Catherine Salvador : “Henri me rend visite dans mes rêves !”

France Dimanche
Catherine Salvador : “Henri me rend visite dans mes rêves !”

La dernière compagne du célèbre chanteur Henri Salvador nous a reçus. Elle nous parle avec  nostalgie  
de l’homme de sa vie, auquel Catherine Salvador va consacrer un musée.

Henri Salvador, l’amour de sa vie, qui a rejoint le paradis des artistes en février 2008, aurait fêté ses 100 ans en juillet dernier. À cette occasion, sa dernière épouse, Catherine Salvador, a eu l’idée de réaliser un disque hommage, produit par Sony et sorti ce vendredi 13 octobre.

La femme du chanteur au rire communicatif nous a accueillis dans son superbe duplex place Vendôme, à Paris, où elle a vécu avec l’interprète de Syracuse.

->Voir aussi - Catherine Salvador : "Du matin au soir, je sens sa présence !"

France Dimanche (F.D.) : Plusieurs chanteurs* ont célébré la mémoire d’Henri Salvador dans un album dont le titre peut surprendre.

Chez eux, dans le salon d'enregistrement de l'artiste

Catherine Salvador (C.S.) : Il s’intitule Henri a 100 ans parce que je vis toujours avec lui dans cet appartement. Mon mari fait partie de mon présent, pas du passé. Il était tellement solaire qu’il y a laissé son empreinte. Ce projet a été lancé le 18 juillet, jour de son anniversaire, et 13 semaines plus tard, le disque est disponible. C’est sans doute un signe d’Henri, car le 13 est son chiffre porte-bonheur. Il y a 13 lettres dans son nom, et il jouait souvent ce chiffre au jeu. Louis Chedid a réalisé un très beau travail, il est entré dans les chaussons d’Henri avec talent. Ces titres sont très difficiles à chanter, pourtant toutes les interprétations sont réussies.

F.D. : Vous n’avez jamais envisagé de déménager ?

C.S. : Non, tout est resté en l’état. Les tapis sont d’époque, et même s’ils sont abîmés, je les garde ! J’ai trop de respect pour ce qu’il a fait dans ce nid douillet depuis 1962. C’était notre tour d’ivoire, nous nous sommes cachés ici pendant des années, car je savais que nous serions attaqués sur notre différence d’âge [quarante-deux ans, ndlr].

F.D. : Vous vous êtes connus en 1995 ?

C.S. : Oui, j’avais 36 ans. Il m’a fait la cour pendant deux ans. Grâce à lui, j’ai eu la chance de connaître le grand amour. C’était un homme qui était resté jeune dans sa tête. Il me parlait aussi doucement qu’il chantait. Nous n’avons jamais eu de dispute. Quand je l’ai rencontré, il était ruiné à la suite d’un divorce très douloureux. Je travaillais encore. On a vécu ici, en mangeant des pâtes dans la cuisine, devant la télévision. J’achetais toute la presse, car il aimait tout lire.

La bibliothèque où se trouvent des centaines de disque dont "Chambre avec vue" Victoire de la musique en 2001

F.D. : Qui étaient ses vrais amis ?

C.S. : Ses meilleurs amis étaient sa plus grande richesse. Hélas, la plupart des membres de sa bande de fidèles, passionnés de pétanque, ont disparu. Il reste Raymond, qui était chauffeur à la mairie de Marseille, et Alice, qui travaillait aux impôts. Leur amitié est née voilà plus de cinquante ans ! À l’inauguration de la place Henri-Salvador, près de l’Olympia, ils étaient là. Nous connaissions également des princes, des présidents. Henri avait la faculté de rendre à l’aise des gens issus de milieux très différents. Dans notre maison entre Cassis et Bandol, nous avons constaté que les gens « normaux » étaient bien plus heureux que les habitués des palaces qui avaient réussi dans les affaires. Le plus important n’est pas le statut social, c’est le statut du cœur.

F.D. : Sa spécialité était le poulet au champagne ?

