Roger Vadim : Le dernier play-boy français

France Dimanche
Roger Vadim : Le dernier play-boy français

Une nouvelle biographie retrace le � destin � hors norme du réalisateur Roger Vadim. Un éclairage choc et fascinant sur cet incorrigible séducteur…

Le destin de certains hommes donne tout son sens à l’expression : « être né sous une bonne étoile », cette lumière qui vous suit tout au long de votre vie, vous éclaire pour vous épargner les affres du malheur. Et parmi ces heureux élus figure sans aucun doute Roger Vadim, né Plémiannikov, qui s’est toujours laissé porter dans l’existence par son bon plaisir. Celui qui s’est éteint en 2000 aura été cinéaste, écrivain, peintre, mais avant tout jouisseur.

Son itinéraire d’enfant gâté commence très tôt. Il n’a que 5 ans quand des malfrats le kidnappent pour demander une rançon à son père, Igor, un diplomate fortuné. Le gamin sort indemne de cet enlèvement, et comme le raconte Arnaud Le Guern dans son excellente biographie Vadim, un play-boy français (éd. Séguier), se remettra très bien de cette expérience que le commun des mortels aurait vécue comme un traumatisme, résistant même aux prêches des psychanalystes.

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En Californie

« Roger en garde un bon souvenir. Le lit dans lequel le faisaient dormir ses ravisseurs était confortable. » Tout le personnage est résumé dans cette phrase. Chez lui, le style passe avant tout. Rien n’est vraiment grave, et un rapt n’est qu’une affaire de literie... Vadim ne joue pas les poseurs. C’est un vrai dandy dont le charme va faire des ravages chez les femmes. Car le palmarès de ce séducteur aurait de quoi rendre jaloux don Juan et Casanova. Et il a, dès son plus jeune âge, un excellent goût.

Son premier baiser, il l’échange dans la cour de l’école avec une petite fille qui deviendra célèbre par la suite sous le nom d’Anouk Aimée. Avec un admirable sens du timing, il choisit le 6 juin 1944 pour perdre son pucelage. À chacun sa libération !

Roger n’a pas vraiment besoin de gagner sa vie à la sueur de son front, préférant de loin transpirer dans les bras de ses conquêtes. Alors il s’occupe un peu, suit des cours d’art dramatique, fait du ski, sèche ses cours à Sciences Po : rien de très sérieux.

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La nuit, il devient l’un des princes de Saint-Germain-des-Prés avec sa « bande de feux follets », parmi lesquels figure Maurice Ronet. Leur but ? « Avoir trois verres d’avance sur le monde entier. » Le génie fantasque de Vian le captive, alors que l’existentialisme du maître à penser Jean-Paul Sartre l’endort. L’enfer, c’est lui. Le paradis, lui, ressemble au visage d’une ravissante brunette de 14 ans, Brigitte Bardot, dont le minois s’affiche sur la couverture de Elle.

Nous sommes en 1949 et Roger tombe amoureux d’une photo. Comme il cherche une actrice pour le film Les lauriers sont coupés, de Marc Allégret, dont il est assistant, Vadim lui fait passer un casting. Tout le monde tombe sous le charme de cette ballerine qui semble voler plutôt qu’elle ne marche. Tout le monde, sauf le producteur, le même qui, quelques jours plus tôt avait refusé une autre brunette, Audrey Hepburn, en déclarant : « Cette fille n’aura jamais de carrière ! »

Roger, lui, a davantage de flair, rappelle BB et l’invite dans son studio, rue Bassano. Après leur troisième nuit d’ébats, la jeune première se montre nue à la fenêtre et hurle : « Je suis une vraie femme ! » Un peu jeune tout de même : les deux amants doivent se montrer discrets. Vadim ne veut pas finir en prison pour détournement de mineure ! Ils devront attendre 1952 pour se marier.

Amour

Histoire de s’occuper, ils font du cinéma ensemble. Leur film le plus mythique, Et Dieu créa la femme, tourné en 1956, aura aussi été celui de leur rupture en 1957. Derrière la caméra, le pygmalion ne se rend pas compte que BB apprécie son partenaire, le timide Jean-Louis Trintignant, dont elle disait pourtant quelques jours plus tôt : « Il est petit et il moche ! » La star a dû revenir sur sa première impression, car elle finit par plaquer son mari et mentor pour ce débutant à l’air gauche. En guise d’épitaphe à leur amour, Roger lui écrira une lettre : « Tu peux me regarder comme un étranger, je viens d’un autre pays. Ce pays, tu ne le connaîtras jamais. On y va avec le cœur. »
Même s’il accuse le coup, Vadim ne se morfond pas longtemps, et tombe dans les bras d’une bombe danoise, Annette Stroyberg, dont les courbes ont déjà affolé tout ce que la jet-set et le monde politique compte de mâles hétérosexuels. Ils se marient et tout va bien jusqu’à ce qu’elle décide de devenir actrice. Pour elle, Roger décide d’adapter Les liaisons dangereuses, le chef-d’œuvre de Choderlos de Laclos, qui aura rarement autant mérité son nom.

