“J’ai subi les coups d’un mari violent !”

France Dimanche
“J’ai subi les coups d’un mari violent !”

Ingrid Falaise, actrice connue au Canada, cette jeune femme de 34 ans a révélé dans un livre qu’elle avait été victime d’un mari violent et manipulateur.

« J’avais 18 ans quand j’ai rencontré mon premier mari. Issu d’un milieu favorisé, élevé par des parents aimants et attentionnés, il avait tout pour devenir quelqu’un de bien. Je l’ai croisé à une soirée et j’ai tout de suite senti un fil de lumière relier son âme à la mienne.

Mais au fil des mois, il est, tranquillement, sournoisement, devenu comme le gourou d’une secte et moi, son adepte. Sans que je m’en rende compte, il a fait le vide autour de moi. Il ne voulait pas rencontrer mes parents, sous prétexte qu’il ne pouvait pas voir les siens, restés en Afrique. Il ne supportait pas non plus mes amies qui, selon lui, n’avaient pas une bonne influence sur moi...

Aveuglée par l’amour, je me suis convaincue que ce n’était pas essentiel. Notre relation était intense et réelle. J’étais “la prunelle de ses yeux", disait-il. Son regard à lui avait quelque chose de sombre, de troublant qui m’envoûtait et qui plaisait à toutes les filles.

Avant la violence physique, il y a d’abord eu l’isolement, la manipulation, puis la prise de contrôle, assortie de réflexions humiliantes. Il me disait que je n’avais pas le droit de sortir sans l’avertir, parfois il trouvait idiotes mes décisions et, lorsqu’il draguait une autre fille devant moi, il me persuadait que j’étais possessive...

Je ravalais mon orgueil et le laissais me mettre plus bas que terre, de peur de le perdre ou de passer pour jalouse. Il avait semé le doute en moi et peu à peu, sous son joug, je perdais mon identité et ma force de caractère.

Puis, je l’ai suivi en Afrique chez ses parents où nous nous sommes mariés. C’est là-bas que, pour la première fois, il s’en est pris physiquement à moi, parce que j’étais allée au hammam avec une de ses cousines sans son autorisation.

"J’ai suivi une thérapie pendant quelque temps et, pour m’en sortir, je me suis jetée à corps perdu dans le travail."

Les coups ont continué à pleuvoir, même après notre installation à Montréal. Je rapportais le seul salaire du foyer qu’il dilapidait avec ses amis qui squattaient notre appartement. Un soir, à mon retour du travail, il m’a attrapée avec brutalité et m’a violée avant d’inviter ses amis à faire de même.

J’étais prise au piège. Chaque crise était suivie de ce que les spécialistes appellent une lune de miel qui me faisait tenir et espérer qu’il redevienne comme avant.

Pendant deux ans et demi, j’ai vécu l’enfer. Quitter un mari violent est difficile. Au Canada, les femmes s’y prennent en moyenne à treize reprises avant de parvenir à rompre définitivement. Pour moi, la quatrième tentative a été la bonne : il m’avait, une fois de plus, cognée si fort que j’ai failli y passer. L’instinct de survie a été le plus fort.

Je ne remercierai jamais assez ma famille et mes parents qui, malgré leur incompréhension, m’ont toujours soutenue. Mais j’étais brisée et me reconstruire a pris du temps. J’ai suivi une thérapie pendant quelque temps et, pour m’en sortir, je me suis jetée à corps perdu dans le travail.

J’ai tourné dans le film Elles étaient cinq, qui a rencontré un vif succès, puis j’ai travaillé pour une série quotidienne à la télévision au Québec... J’étais connue, j’avais un travail passionnant, mais je n’arrivais plus à ouvrir mon cœur. Je voulais geler mes émotions.

Je suis restée longtemps célibataire, puis j’ai eu une relation avec un homme que j’aimais... comme un frère. J’avais l’impression d’avancer sur un fil. J’ai tenu dix ans et, un beau jour, j’ai perdu l’équilibre.

En France, Violences femmes infos : 3919 (appel gratuit).

Rattrapée par ce passé que j’avais voulu occulter, j’ai sombré dans la dépression. J’ai alors repris une thérapie dans un centre spécialisé ou, enfin, j’ai eu l’impression de réapprendre à marcher.

J’ai alors décidé d’écrire mon histoire (Le monstre, éd. Flammarion) pour l’exorciser d’une part et, d’autre part, pour montrer que, connue ou non, avocate ou employée, toutes les femmes peuvent tomber sous l’emprise d’un manipulateur violent.

Lorsque j’ai rencontré mon époux, j’étais une fille forte, équilibrée et indépendante. Mon profil brise tous les préjugés.

Je suis devenue la porte-parole de SOS violences conjugales au Canada, qui a mis en place un centre d’appel téléphonique pour les femmes battues. Un service qui m’aurait bien aidée à l’époque.

Aujourd’hui, je veux dire à toutes les victimes qu’il y a une vie après la violence, et qu’il ne faut surtout pas perdre espoir. J’ai rencontré un homme merveilleux qui m’aide à guérir... J’ai retrouvé mon équilibre et nous allons nous marier en juin prochain. »

Recueilli par Julie Boucher

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