C.S. : Il avait inventé cette recette dérivée du pot-au-feu. Il ajoutait au poulet des légumes, du champagne Lanson et surtout pas d’eau ! Son plat mijotait de 14 heures jusqu’au lendemain midi. La nuit, il pouvait baisser ou remonter le feu, mais je n’avais pas le droit d’y toucher. Il mangeait aussi des petits pois gorgés de sucre en poudre et n’avait ni diabète ni cholestérol !

F.D. : Vous avez déclaré après sa disparition qu’il vous avait promis de vous envoyer un signe. L’a-t-il fait ?

C.S. : Oui, mais c’est notre secret. Il me visite aussi dans mes rêves. J’ai pleuré sa disparition pendant des années, il me manque terriblement. J’étais rassurée qu’il parte d’un seul coup, sans avoir connu la maladie et la souffrance. Ce matin-là, il m’a dit : « J’ai mal. » J’ai appelé le médecin, mais il est mort dans mes bras, d’une rupture d’anévrisme, avant l’arrivée des pompiers. Nous avions beaucoup parlé de la mort auparavant. J’ai donc respecté sa volonté de ne pas être ranimé.

F.D. : Croyait-il à une vie après la mort ?

Câline, la chienne d'Henri Salvador, était présente à son enterrement et depuis, elle réconforte Catherine

C.S. : Oui, il croyait à la réincarnation. Cette chienne, qu’il a baptisée Câline, a été son dernier cadeau de Noël. Mon frère, Jean-Luc, l’avait trouvée dans un refuge et la lui a offerte. Elle a été pour moi d’un immense réconfort et m’a aidée à survivre à sa disparition. Elle léchait même mes larmes. Je ne peux rien lui refuser quand elle me regarde avec ses yeux remplis d’amour.

F.D. : Comme Céline Dion, elle aussi endeuillée, pourriez-vous laisser entrer un autre homme dans votre vie ?

C.S. : Je ne sais pas. Demain, peut-être, quelqu’un se trouvera sur mon chemin...

F.D. : Racontez-nous pourquoi vous avez fait pleurer Céline.

C.S. : D’habitude, je n’offre rien, mais Henri l’adorait. On allait voir Céline Dion à chacun de nos séjours à Las Vegas. Alors, je lui ai donné un chapeau de scène qu’il portait en 1982. C’était à Noël 2012, lors d’une soirée qui lui était consacrée, avec Michel Drucker. C’est douloureux pour moi de me séparer d’un objet si important, mais c’était pour Céline.

F.D. : Le 26 novembre 2001, vous êtes devenue sa quatrième épouse.

C.S. : Oui, il disait : quand on aime une femme, on l’habille de son nom. Moi, je l’appelais « bébé » ou « mon petit poussin »... Chaque jour, je me lève en me demandant ce que je peux faire pour lui. Il serait heureux de la plaque en bas de l’immeuble, il était si fier d’habiter place Vendôme et me racontait : « Mon père voulait que je devienne avocat ou médecin. J’aurais tellement voulu qu’il voie que j’ai réussi. » Un succès qu’il doit beaucoup à sa deuxième épouse. Merci Jacqueline, grâce à toi, Henri est devenu un artiste reconnu. Ma mission est de me battre pour qu’il ne soit pas oublié. C’était un homme brillantissime, très aimé du public, dont il se sentait très proche.

F.D. : Quelle est votre prochaine mission ?

C.S. : Pour la place Henri-Salvador, j’ai attendu cinq ans avant d’obtenir les six plaques qui désignent cette place. Aujourd’hui, j’aimerais faire de cet appartement un musée. Mais les démarches administratives sont un parcours du combattant. J’ai un vrai devoir de mémoire envers l’homme que j’ai aimé. Il m’a demandé que l’on ne maltraite pas son image. Mais défendre Henri me coûte si cher que je n’ai plus les moyens de voyager. Je n’ai plus aucune rentrée d’argent, je vis de mes économies. Sans elles, je devrais tout vendre. Mon but est de sauver son studio d’artiste, ses costumes, son patrimoine. Ce chantier va m’occuper jusqu’à la fin de ma vie.

* Bénabar, Calogero, R. Charlebois, L. Chedid, T. Dutronc, Idir, M, MB14, F. Morel, Nach, H. Noguerra, V. Sanson, 
Shirley et Dino.

Anita Buttez
Photos : Éric Fougère

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