Ludivine : “Je me bats pour aider 
les paysans fragilisés”

France Dimanche
Ludivine : “Je me bats pour aider 
les paysans fragilisés”

Fils et petit-fils d’agriculteurs, Christophe a décidé d’abandonner 
ses vaches laitières pour sortir sa famille des dettes. Dans la foulée, 
son épouse Ludivine Le Monnier lance un collectif de femmes d’éleveurs pour lever le voile 
sur la détresse du monde rural et sensibiliser les consommateurs.Fils et petit-fils d’agriculteurs, Christophe a décidé d’abandonner 
ses vaches laitières pour sortir sa famille des dettes. Dans la foulée, 
son épouse Ludivine Le Monnier lance un collectif de femmes d’éleveurs pour lever le voile 
sur la détresse du monde rural et sensibiliser les consommateurs.Fils et petit-fils d’agriculteurs, Christophe a décidé d’abandonner 
ses vaches laitières pour sortir sa famille des dettes. Dans la foulée, 
son épouse Ludivine Le Monnier lance un collectif de femmes d’éleveurs pour lever le voile 
sur la détresse du monde rural et sensibiliser les consommateurs.Fils et petit-fils d’agriculteurs, Christophe a décidé d’abandonner 
ses vaches laitières pour sortir sa famille des dettes. Dans la foulée, 
son épouse Ludivine Le Monnier lance un collectif de femmes d’éleveurs pour lever le voile 
sur la détresse du monde rural et sensibiliser les consommateurs.Fils et petit-fils d’agriculteurs, Christophe a décidé d’abandonner 
ses vaches laitières pour sortir sa famille des dettes. Dans la foulée, 
son épouse Ludivine Le Monnier lance un collectif de femmes d’éleveurs pour lever le voile 
sur la détresse du monde rural et sensibiliser les consommateurs.

«Nous sommes tous les deux issus de familles d’agriculteurs depuis plusieurs générations. C’est en boîte de nuit que j’ai rencontré Christophe, éleveur et céréalier. À l’époque, il était impensable pour moi de rester dans le milieu agricole : je ne voulais pas d’un quotidien de renoncement et d’abnégation comme celui de mes parents.

Finalement, nous nous sommes mariés, en 2001, et nous avons eu deux enfants. Christophe se levait aux aurores et rentrait tard le soir. Malgré mes réticences, je l’ai épaulé durant plusieurs années. J’ai appris à traire, à utiliser les machines. Tout en veillant à maintenir une vie de famille et à entretenir nos trois chambres d’hôtes. La ferme m’ennuyait, lui avait ça dans le sang !

Les vraies difficultés ont commencé en 2007, quand le cours mondial du lait a brutalement chuté. Certains mois, mon mari n’arrivait plus à se dégager le moindre bénéfice. J’ai alors pris la décision de travailler à l’extérieur. J’ai accepté tout ce qui se présentait : vendeuse, secrétaire... Mon salaire mettait un peu de beurre dans les épinards.

Saisie

Avec des collègues, Christophe menait des actions coups de poing pour réclamer le “juste prix" : en Basse-Normandie, ils ont bloqué les centrales d’achat et les usines du premier groupe laitier et fromager mondial (Lactalis), déversé du fumier sur les parkings des hypermarchés... Ils faisaient la une des journaux, on parlait d’eux à la télé ! Mais notre situation ne s’arrangeait pas.

En août 2014, j’ai subi ma première saisie : l’intégralité de mon salaire et mes maigres économies ont disparu en un instant ! Christophe ne m’avait pas confié les énormes difficultés auxquelles nous étions confrontés. Les charges de la ferme ne cessaient d’augmenter tandis que les aides de la Pac (politique agricole commune) diminuaient. Nous n’arrivions plus à payer les aliments pour le bétail, le vétérinaire, les assurances... Nous avons contracté des dettes, comme de nombreux agriculteurs en difficulté.

Nos relations se dégradaient, il déprimait et devenait agressif. Nous n’avions plus de quoi entretenir le tracteur, payer la cantine des enfants, faire des courses et encore moins des cadeaux de Noël. Mon opérateur téléphonique a suspendu ma ligne, EDF menaçait de couper le courant, nous fûmes fichés à la Banque de France... Malgré tout, je suis restée à ses côtés, craignant trop qu’il mette fin à ses jours si je l’abandonnais.

Finalement, après de longs mois très difficiles, Christophe a pris la décision de cesser son activité. À mon plus grand soulagement ! En février 2015, il a vendu quelques vaches à un cousin, pour qui il travaille depuis ponctuellement, et le restant du troupeau est parti à l’abattoir sous son regard attristé. Les bêtes, on s’y attache, on leur donne même des noms !

Deuil

Il décompresse progressivement, s’est inscrit dans un club de foot et s’est mis à courir. Aujourd’hui, il souhaite devenir ouvrier agricole à plein temps : son attachement à la terre reste sa raison de vivre. J’ai repris la danse. Nous apprenons à lâcher prise et à profiter de chaque instant. Nos enfants poursuivent leurs études et excluent de reprendre la ferme. Dans la famille, l’agriculture s’arrêtera donc et nous céderons nos dernières parcelles aux plus offrants.

Un producteur de lait, soit il s’agrandit jusqu’à une ferme-usine de 1 000 vaches, soit il laisse tomber. Et à mesure que les agriculteurs s’en vont, l’urbanisation gagne du terrain. En 2016, une amie, épouse d’éleveur laitier, m’a confié son ras-le-bol de vivre aux côtés d’un mari absent, travaillant avec acharnement sans pouvoir en vivre. Elle m’a dit en plaisantant : “Et si on montait un groupe de femmes révoltées ?"

C’est ainsi qu’est né le collectif des “foulards noirs" : le foulard est un rappel de celui que nouaient nos grands-mères sur la tête pour protéger leurs cheveux pendant la traite, et la couleur noire, le signe du deuil. À l’automne 2016, notre mouvement est devenu une association. Des centaines d’épouses d’agriculteurs partout en France adhèrent désormais.

Avec l’aide de la journaliste Bérangère Lepetit, nous avons écrit un livre pour décrire la véritable existence des agriculteurs, leurs difficultés, la détresse de ce milieu. Nous souhaitons que cet ouvrage aide d’autres paysans fragilisés à regarder la réalité en face, qu’il les incite à parler et à aller de l’avant...

Car rien n’est jamais perdu : le jour où nous avons vendu nos vaches, d’autres espoirs se sont offerts à nous, une nouvelle vie. Nous craignons toutefois la disparition lente et progressive de notre métier. »

À LIRE : "Le jour où on a vendu nos vaches", 
de Ludivine et Christophe Le Monnier, avec Bérangère Lepetit, aux éditions Flammarion.

Florence Heimburger

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