Adieu Luciano Pavarotti : Le ténor était aussi une rock-star !

France Dimanche
Adieu Luciano Pavarotti : Le ténor était aussi une rock-star !

Les cloches ont sonné à toute volée, samedi à Modène. Avec la disparition de Luciano Pavarotti, l'enfant du pays, c'est l'Italie tout entière qui perdait sa plus belle voix.

Celle de ce monumental septuagénaire qui aura lutté contre la mort jusqu'au bout. Une semaine auparavant, le gouvernement italien lui avait décerné le Prix de l'excellence pour la culture italienne, ajoutant une ultime distinction à un concert de louanges ininterrompu depuis 1960.

Cette année-là, alors qu'il se destine au métier d'instituteur, ce fils de boulanger remporte un concours qui lui ouvre les portes de la scène : un rôle dans La Bohème, de Giacomo Puccini, jouée dans la cité provinciale de Reggio Emilia.

Mais c'est deux ans plus tard, en 1962, que sa carrière de chanteur prend un tournant décisif. Invité à Londres comme doublure du grand ténor Giuseppe di Stefano, il se retrouve propulsé sous les feux de la rampe quand celui-ci renonce à chanter, le soir de la première. Il a alors 27 ans, et sa carrière internationale vient d'être lancée...

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Excès

Une carrière qui passe par les opéras les plus prestigieux de Rome, San Francisco, New York, Chicago, Paris, Milan, Melbourne... Par des interprétations inoubliables dans La Bohème, bien sûr, son œuvre fétiche, mais également dans Turandot et Tosca, du même compositeur, dans Rigoletto, de Verdi... Une carrière marquée aussi par les excès de cet amoureux de la vie, grand amateur de pur sang, de foulards Hermès et de bonne chère.

Bono, chanteur du groupe de rock irlandais U 2, raconte comment Luciano, l'accueillant chez lui, ouvrit les bras et lança un énorme : « Pasta !» en l'invitant à passer en cuisine. Autre anecdote croustillante : lors d'une tournée japonaise, il dédaigne l'abondance de nourriture amoncelée dans une loge de son hôtel à Tokyo lorsqu'il découvre un restaurant italien à deux pas de ses luxueux appartements.

L'appétit féroce de ce géant de 1, 90 mètre était d'ailleurs responsable d'une « certaine » surcharge pondérale. On se souvient d'un soir de 1984, à Paris quand, en pleine représentation de Tosca, le tabouret s'écroula sous son poids. On a beaucoup glosé sur ses détours vers la variété. Lui répondait qu'il se flattait d'amener un plus large public vers l'opéra. Que le ténor a toujours été un chanteur populaire.

Bel canto

En juillet 1990, les trois ténors Carreras, Domingo et Pavarotti donnent, à Rome, un récital exceptionnel qui rejoint le Livre Guinness des records au titre de meilleure vente de disques jamais réalisée ! Le roi du bel canto se délecte de ces succès populaires, soulignant qu'il lui est arrivé de « faire » plus d'entrées que les Rolling Stones.

À Modène, chaque année, il organise des concerts de bienfaisance. Sous l'appellation Pavarotti & Friends, il invite ainsi des pointures internationales comme Elton John, Sting, George Michael, Barry White, Céline Dion et même Patricia Kaas ou encore les Spice Girls.

Avec Bono, il enregistre Miss Sarajevo, au moment de la guerre en Bosnie. Bono qui lui rend un hommage vibrant : « Il y a des gens qui chantent de l'opéra, Luciano Pavarotti, lui, était l'opéra. »

Don divin

Après quarante-cinq années au service de l'art lyrique, le maestro décide de programmer sa tournée d'adieux. Mais en 2005, souffrant, il doit annuler des dates. Officiellement, en raison d'une hospitalisation pour douleurs lombaires. Opération réussie, prétendent les communiqués. Cependant, une nouvelle infection vient compromettre les prochains concerts. En 2006, terrible nouvelle : Luciano vient de subir l'ablation d'une « masse pancréatique maligne ». Ses jours sont comptés...

Hospitalisé à Modène, le 9 août dernier, le chanteur à la voix d'or rend son dernier souffle le 6 septembre, dans sa villa, à l'âge de 71 ans. Trois jours plus tard, dans la cathédrale de Modène, tout proche du cercueil recouvert de tournesols, se tiennent ses trois filles nées d'un premier mariage, Nicoletta, son épouse depuis décembre 2003 ( une belle histoire était née quelques années auparavant entre le ténor et sa secrétaire de trente-quatre ans sa cadette ) et la petite Alice, fruit de son amour pour Nicoletta. Alice qu'il voulait voir grandir, quitte à tout arrêter.

Comme les proches autour du défunt, Nicoletta et les quatre filles du maître, très émues, ont écouté le message de condoléances du pape Benoît XVI soulignant que Pavarotti avait « honoré le don divin de la musique au travers de son extraordinaire talent d'interprète ». Puis, en larmes, la soprano Raina Kabaivanska a chanté l'Ave Maria de Verdi, tandis qu'un peu plus tard, le ténor Andrea Bocelli interprétait l'Ave Verum Corpus de Mozart.

Le lendemain, une procession sillonnait la ville d'où la voix du maître Luciano Pavarotti avait pris son envol pour enchanter le monde entier.

Robert Frilos

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