Anthony Doerr : Ce que la guerre fit aux rêveurs

France Dimanche
Anthony Doerr : Ce que la guerre fit aux rêveurs

Vous ne connaissez pas votre chance, vous qui n’avez pas encore fini de lire avec gourmandise ce prix Pulitzer 2015 remis à Anthony Doerr !

Et rarement cette prestigieuse récompense outre-Atlantique (l’équivalent de notre Goncourt) aura été aussi méritée, car c’est la première fois qu’un (jeune) auteur américain raconte avec une telle puissance et autant de précisions les horreurs de la Seconde Guerre mondiale en Europe.

De Saint-Malo à Berlin en passant par le Jardin des Plantes à Paris, Anthony Doerr vous emporte dans la débâcle dès ses premiers courts chapitres, pour ne plus resserrer son étreinte jusqu’au dénouement final, en 2014. Une fin qui plairait à Claude Lelouch.

Destin

Commencée comme un roman de Zola ou un film de Michael Haneke, en moins austère, cette histoire décrit le destin parallèle de deux adolescents livrés à eux-mêmes dans cette drôle de guerre.

D’un côté Laura, une jeune Parisienne devenue aveugle à 4 ans, qui s’enfuit à Saint-Malo avec son père pour échapper aux nazis. Et de l’autre, Werner, un orphelin allemand, petit génie des transmissions radio, enrôlé dans les jeunesses hitlériennes. Deux accidentés de la vie jouant à colin-maillard avec la mort et unis par une même passion et une même malédiction.

On aurait pu extraire une phrase du livre pour en faire son titre, « Ce que la guerre fit aux rêveurs », car le destin de chaque personnage est un roman. Madame Manec, la gouvernante résistante de la maison de Saint-Malo, le papa maquettiste, l’oncle agoraphobe de Laura, sans oublier l’ange gardien géant de Werner, Volkheimer, sa sœur Jutta et son compagnon de chambrée, Frederick l’ornithologue, tous nous captivent et nous incitent à imaginer quels acteurs les feront revivre sur grand écran.

La 20 th Century Fox n’a en effet pas laissé passer une telle pépite littéraire (ce best-seller s’est vendu à 2 millions d’exemplaires en huit mois aux États-Unis, et a été traduit dans 40 pays).

Mais il y a fort à parier que le meilleur rôle sera dévolu à la cité corsaire tant on sent, entend et respire les embruns sous les remparts transpercés par les tonnes d’obus qui s’abattent sur la ville fortifiée, aussi résistante que le Nautilus cher à Laura.

C’est 20 000 lieues sous l’amer ! Des sensations dignes de Jules Verne pour un spectacle sang et lumière, d’autant plus saisissant qu’on ne peut que l’imaginer...

"Toute la lumière que nous ne pouvons voir"�, d’Anthony Doerr, éd. Albin Michel, 23,50 €.-

Yves Quitté

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