaqué que je réponde favorablement avant même de parler contrat et argent ! Là-dessus est arrivée France Gall... charmante, souriante, aimable. Et soudain j’ai réalisé qu’elle habitait avec lui. Michel avait beau être très pudique, j’ai compris à leurs regards qu’ils s’aimaient. J’ai alors été submergé par une jalousie incompréhensible, qui m’a fait la détester sur-le-champ : 
elle était trop belle, trop blonde, trop charmante. Je n’y comprenais rien !

F.D. : Cela ne vous a pas empêché de devenir ami avec Michel...

G.C. : Oui, car très vite il m’a ouvert son cœur. Il m’a parlé de son immense amour pour France, mais aussi de sa première passion pour Véronique Sanson. Cet homme secret et silencieux, qui ne se livrait que dans ses chansons, m’a fait, à moi qui n’étais que son agent, mille confidences. Un jour, je lui ai demandé pourquoi. Il m’a répondu : « Parce que tu es le seul homme de ma vie. Mon père ne m’a pas parlé depuis vingt ans. Mon frère aîné, qui est mon modèle, est atteint de sclérose en plaques. La seule personne à qui je peux parler en toute confiance, c’est toi, et je sais que tu ne me trahiras jamais. » De fait, nous sommes devenus deux pipelettes déchaînées ! Il me faisait part de ses états d’âme, de ses joies, de ses doutes. Il m’affirmait par exemple qu’il était très heureux avec France, mais que c’était comme un « confort de laine », un amour rassurant, tranquille, très différent de la passion délirante qu’il avait éprouvée pour Véronique. Il me parlait d’elle dès que France avait le dos tourné, j’avais l’impression de participer à un adultère virtuel !

F.D. : Michel était-il jaloux de l’immense popularité de sa femme ?

G.C. : J’avais relancé la carrière de France, qui patinait, avec La déclaration d’amour. Un jour d’été 1979, alors que je me trouvais avec eux en vacances à Saint-Tropez, Michel m’a pris à part et m’a dit : « Je suis très content du boulot que tu as fait pour France. Sans la négliger, peux-tu me hisser à mon tour au sommet des hit-parades ? J’ai besoin d’être numéro 1 aussi en tant qu’interprète ! » 
Malgré son succès en tant que compositeur de Starmania, il était frustré qu’on ne parle que de France Gall. L’immense popularité de sa femme le fragilisait, et cela avait des répercussions sur leur couple. Alors, je lui ai répondu : « Écris de bonnes chansons pour toi, et dans un an tu seras numéro 1 toi aussi ! » Il m’a entendu. 
Inspiré par sa paternité nouvelle, son amour pour France et les souvenirs de sa passion pour Véronique, il s’est mis à composer des titres qui sont très vite devenus des tubes...

F.D. : Et grâce à vous, il a enfin obtenu la reconnaissance du public en tant que chanteur...

G.C. : Oui, un an plus tard, France et lui se partageaient la première place du hit-parade ! Elle est devenue numéro 1 avec Il jouait du piano debout, et lui, la semaine suivante avec La groupie du pianiste. Tout l’été, ils sont restés au top, chacun son tour ! Ils n’ont d’ailleurs jamais été aussi complices que cette année-là. Pour fêter leur succès, France a invité tout le monde en vacances : sa belle-mère, Mamoune, sa propre mère, Cécile, qui vit toujours, ses frères jumeaux, Patrice et Philippe, ainsi que les nouveaux meilleurs amis de Michel, Daniel Balavoine, Luc Plamondon et Renaud Hantson... J’étais moi aussi de la partie. Michel était heureux.

F.D. : Comment a-t-il vécu sa nouvelle notoriété ?

G.C. : Bien, même s’il a eu du mal à accepter son image. Comme il ne se trouvait pas beau, il refusait d’être pris en photo. Il ne s’aimait pas, ne se regardait jamais dans la glace. Moi, je lui trouvais beaucoup de charme. Bien sûr, il n’était pas question d’amour entre nous. La sottise de mes élans initiaux s’était estompée. Il m’a d’ailleurs confié un jour avoir compris dès 
la première minute la nature de mes sentiments pour lui : « Je sais que dans mon public, certains se posent des questions sur ma sexualité, et que des rumeurs circulent à ce sujet. Mais tu as pu remarquer qu’en voyage, lorsque nous partageons des chambres communicantes, tu ne m’as jamais surpris nu. Je ne suis pas fou ! »

Grégoire à côté de Michel et sa fille Pauline

F.D. : En 1988, lorsque France a décidé d’arrêter de chanter, comment Michel a-t-il réagi ?

G.C. : Il était effondré mais il ne pouvait pas lui en vouloir, car elle mettait sa carrière entre parenthèses afin de s’occuper de leur fille, Pauline, atteinte de mucoviscidose. J’étais un des rares à le savoir, et Michel m’avait fait jurer de n’en parler à personne. Car il avait beau avoir des milliers de groupies, il était très seul, en réalité. J’étais l’épaule sur laquelle il pouvait pleurer, l’unique homme à qui il pouvait confier ses malheurs : la maladie de sa fille, la mort de son frère aîné, finalement vaincu par la sclérose en plaques, les disparitions de ses amis Balavoine et Coluche...

F.D. : Vous avait-il dit qu’il risquait de 
mourir jeune ?

G.C. : Il en a toujours été convaincu. C’est d’ailleurs pour ça qu’il vivait à cent à l’heure, afin de tirer le maximum de chaque minute de son existence. Par exemple, il ne partait jamais en week-end dans une maison où il n’y avait pas de piano ! Son père, qui est décédé six mois avant lui, avait du cholestérol. Il avait conseillé à Michel de faire des examens. Effectivement, les prises de sang ont révélé que le chanteur avait un taux anormalement élevé de cholestérol. Son médecin lui a alors prescrit un régime très strict, que Michel a abandonné à la mort de son père. Il s’est même remis à fumer et à boire du vin ! Je savais, par son médecin, que ses jours étaient comptés. Et le 3 août 1992, à 9 heures du matin, France m’annonçait au téléphone la terrible nouvelle...

F.D. : Comment se porte-t-elle aujourd’hui ?

G.C. : Elle va fêter ses 70 ans et s’accorde le droit au bonheur avec Raphaël, son fils ! En hommage à Pauline et à Michel...

Cédric Potiron

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