On se pose de manière récurrente la question suivante : « Peut-on rire de tout ? » Je n’ai pas la réponse, mais je suis sûr que l’on devrait réfléchir à deux fois avant de rire, et surtout de faire rire, aux dépens de quelqu’un.
Je me faisais cette réflexion, l’autre soir, au théâtre Déjazet, à Paris, tandis que j’assistais au spectacle de Stéphane Guillon, humoriste de son état. Alors qu’il était en train de faire rire la salle à propos de la cérémonie des Césars, il en est venu à évoquer Mimie Mathy. Et c’est là qu’une simple phrase m’a fait sursauter dans mon fauteuil.
On se souvient que, l’an dernier, Mimie avait révélé sur Europe 1 que, durant de nombreuses années, elle avait été en quelque sorte « interdite » de Césars, bannie par l’académie, qui ne lui demandait jamais de faire partie des votants, alors que la France entière la considère, à juste titre, comme une actrice à part entière. Et qu’elle avait dû écrire au président de cette société pour obtenir ce droit de vote.
C’est alors que, ayant rappelé cette protestation, Stéphane Guillon s’est permis d’ajouter la remarque suivante : « Mimie Mathy, obligée d’écrire pour avoir le droit de voter aux Césars. Quand on est soi-même compressée, c’est vrai que ce n’est pas normal... »
Aux rires dans la salle se sont mêlés des « Oh ! » prouvant que je n’étais pas le seul à être choqué par cette image d’une Mimie « compressée » comme le trophée dû au sculpteur. Image violente et indigne.
Si l’on peut critiquer la comédienne pour les téléfilms qu’elle tourne ou sa manière d’interpréter ses personnages, pourquoi provoquer des rires malsains à propos de sa petite taille qui a été pour elle, depuis l’enfance, source de bien des tourments ? Est-ce que M. Guillon trouve vraiment élégant et courtois de dire publiquement de Mimie qu’elle a été « compressée » ? Ne voit-il pas qu’il ne lui aurait pas fait plus mal en lui plantant une lame de poignard entre les deux omoplates ?
On dit parfois que, lorsqu’on a souvent été blessé par le passé, on a le cuir plus épais et que les nouveaux coups sont moins douloureux. Et si c’était l’inverse ? Si, à force d’être moqué, humilié, on devenait de plus en plus sensible aux méchancetés dont on est la victime ? Dans ce cas, la « plaisanterie » de Stéphane Guillon a dû faire terriblement souffrir Mimie. Car Dieu sait toutes les attaques qu’elle a subies !
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Didier Balbec
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