Prévention routière : “Un jour, j’ai pris la route en ayant bu…”

France Dimanche
Prévention routière : “Un jour, j’ai pris la route en ayant bu…”

Un soir de juin  2003, cet homme de 30 ans a pris le volant alors qu’il était sous l’emprise de l’alcool. Joachim Maire a perdu le contrôle de son véhicule. Cet accident mortel le poursuit toujours, même s’il mène aujourd’hui le combat de la prévention routière.

« Ce 6  juin 2003, il devait être 17 h 45 lorsque j’ai pris le volant après avoir bu l’apéro au bar. à mes côtés était assise ma compagne. Nous allions chez elle, à quelques kilomètres de là.

Subitement, dans le virage que je connaissais pourtant par cœur, les deux roues de ma voiture de sport ont mordu sur le bas-côté et nous nous sommes retrouvés en travers de la route, heurtant de plein fouet le véhicule qui venait d’en face. Je roulais bien trop vite et j’avais beaucoup trop bu...

"Ce poids de la culpabilité est lourd à porter. à plusieurs reprises, j’ai été interné en hôpital psychiatrique."

Je me suis réveillé cinq jours plus tard à l’hôpital de Sion, dans le Valais. Je ne pouvais pas marcher, ni parler, ni manger. Je ne me souvenais bien sûr pas du tout de l’accident. Quand on sort du coma, on n’est plus tout à fait sur terre.

Le psychiatre de l’équipe médicale m’a alors annoncé que ma compagne avait été transférée dans un autre établissement hospitalier et qu’elle n’avait pas repris connaissance. J’ai voulu aller lui dire un dernier « au revoir »...

"Après mon accident mortel, ma famille et mes bons amis m’ont tourné le dos."

On a organisé un transport pour que je puisse me rendre à son chevet. Et lorsque je l’ai vue étendue sur son lit, j’ai reçu comme un coup de massue sur la tête. Cette image-là, je vis avec depuis ce jour-là. Peu après notre rapide entrevue, elle est décédée. Je ne m’en remettrai jamais.

En lui disant adieu, j’ai réalisé mon cauchemar et tout ce qui nous était arrivé par ma faute. J’ai passé de longues semaines en rééducation au cours desquelles j’ai fait plusieurs tentatives de suicide. Pour moi, c’était la fin du monde. J’ai enlevé une vie humaine. Je suis un être humain. Pas un robot.

Ce poids de la culpabilité est lourd à porter. à plusieurs reprises, j’ai été interné en hôpital psychiatrique : j’étais tellement en colère contre moi. J’en voulais à tout le monde. Je me dis que ce ne sont ni l’alcool ni la vitesse qui sont responsables : juste moi et mon comportement d’adulte trop insouciant ! J’étais alors si immature.

Dix-huit mois après les faits, j’ai été condamné par le tribunal correctionnel suisse pour « homicide involontaire » et j’ai fait un an de prison ferme suivi par sept mois d’obligation de port du bracelet électronique.

"En faisant mes conférences ou en me rendant dans les écoles, je sais à présent que je peux sûrement à mon tour... sauver une vie ! "

Depuis 2007, j’ai donné plus de neuf cents conférences dans les écoles de la région et en France. Je vais parler aux adolescents pour leur répéter qu’il faut toujours anticiper avant de partir en soirée. Quand on sort avec des copains, il est indispensable de s’organiser pour le retour à la maison après. Il faut absolument le prévoir et ne pas laisser cette décision au dernier moment. C’est trop risqué, trop dangereux.

Après mon accident mortel, ma famille et mes bons amis m’ont tourné le dos. Je ne suis plus en contact avec ma sœur et je ne vois plus que très rarement mon meilleur d’ami d’avant. En Suisse, j’ai l’impression d’avoir une étiquette de « meurtrier » collée sur le front. Ici, ma vie est devenue infernale.

L’autre jour encore, alors que je buvais un café au bistrot de mon village, un jeune homme est passé devant moi en disant : « Moi, je n’ai pas tué... »

Chaque jour, je dois me reconstruire un peu plus. Je rêve d’une vie plus paisible, plus tranquille. J’ai la sensation d’être grillé ici. Je ne trouve pas de travail. Et puis, je me suis peut-être infligé une double peine, en acceptant la médiatisation de mon histoire.

Mais je veux continuer de transmettre le message que cela n’arrive pas qu’aux autres, que la vie ne tient qu’à un fil. J’ai grillé ma vie et celle de deux familles entières : la mienne et celle de mon ex-compagne. Alors aujourd’hui, je tente de vivre au jour le jour, même si la pression est parfois insupportable.

En faisant mes conférences ou en me rendant dans les écoles, je sais à présent que je peux sûrement à mon tour... sauver une vie !  »

Alicia Comet

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