Car le réalisateur s’attire les foudres de la Société des gens de lettres qui veut lui interdire de faire ce film. C’est son avocat, François Mitterrand, qui, pour l’une de ses très rares plaidoiries, lui sauvera la mise, mais ne pourra pas empêcher les critiques d’éreinter son œuvre. Son film suivant, Et mourir de plaisir, une histoire de vampire féminin, fait un bide retentissant. Déçue et humiliée, Annette divorce et rejoint Sacha Distel.

Avec Catherine Deneuve et leur fils

Une fois encore, Roger n’a pas le temps de jouer les célibataires. Le sort fait tomber dans ses bras Catherine Deneuve. Il la rencontre sur le tournage du film Les Parisiennes de Marc Allégret. Elle a 19 ans, lui 34, et se mettent en ménage le jour même. Il lui offrira un fils, Christian, et l’un de ses premiers grands rôles dans Le vice et la vertu, inspiré par le marquis de Sade.

Elle aura, bien plus tard, des mots durs envers lui, dans le magazine Actuel : « Je n’ai pas de regrets, mais de la frustration de m’être trompée. Ce n’était pas un homme pour moi. » Lui ne la ratera pas non plus, un soir où, un peu ivre, il se lancera dans une comparaison sans tendresse : « Faire l’amour avec Jane Fonda, c’était comme ouvrir une bouteille de champagne, mais faire l’amour avec Catherine Deneuve, c’était comme éteindre un réfrigérateur. »

Parlons-en de Jane Fonda, cette belle Américaine qui se jette sur lui et l’emmène dans son appartement dès leur deuxième rencontre. La première nuit est un fiasco : trop d’alcool. Les deux suivantes se passent tout aussi mal, et la quatrième est encore pire. Vadim tombe malade, Jane doit appeler un médecin. C’est alors qu’il lui jure : « Je vais rester dans ce lit jusqu’à ce je puisse te faire l’amour ! » Promesse tenue : la cinquième fois sera la bonne ! La persévérance a payé, ils se marieront en 1965, auront une fille, Vanessa, et feront un film à la fois kitsch et culte : Barbarella, une histoire de science-fiction érotique, ode à la plastique de Jane.

Mais la jeune femme s’engage contre la guerre du Vietnam, et rien n’ennuie plus Vadim que la politique. N’ayant plus grand-chose à se dire, ils divorcent en 1972.

Plaisir

Lassé des actrices, Roger essaie de se ranger à sa façon, en convolant avec Catherine Schneider qui, elle au moins, se moque du cinéma. Héritière d’un empire sidérurgique, elle a d’autres priorités. Ils ont un fils, Vania, et même si toujours elle gardera une profonde tendresse pour lui, l’aidera dans ses moments de spleen ou quand le fisc se mêlera de ses affaires, ces deux-là ne sont pas du même monde et divorcent en 1977.

L’enfant gâté en a assez de faire des films et se met à écrire (son premier roman sortira en 1982) et à peindre. Il en a aussi marre de la France et met le cap sur Los Angeles dans les années 80. Mais l’American Way of Life le lasse bien vite. De retour dans l’Hexagone, il est juré, en 1988, de Festival du film policier de Cognac, en compagnie de l’actrice Marie-Christine Barrault qui lui fait passer un bout de papier sur lequel est écrit : « Êtes-vous obligé de rentrer directement à Paris ? Si oui, tant pis. »

Il ne rentrera pas dans la capitale et suivra celle qu’il surnommera « sa bonne fée », lui écrivant une lettre d’amour par jour. Ils resteront ensemble jusqu’au bout, depuis ce jour où Roger a posé ses valises dans une résidence de luxe, rue de la Trémoille, dans le VIIIe arrondissement de Paris, passant son temps une cigarette dans une main, un verre de vin dans l’autre.

Jusqu’au bout, Roger Vadim n’aura pas badiné avec le plaisir.

Claude Leblanc

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