Ludovic Chancel : "Je suis l'enfant du désamour..."

France Dimanche
Ludovic Chancel : "Je suis l'enfant du désamour..."

À 42 ans, s’est éteint dans la nuit du 7 au 8 juillet. 
En juin 2013, notre reporter avait rencontré Ludovic Chancel qui tenait 
à se confier, en exclusivité, sur “des parents qui n’ont jamais su l’aimer…”

Ludovic Bayle-Chancel m’attend dans le bel appartement où il vit avec Sylvie Ortega Munos, un mannequin rencontré en 2010. Ensemble, ils viennent d’emménager dans un somptueux cinq pièces au troisième étage d’un immeuble chic, avenue Victor Hugo, à Paris.

Pour mener une nouvelle existence, où, dixit Ludovic : « Sylvie est mon soleil dans une vie pleine de nuages et d’orages. » L’homme est touchant : il ne me connaît pas et me reçoit comme un ami, avec confiance et gentillesse, m’ouvrant son cœur, me parlant très librement de sa boutique de vêtements de sport, aux Halles, qui « casse la baraque ».

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Il dévoile ses projets d’avenir, entre musique, voyages lointains et productions. Je discerne en lui le petit garçon qui a un besoin vital de lien, d’amitié, d’affection...

Absent

Ému, il couve amoureusement sa compagne du regard : « Maintenant que je suis posé et apaisé, je veux régler certains comptes. » Ses comptes, l’enfant de la chanteuse les avait pourtant déjà couchés sur papier, dans un ouvrage polémique intitulé Fils de, sorti en 2005 (Flammarion).

Sans filtres et avec un réalisme saisissant, il y détaillait son mal-être, ses dérives, entre drogue, prostitution et alcool. Et sur des dizaines de pages, il fustigeait ses parents.

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Entre Ringo « géniteur froid et absent » et Sheila « égocentrique et distante », il voyait en eux les uniques responsables de son malaise existentiel. Un an avant notre rencontre, en 2012, Ludovic était même condamné pour harcèlement par sa mère. Il l’avait inondée de messages la menaçant de saboter son retour pour ses cinquante ans de carrière.

Lorsqu’il parle de « Sheila », Ludovic hésite entre déclaration d’amour et flots de haine. Et chaque fois qu’il évoque la chanteuse, sa voix se fait tremblante, comme envahie par trop d’émotion : « Ma mère a oublié qu’elle avait un fils. Et j’en souffre depuis trente-sept ans : elle s’est toujours occupée de son public, mais elle n’a jamais été capable d’être une mère, ni même une grand-mère. »

Il poursuit, rageur : « Lorsqu’elle est au creux de la vague, elle se souvient de moi, comme par enchantement. Rappelez-vous, juste après mon grave accident de scooter, elle a fait la couverture de Paris Match qui lui a consacré un reportage de cinq pages. Mais au lieu de penser vraiment à moi, elle faisait sa promotion ! En revanche, moi, je l’ai vraiment aidée et soutenue, à mes dépens... »

Je lui rappelle que l’artiste a maintes fois juré, dans les médias, qu’elle a tout fait pour assister son fils, pour le sortir de la drogue, tout en dénonçant la guerre « pathétique et sordide » qui les oppose.

Il m’écoute, marque un silence, puis explose : « Quelle duplicité ! Quel culot ! Je ne supporte plus son double discours. Elle fait cela pour montrer une belle image à son public ! Elle se pavane à la télévision, en affirmant qu’elle a “une vie extraordinaire", pour éviter de regarder en face la triste réalité d’une existence beaucoup moins drôle. Mais le pire reste qu’elle ne roule que pour elle, en pure égocentrique, sans jamais s’interroger sur les souffrances, pourtant terribles, qu’elle a pu infliger à son fils. »

Je l’interromps : « Vous attaquez systématiquement votre mère. Mais contrairement à Ringo, le père qui vous a abandonné, elle s’est occupée de vous, non ? »

Rejeté

La seule évocation de son géniteur semble l’accabler de tristesse : « De grâce, ne me parlez pas de Ringo, ce “père" que je n’ai jamais eu et que je n’ai vu que trois malheureuses fois dans ma vie. J’ai fait mon deuil de cet homme depuis longtemps... »

Bouleversé, il me confie que la dernière fois qu’il a voulu entrer en contact avec Ringo, celui-ci l’a congédié, en hurlant : « Va-t’en : tu me rappelles trop ta mère ! » Il se serait donc contenté d’être un père biologique sans éprouver une once d’amour et de tendresse envers son fils. Un gamin rejeté, condamné à vivre à perpétuité au bord du gouffre abyssal de ses souffrances. Il fixe le sol et murmure : « Certains sont les enfants de l’amour, je suis l’enfant du désamour. »

Certes, il reconnaît que sa mère a été là, mais d’une façon imparfaite : « Eh oui, Sheila m’a élevé, mais il faut voir comment, en passant derrière sa carrière et ses fans. Franchement, j’aurais aimé avoir une mère moins connue, mais normale, et qui sache donner de l’amour. Le drame de Sheila, c’est qu’elle voit mon père Ringo à travers moi. Et comme elle n’a jamais accepté qu’il soit parti, elle me le fait payer. Alors que moi, je n’y peux rien. »

Résultat : Ludovic a longtemps cherché à s’oublier, à travers les excès en tout genre. Il avoue même avoir fait plusieurs tentatives de suicides : « Oui, j’ai déjà voulu mourir par overdose de médicaments. Et j’ai été sauvé in extremis, aux urgences de l’hôpital. Je vous le dis car je n’ai rien à cacher. Mais ma pulsion de vie est heureusement la plus forte : c’est pourquoi aujourd’hui, la drogue, c’est terminé. Mais je sors éprouvé de cinq années de déchéance. Sylvie est pour beaucoup dans ce sauvetage... »

Amertume

Il tient à ajouter, alors qu’une larme coule sur sa joue : « Je ne pense pas être un mauvais fils : j’ai appelé ma mère pour ses 67 ans. Je voulais prendre de ses nouvelles, lui parler de Sylvie, ma nouvelle compagne dont je suis fou amoureux et qui m’a sauvé. »

Parfois, passant outre son amertume, Ludovic parvenait à exprimer son amour à sa mère : à l’image de ce message posté sur Facebook pour les 70 ans de la star : « Malgré le conflit qui nous sépare, elle reste pour moi ma maman avant tout, écrivait-il Je lui souhaite la santé, l’amour, la paix et le meilleur pour l’avenir. [...] Et je terminerai juste par quelques mots... Je t’aime. »

Le 7 juillet, hélas, les lunes noires qui habitaient Ludovic ont gagné : après des heures de coma, le petit garçon fragile né le 7 avril 1975 est parti à 42 ans. Ludovic Chancel a tiré sa révérence en laissant sa compagne, Sylvie, inconsolable et dévastée. Le soir de sa mort, elle a posté ce texte sur Facebook : « Tu es parti voir si le paradis existe. Tu étais le mien sur terre. Tu es né un 7, ton chiffre fétiche, et tu t’en es allé le 07/07/2017. Ma douleur est immense. Je t’ai embrassé jusqu’à ton dernier souffle... »

Quant à Sheila, murée dans sa souffrance, elle n’a rien voulu déclarer à la presse. En juin 1998, sur le plateau de TF1, la chanteuse disait, en larmes, à propos de son unique garçon : « Je l’aime, je l’aime, je l’aime. Il est le soleil de ma vie. » Ringo, lui, l’éternel absent, n’a même pas daigné réagir à la mort de son fils...

Lionel Coutat

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