Christophe : Entre la vie et la mort !

France Dimanche
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Victime du coronavirus, Christophe, qui devait se produire bientôt sur une scène parisienne, a été hospitalisé d’urgence et placé en coma artificiel.

Depuis le 29 mars, la vidéo circule en boucle sur les réseaux sociaux : dans une rue d’un Paris désert depuis le confinement, on entend résonner le célèbre tube de Christophe Les Mots bleus. Ces « mots qui rendent les gens heureux », l’artiste de 74 ans est hélas bien incapable de les chanter à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Jeudi 26 mars, en effet, le chanteur a été admis en urgence dans un hôpital parisien, où il est toujours en réanimation. À l’heure où le Covid-19 contamine chaque jour des milliers de personnes de par le monde, il est naturel de s’interroger. Cet esthète aux poumons fragiles, qui ne sort jamais sans sa Ventoline (un médicament pour l’asthme), semble la cible idéale d’un virus qui fait des ravages chez les plus faibles et les plus âgés. Le Parisien révèle qu’il aurait été testé positif.

L’entourage de Christophe, lui, a seulement indiqué qu’il souffrait « d’insuffisance respiratoire ». L’interprète d’Aline, l’indémodable slow qui l’a fait connaître en 1965, était ces derniers temps plutôt en forme. Il devait reprendre la tournée de son album sorti en 2016, Christophe Etc., avec deux dates prévues fin avril au Grand Rex à Paris. L’annulation de ses concerts, pour cause de coronavirus, n’avait pas arrêté cet infatigable créateur. À Montparnasse, dans son studio de musique où il vit parmi ses instruments, ses toiles et ses collections d’objets vintage, le chanteur travaillait sur de nouveaux titres...

Insomniaque notoire, cet oiseau de nuit, qui attend le lever du jour pour prendre quelques heures de repos, a toujours soumis son organisme à rude épreuve. Jeune, il a goûté à toutes les drogues, du cannabis à la cocaïne, en passant par l’héroïne, comme l’une de ses idoles, Lou Reed, avant de décrocher.

Et si, depuis quelques années, il ne boit que de l’eau gazeuse et du thé, le dandy de la chanson française a longtemps abusé des cocktails, dont il était friand. Seule entorse à son abstinence, ce vin rouge italien qui lui rappelle ses racines et dont il s’autorise encore un verre à l’occasion...

Fils d’immigrés, originaires du Frioul, au nord-est de l’Italie, Daniel Bevilacqua, de son vrai nom, est né à Juvisy-sur-Orge, en banlieue parisienne. Très jeune, il se passionne pour le cinéma, grâce à son oncle, comme il l’a raconté au JDD : « Il nous filmait tout le temps avec sa caméra 9,5 mm, et le dimanche on regardait ses petits films, ça me fascinait déjà. » Ses idoles d’alors sont James Dean, Marilyn Monroe et Elvis Presley. Avec ce dernier, il découvre le rock’n’roll, et décide d’apprendre la guitare et l’harmonica. À 14 ans, il quitte le cocon familial et s’installe à Paris, où il exerce de petits boulots le jour et répète la nuit avec son groupe, Danny Baby et les Hooligans.

En 1964, après son service militaire, il se lance dans une carrière solo, et sort un premier disque, Reviens Sophie, qui passe incognito. Un an plus tard, c’est un autre prénom qui lui permet d’entrer dans la lumière. Aline s’écoulera à plus d’un million d’exemplaires... Il enchaîne alors les 45 tours et les succès, dont Les Marionnettes. Avec ses royalties, il s’offre des voitures de rêve qu’il conduit comme un fou dans Paris, ce qui lui vaut de nombreux PV. Ce beau gosse, qui coiffe comme Elvis ses cheveux en arrière, fait tourner bien des têtes, dont celle d’une jeune chanteuse prometteuse, Michèle Torr.

De leur liaison passionnelle naît en 1967, un fils, Romain, mais déjà le couple ne s’entend plus. Ils se séparent peu après, fâchés. L’âme sœur, qui est toujours à son côté, Christophe la rencontre en 1970. Elle s’appelle Véronique Kan. L’année suivante elle devient madame Bevilacqua et accouche d’une petite fille, Lucie.

La vie de l’artiste change, son look aussi : il arbore une moustache, s’habille de cuir, et se laisse pousser les cheveux. S’il est toujours aussi prolifique, son succès, lui, s’essouffle un peu. Son producteur lui présente un jeune parolier alors inconnu, Jean-Michel Jarre. Ensemble ils écrivent en 1973 l’album Les Paradis perdus, puis celui des Mots bleus, en 1974, l’un des plus gros cartons de l’histoire de la chanson française.

Ce qui lui vaut la reconnaissance d’une certaine presse qui le cataloguait à ses débuts de « chanteur pour midinettes ». Son timbre si particulier, ses arrangements ultra-perfectionnés (il peut passer un an à travailler sur un solo de batterie pour obtenir le son parfait) et ses textes, baroques et surréalistes, séduisent désormais tous les publics...

Cinéphile averti, il a également composé des musiques de films : Quand j’étais chanteur, de Xavier Giannoli, en 2006, et tout récemment Jeanne, de Bruno Dumont, dans lequel il tient un petit rôle. « J’ai joué ma scène deux mois après la fin du tournage. Nous étions en équipe réduite, c’était parfait pour moi... Dans la vie, je suis plutôt gonflé. Devant une caméra, je me dégonfle », confiait-il avec humour au JDD.

Jeanne Mas, Nagui, Polnareff, Marc-Olivier Fogiel... ils sont nombreux à avoir adressé via Internet des messages de soutien et d’amitié au chanteur qui, sur son lit d’hôpital, livre une bataille de chaque seconde pour respirer. « Nous, sa famille, espérons que les poumons vont tenir et se remettre », a confié Véronique, son épouse. À l’heure où nous bouclons, le chanteur aurait hélas été plongé dans le coma artificiel. 

Ne nous reste plus qu’à attendre et espérer qu’il surmontera bien vite son tourment afin de nous faire oublier ce cauchemar que nous traversons tous. À nous maintenant de crier « Christophe » pour qu’il revienne...

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Lili CHABLIS

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