Les Enfoirés : Du rififi dans les coulisses !

France Dimanche
Les Enfoirés : Du rififi dans les coulisses !

Rassembler des artistes comme Les Enfoirés dont chacun possède l’ego démesuré d’une diva d’opéra, c’est à coup sûr prendre le risque de déclencher de vraies � disputes !

Vous souvenez-vous de ce que chantaient Coluche et sa bande, en 1986, au moment où ils créaient les Restos du cœur ? Mais si, voyons : « Dépassé le chacun pour soi ; quand je pense à toi, je pense à moi... » Dépassé, le chacun pour soi ? Tu parles, Charles ! Trente ans plus tard, si les Enfoirés sont toujours là – et heureusement ! –, il s’en passe de belles dans les coulisses de leurs fameux concerts !

Car si tous les artistes affichent une belle et émouvante fraternité lorsqu’ils sont face au public, il arrive que, le rideau baissé, ils retournent se vautrer dans ce que nous appellerons le « tout-à-l’ego ».

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C’est ce qui ressort du croustillant reportage qu’a publié VSD la semaine dernière, et qui nous a donné l’envie d’en savoir un peu plus. De creuser un peu, histoire de voir si, effectivement, au milieu des paniers-repas se cachait un beau panier de crabes. Nous n’avons pas été déçus...

Litigieux

Plutôt que de panier de crabes, d’ailleurs, peut-être vaudrait-il mieux parler de cour d’école. Car les artistes, aussi talentueux qu’ils soient, ont tendance à se conduire comme de sales mômes égoïstes... surtout quand on s’avise de les mettre tous ensemble. Certains, par exemple, comptent leur nombre d’apparitions sur la scène : des fois que le voisin en aurait une de plus.

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Et ce sont des : « Pourquoi Machin, il chante plus que moi ? », « Pourquoi c’est pas moi qui ouvre le spectacle ? », « Pourquoi on me demande de chanter un truc que je n’aime pas ? », et ainsi de suite, jusqu’au rappel à l’ordre qui remet tout le monde en rang sous le préau.

C’est que cette bande d’Enfoirés compte de sacrés tempéraments. De Bruel, qui regarde son monde de haut et oublie souvent de saluer les autres, à Obispo, qui a tout du séducteur invétéré, en passant par Liane Foly qui adôôôre jouer les divas, ou Maxime Le Forestier qui raconte les mêmes anecdotes pour la douzième fois.

Au milieu de ce groupe d’« ancêtres », il arrive que les artistes de la jeune génération fassent un peu la tête, et ne viennent là qu’en traînant les pieds. C’est qu’en trente ans, le métier a bien changé : à cause des chargements illégaux sur Internet, les chanteurs vendent de moins en moins de disques, et ce sont les concerts qui assurent leur train de vie. Mais les concerts... payants, pas les gratuits comme celui des Enfoirés ! Du coup, ils sont parfois moins enthousiastes...

Sans compter qu’il leur faut en plus supporter sans trop se plaindre les caprices des « vieux de la vieille » qui jouent les patrons. Le marionnettiste Jeff Panacloc, petit nouveau de la cuvée 2016, en garde un souvenir cuisant.

« Il devait écrire un des sketchs d’ouverture du show, qu’il devait ensuite interpréter avec Mimie Mathy, a raconté un témoin dans VSD. À la relecture, l’actrice a pris son stylo rouge et a rayé la moitié du texte en expliquant à l’humoriste que ce n’était pas bon et qu’il ne ferait pas rire le public comme ça. » Comme « ange gardien », ce soir-là, Joséphine n’était pas au top ! Le pire, pour l’actrice, c’est que, le sketch litigieux ayant été supprimé, Jeff Panacloc et sa marionnette se sont taillé un vrai triomphe sans elle !

Il y a en outre un facteur aggravant, liquide, moussant, plein de petites bulles et enfermé dans des bouteilles vert foncé. Eh oui, pour faire patienter la classe – cinq heures de concert, c’est long... –, le champagne coule à flots dans les coulisses. Si bien que, parfois, ceux qui passent en dernier arrivent sur scène bien moins frais que ce qu’ils ont bu en quantité généreuse. Comme dirait la marquise, levant les yeux vers les moulures de son plafond Louis XV : « Mais Dieu que ces enfants sont pénibles ! ».

Pour faire tenir tranquille une bande de garnements, ou du moins essayer, on n'a jamais trouvé mieux qu'un maître d'école à l'ancienne. Et chez les Enfoirés, il y en a un : Jean-Jacques Goldman. Évidemment, on a un peu de mal à l'imaginer en blouse grise, muni d'une férule pour taper sur les doigts des turbulents et des récalcitrants. C'est pourtant bel et bien ce que fait le « patron » : la pluie et le beau temps.

Le beau temps, c'est quand il décide que tel ou tel jeune chanteur a fait ses preuves et a suffisamment de talent pour rejoindre la troupe : être distingué par Jean-Jacques Goldman, ce n'est pas rien ! La pluie, elle se met à choir lorsque le boss vous signifie que vous n'avez pas été à la hauteur, ou que vous lui avez déplu, et qu'il vous rejette dans les ténèbres extérieures.

En janvier dernier, le soir de l'enregistrement du concert que vous avez pu voir le 11 mars sur TF1, la chanteuse Lââm a compris sa douleur. Pour des raisons obscures, elle ne faisait pas partie de la troupe 2016. Elle dit avoir quitté les Enfoirés volontairement, mais certains émettent des doutes sur ce « volontariat ». D'ailleurs, si elle était partie d'elle-même, pourquoi aurait-elle passé toute la soirée du 20 janvier dernier seule dans un coin, assise dans un canapé, cherchant à attirer l'attention du « patron », espérant qu'on allait finalement lui demander de rejoindre les autres sur scène ?

Un espoir vain : Goldman ne lui a pas adressé un regard, encore moins la parole. Il devait être trop occupé à régler les différends des uns, supporter les états d'âme des autres, etc. Et à trancher dans le vif dans ce qui oppose Mimie Mathy à Jeff Panacloc, en décidant de supprimer purement et simplement le sketch de la discorde ! Agacé par les critiques, Jean-Jacques a d'ailleurs tweeté : « En fait, les Enfoirés ont ceci de spécial qu'ils ne demandent jamais d'argent. Ce qu'ils font, c'est qu'ils bossent. »

indispensables

On a le droit de s'amuser de toutes ces bisbilles et de ces petites querelles d'ego. Sans toutefois perdre de vue l'essentiel. L'essentiel, c'est que tous ces artistes réunis constituent l'un des plus sûrs piliers des indispensables Restos du cœur. Sait-on, par exemple, que la vente des CD et DVD du concert de l'an dernier a rapporté plus de 23 millions d'euros ? Et qu'un seul disque vendu permet de servir dix-huit repas ? C'est cela qui compte.

Car quand une personne qui a faim se présente aux Restos, elle se fiche bien de savoir quel chanteur a passé plus de temps sur scène que son voisin au concert Les Enfoirés, et qui Jean-Jacques Goldman a renvoyé ou au contraire adoubé.

Pierre-Marie Elstir

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