Damien Nougarède : “Leur lien ultra-fusionnel nous dépassait”

France Dimanche
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Considéré par les regrettés jumeaux Bogdanoff comme « le troisième frère », Damien, leur agent, nous les raconte, tout en pudeur…

Plus que leur agent, Damien Nougarède aura été pendant douze ans un ami pour Igor et Grichka. Il préfère ne pas les pleurer, mais se souvenir de tout ce qu'ils lui ont apporté.

France Dimanche : Leur départ est un choc ?

Damien Nougarède : C'est si brutal qu'on n'y croit pas. Certes, ils n'étaient pas vaccinés, mais sans pour autant être antivax. C'était un choix personnel. Ils étaient en bonne santé, avaient une super hygiène de vie et se pensaient inatteignables.

FD : Quel était leur état d'esprit face à cette pandémie ?

DN : Ils étaient plutôt vigilants et respectueux des gestes barrière. Mais toujours très sereins, solaires. Pour eux, il y avait à peu près des solutions à tout...

FD : Comment les aviez-vous rencontrés ?

DN : Je les ai abordés un jour en leur proposant d'organiser pour eux des conférences. Ils m'ont donné rendez-vous le lendemain dans un café à 11 h 30. À 11 h 32, j'étais adoubé comme agent. Ce sont eux qui m'ont choisi. Très vite je suis devenu, selon eux, « le troisième frère ». Avant de les connaître, j'imaginais deux sommités inaccessibles qui allaient me raconter des trucs auxquels je ne comprendrais rien. En fait, ils étaient hyperaccessibles et d'une normalité déconcertante. Si vous saviez le nombre de trains qu'on a ratés, dès que quelqu'un les accostait sur le quai !

FD : Qu'est-ce qui va le plus vous manquer ?

DN : Ces interminables discussions avec Grichka principalement. Je l'avais au téléphone tous les jours, souvent jusqu'à 4–5 heures du matin. À discuter de tout et de rien, à se remonter le moral. Il aimait aussi débarquer en pleine nuit chez moi, avec sa guitare sur le dos pour me réciter des poèmes. Grichka avait ce côté bienveillant et très empathique, tel un chevalier toujours prêt à vous sauver. Je pense d'ailleurs qu'il m'aura plus conseillé en tant qu'agent que moi envers lui. Je ne suis pas triste, je garde en moi leur bel héritage.

FD : Comment étaient-ils dans l'intimité ?

DN : Ils venaient d'un autre monde et m'ont fait faire des trucs de fou. Ils avaient plein de projets, un ouvrage avec le pape, une BD pour enfants, une nouvelle émission de télé, la création d'une plateforme avec des programmes scientifiques, etc.

FD : Racontez-nous votre dernier moment avec eux ?

DN : C'était chez Igor, le 6 décembre, on a mangé tous les trois un couscous, leur plat préféré. Lorsqu'ils vous emmenaient en tester un, ils disaient : « Tu verras, c'est le meilleur de Paris ! » Et en ressortant du resto : « Non, en fait il n'est pas terrible ». On aurait pu faire un guide spécial couscous ! Puis, on a discuté jusqu'à 4 heures du matin... Grichka aimait dire à ce sujet : « Certains vont dormir pour rêver ; d'autres restent éveillés pour réaliser leurs rêves. » Ils étaient optimistes, avec cette envie de dévorer la vie.

FD : D'autres anecdotes ?

DN : Tous deux ne buvaient que du jus de pomme... mais trouble ! Ils faisaient très attention à eux. Igor, lui, faisait beaucoup de sport. Le dernier appel de la journée était pour le frère et le premier également. Pour se retrouver au petit déjeuner, toujours. Ils prenaient un thé au lait et des tartines de confiture, ce qui leur rappelait leur enfance. Leur lien ultra-fusionnel nous dépassait tous. Ils sont arrivés ensemble, ils sont partis ensemble, et ça ne pouvait en être autrement. Et je sais que je les retrouverai un jour...

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Recueilli par Caroline BERGER

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