Adieu Claude Gensac : La biche de Louis de Funès est morte

France Dimanche
Adieu Claude Gensac : La biche de Louis de Funès est morte

 
Le 27 décembre 2016, celle qui incarna si bien la femme du comédien à l'écran s'est éteinte paisiblement dans son sommeil. Claude Gensac avait 89 ans.

«Non, je vous en prie, soyez gentils, n’insistez pas : je n’ai pas très envie de les écrire, ces deux mots qui vous sont venus spontanément à l’esprit, avec leur “i" étiré et leur point d’exclamation en escorte. Le poète Alfred de Vigny a écrit une splendide Mort du loup, il est vrai. Mais la mort d’une biche, c’est vraiment trop triste. Et pourtant, je sens bien que je vais devoir m’exécuter, sinon il nous manquera à tous quelque chose. Alors, je cède et je les écris : Ma biiiche ! »

Magie des mots : aussitôt, Louis de Funès surgit tout vivant, on voit sa mimique, on entend le ton de sa voix, mi-tendre, mi-rusé. En même temps, on découvre celle à qui il s’adresse, cette femme élégante, au sourire lunaire, et qui, jusque dans son grand âge, a toujours conservé ce regard de petite fille émerveillée, parfois un peu « fofolle ». Et l’on se dit que, après tout, il est bien normal que ce couple de légende ait fi ni par se retrouver.

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Le 27 décembre dernier, celle qui incarna si bien la femme du comédien à l’écran s’est éteinte paisiblement dans son sommeil. Claude Gensac avait 89 ANS .

Jeanne de Funès était presque toujours présente sur les plateaux de tournage..., et elle veillait au grain ! La biche de Louis De Funès est morte. Claude Gensac s'est éteinte paisiblement, dans son sommeil, le 27 décembre. Elle avait 89 ans. Pour le cinéma, et au fond pour chacun de nous, elle était veuve depuis 33 ans, puisque Louis de Funès s’est éteint en 1983, et qu’ils auront été mariés dix fois, dans dix films différents : le record va être difficile à battre !

En 2013, c’est à France Dimanche qu’elle avait choisi d’accorder l’une de ses dernières interviews. Et, bien sûr, à peine arrivés chez elle, en Normandie, nous nous étions mis à parler de son «mari».

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Tragédie

« Ces années passées à donner la réplique à Louis ne m’évoquent que de bons souvenirs ! s’était-elle extasiée. Si les producteurs et metteurs en scène ont eu tendance à m’oublier, le public, lui, m’est resté fidèle. Vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui m’écrivent d’Allemagne, de Russie... et aussi de France, bien entendu. »

Louis de Funès et sa "biche" Claude Gensac à l'écran.

C’est lors de cette rencontre que Claude Gensac nous avait affi rmé ne plus se souvenir dans quelles circonstances elle était devenue « ma biche » : « Je ne pourrais pas vous dire. Un jour, Louis m’a surnommée comme ça, et c’est resté. » Sans doute parce que ce mot doux lui allait à ravir !

Cela dit, si la France entière n’a pas tardé à adopter la biche en question, il est au moins une personne qui aurait pu se formaliser de voir Louis l’appeler ainsi. Cette personne, c’est Mme de Funès ! La vraie, l’épouse officielle. Or, non seulement Jeanne de Funès ne s’en froissa pas, mais Claude Gensac nous apprenait ce jour-là que c’était elle qui, en quelque sorte, avait poussé Louis à la choisir comme épouse au cinéma !

« Quand ils sont venus me voir jouer La dame de chez Maxim au théâtre, nous avait raconté Claude, Louis s’est écrié : “Je ne savais pas que tu pouvais jouer du comique !"Alors, je lui ai rétorqué : “Eh bien... moi non plus !" Et c’est à ce moment-là que Jeanne a suggéré à Louis de me choisir comme partenaire attitrée. Elle voulait bien que je sois la femme de son mari à l’écran ! »

L’exclamation de Louis en surprendra peut-être certains, dans la mesure où, depuis un bon demi-siècle, on imagine mal Claude Gensac autrement qu’en actrice comique, et même d’un comique irrésistible. C’est que, sa longue « idylle » avec de Funès a un peu fait oublier tout ce qu’elle avait pu faire, avant de l’épouser devant les caméras.

Claude Gensac était née le 1er mars 1927 dans l’Oise, pas très loin de Paris. À la fin de l’adolescence, alors qu’elle a décroché son baccalauréat, sa mère, qui rêvait d’être actrice, l’inscrit au fameux cours Simon afin qu’elle prépare le Conservatoire. Elle réussit le concours d’admission et sort en 1947 avec le deuxième prix... de tragédie !

De fait, c’est au théâtre qu’elle va faire ses débuts, dans des pièces de Corneille, de Claudel ou encore de Giraudoux : on est très loin de la future « ma biche », n’est-ce pas ? C’est également au
théâtre qu’elle rencontre celui qui va devenir son premier mari : le comédien Pierre Mondy.

Pour ce qui est du cinéma, c’est en 1953 qu’elle y fait ses premiers pas, dans un film de Sacha Guitry, La vie d’un honnête homme. Parmi les « troisièmes couteaux » du film, il y a ce garçon petit et sec, qui commence déjà à se dégarnir et qui joue un simple valet. Il s’appelle Louis de Funès. Comme elle-même interprète la femme de chambre, on peut dire qu’ils forment déjà une espèce de couple, dès ce premier film.

Sentiments

Mais c’est en 1967 que tout se joue. Louis est devenu une énorme vedette et, cette année-là, il cherche celle qui va devenir sa femme dans Oscar, le film qu’Édouard Molinaro veut tirer de la pièce que de Funès a joué de nombreuses fois sur scène. Et c’est là que se place l’intervention décisive de Jeanne de Funès. Elle conseille à son mari de choisir Claude, pour deux raisons : la première c’est qu’elle a été convaincue par sa puissance comique ; la seconde, c’est que cette femme au tempérament plutôt jaloux fait suffisamment confiance à la comédienne pour ne pas craindre que, d’épouse de cinéma, elle ne se transforme un jour en maîtresse dans la vie !

Mais était-ce une confiance bien placée ? Lorsque nous avions rencontré Claude, en 2013, elle nous avait fait cette révélation étonnante : « Il n’y a pas si longtemps, Michel Galabru m’a révélé que Louis était amoureux de moi ! Mais je n’en ai jamais rien su et je n’en aurai jamais la certitude. À aucun moment il n’a dit ou fait quoi que ce soit qui aurait pu me laisser deviner ses sentiments. »

C’est que, loin du personnage odieux qu’il aimait être à l’écran, Louis de Funès était un gentleman. Il y a aussi que, méfiante, Jeanne de Funès était presque toujours présente sur les plateaux de tournage et qu’elle veillait au grain !

Au fond, c’est mieux comme ça. C’est au cinéma que Louis de Funès et Claude Gensac se sont mariés, donc leur amour devait rester du cinéma : il se serait abîmé en sautant dans le monde réel. C’est sans doute grâce à cela que Claude Gensac demeure à tout jamais « ma biche » !

Didier Balbec

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