“J’ai nagé 100 km pour protéger la Méditerranée !”

France Dimanche
Emmanuel Laurin, 
Aix-en-Provence 
(Bouches-du-Rhône)Thierry LOPEZ

Ce grand sportif s’est mis à l’eau pour rallier Marseille à Toulon, en ramassant tous les déchets qu’il croisait, afin d’alerter le grand public à la nécessaire préservation de la grande bleue.

« J’avais déjà nagé en piscine pendant huit ans mais lorsque je suis venu vivre à Aix-en-Provence, je me suis mis à pratiquer ce sport en mer. Et je suis tombé amoureux de la Méditerranée. Il faut dire que c’est une merveille. Mais une merveille en péril car elle est très polluée. Je l’ai d’ailleurs constaté : en nageant, j’ai souvent croisé beaucoup de déchets. Quatre-vingts pour cent d’entre eux proviennent de la terre : ils débordent des poubelles trop pleines ou sont abandonnés n’importe où, avant d’être véhiculés par les vents ou les cours d’eau jusqu’à la mer. J’ai alors décidé d’agir à mon niveau pour que cette situation change et j’ai opté pour une action de sensibilisation : j’ai imaginé une aventure de quinze jours en autant d’étapes, pendant laquelle j’allais nager de Marseille à Toulon en ramassant le maximum de déchets flottants ou immergés  ! Un pari un peu fou, mais mes proches m’ont beaucoup encouragé  ! Et j’ai été aidé ! Mon employeur, la société Garig, m’a fourni toute la nourriture pour l’expédition. La marque Arena m’a donné des combinaisons, des masques et des palmes. Des associations écologiques m’ont apporté leur soutien logistique, comme celle qui a fourni le voilier pour accueillir mon équipe d’assistance et stocker ma «  récolte  ». Puis des amis m’ont même suivi dans deux kayaks durant tout le périple. Évidemment, pendant deux ans, je me suis aussi beaucoup entraîné pour que mon corps puisse encaisser ce qui fut également un réel défi physique.

Puis le jour du grand départ est arrivé : le 25 mai dernier, j’ai quitté la plage du Vallon des Auffes à Marseille. La presse était présente mais aussi des dizaines de nageurs, de paddles et de kayaks qui m’ont suivi sur les trois premiers kilomètres ! J’en avais la gorge serrée d’émotion  ! Ils m’ont donné tellement de courage  ! Et j’en ai eu besoin... Car pendant les deux semaines de nage qui ont suivi, au cours desquelles j’ai quotidiennement récolté des kilos de déchets dans des conditions météos parfois difficiles, j’en ai bavé. Comme lors de ce dixième jour, où j’ai rallié Bandol à Sanary-sur-Mer. Dès le réveil, mon corps était complètement endolori par les efforts physiques répétés. Et ce fut l’enfer, tant j’ai eu du mal à nager. Mais aussi parce que ce fut l’étape la plus polluée  !

J’ai traversé de véritables cimetières de bouteilles, de sacs plastiques, de briquets et même de pneus  ! J’en ai collecté plus de 20 kg  ! Un record par rapport aux jours précédents et ça m’a fichu le moral à zéro.Heureusement, il y a aussi eu de fantastiques instants ! Comme celui où, nageant entre Marseille et Cassis à l’aplomb des falaises du parc des Calanques, j’ai croisé une plongeuse sous-marine qui, en remontant à la surface, a entonné un air d’opéra. C’était comme si j’étais en présence d’une sirène qui chantait pour célébrer la beauté de la nature  ! Je me souviens aussi de ce début de soirée dans la baie de Saint-Cyr-sur-Mer où, depuis notre voilier, nous avons assisté à un ballet de canadairs qui venaient remplir leurs réservoirs d’eau en mer. Nous étions tous tellement fiers de ces pilotes émérites qui luttent aussi pour la préservation de notre environnement, que nous en étions muets d’admiration  !

Et puis comme prévu, j’ai rallié la plage du Mourillon à Toulon, le 8 juin : journée mondiale de l’océan  ! Évidemment, j’étais épuisé mais tellement heureux d’avoir mené à bien ma mission : sur les 100 km parcourus, j’avais collecté 100 kg de déchets, essentiellement du plastique. Je les ai montrés à tous les journalistes présents, afin qu’ils relaient mon cri d’alarme : la Méditerranée n’en peut plus de ces «  saloperies  »  ! Il faut absolument qu’au quotidien, chacun d’entre nous réduise au maximum sa consommation de produits en plastique à usage unique, comme les sacs de course par exemple, et apporte plus de soin à la collecte, au tri et à l’élimination de ses propres déchets. C’est essentiel  ! Pour sensibiliser le maximum de monde, un film de mon aventure que j’ai appelée Le grand saphir – parce que la grande bleue est un véritable bijou – sera probablement diffusé à la télévision. Et comme je ne compte pas en rester là, je me lancerai aussi dans une démarche professionnelle de valorisation des déchets en créant d’ici à quelques mois une entreprise qui récoltera du plastique usagé pour en faire des montures de lunettes : c’est une autre manière de participer à la protection de nos mers et de nos océans.  »

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Thierry LOPEZ

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