Dernière interview de Demis Roussos : "J'aimerais bien servir mon pays!"

France Dimanche
Dernière interview de Demis Roussos : "J'aimerais bien servir mon pays!"

En novembre 2011, notre reporter Philippe Callewaert avait longuement interviewé le chanteur Demis Roussos lors de la croisière Age tendre et Têtes de bois.

Son pays, la Grèce, traversait alors une terrible crise. Coïncidence, c'est au lendemain d'un changement politique majeur dans son pays que le chanteur Demis Roussos, qui fourmillait de projets, nous a quittés.

Novembre 2011

L’éternel leader des Aphrodite’s Child, qui a vendu plus de 40 millions de disques à travers le monde, n’est pas qu’un simple chanteur. C’est aussi un citoyen, terriblement préoccupé par les malheurs que traverse son pays d’origine, la Grèce. C’est là, entre deux concerts, sur ses terres qui ont été le berceau d’une démocratie si fragile aujourd’hui, que nous avons eu l’immense privilège de le rencontrer.

France Dimanche (F.D.) : Quel est votre point de vue sur la crise qui secoue actuellement la Grèce ?
Demis Roussos (D.R.) : Je pense que ce qui se passe aujourd’hui dans mon pays est un problème qui devrait toucher tous les Européens. Ce n’est certes pas la première crise économique à laquelle nous sommes confrontés, mais celle-ci risque de faire très mal. Pour moi, nous sommes en train de traverser la troisième Guerre mondiale. Une guerre économique, sans arme. Une guerre entre les banques et les états. Si l’Europe ne met pas tout en œuvre pour aider la Grèce dès maintenant, il risque d’y avoir un effet domino : c’est-à-dire que ce sont les autres pays de l’Union européenne qui vont en pâtir. À commencer par l’Italie et un jour ou l’autre ce sera au tour de la France.

F.D. : Vous semblez bien pessimiste...
D.R. : Oui, mais on peut dire que c’est un mal pour un bien ce qui se passe au final. À bien y réfléchir, la Grèce est en train de sauver l’Europe entière. Nous montrons à notre insu ce qui pend au nez de tout le monde. Encore une fois, vous nous êtes redevables ! N’oubliez pas que vous avez déjà une dette envers les Grecs, puisque notre civilisation est quand même née dans mes terres ! (rires)

F.D. : Comment vivez-vous cette crise au quotidien ?
D.R. : Plutôt mal ! Je suis véritablement inquiet. J’ose d’ailleurs espérer qu’il n’y aura jamais de guerre civile chez nous. On en est encore loin, mais la colère du peuple se fait déjà bien sentir avec de nombreuses manifestations. Faut dire que la classe moyenne est en train de disparaître petit à petit. Je suis sidéré de voir que de plus en plus de gens attendent par exemple la fin des marchés pour faire les poubelles. Mais c’est un phénomène qui ne touche hélas pas que la Grèce. Vous savez, je suis aussi très inquiet quand je regarde ce qui se passe dans votre pays. Votre paysage politique n’est pas très réjouissant. À gauche, je trouve que ça manque de magie. Or pour diriger un pays, il faut avoir du charisme, et on ne peut pas nier que Nicolas Sarkozy a une force de persuasion indéniable. C’est une qualité non négligeable. C’est comme dans le monde artistique, on peut très bien devenir une star sans avoir forcément du talent.

F.D. : Seriez-vous prêt à vous engager en politique ?
D.R. : Je me sens très impliqué dans mon pays et j’aimerais bien le servir du mieux que je peux. Diverses personnalités grecques, comme moi, sont régulièrement approchées pour vanter les mérites de notre pays et ainsi favoriser le tourisme. Je m’efforce de répondre à ces sollicitations car je me sens déjà comme un ambassadeur. Donc si on me le demandait, je me verrais bien ministre dans le gouvernement grec. Et le jour où ça arrivera, je n’aurai pas peur de dénoncer les scandales. Il faut crever les abcès au plus vite ! En fait, on m’a déjà approché, mais j’attends encore un peu. Un jour peut-être...

F.D. : Avez-vous des solutions à proposer ?
D.R. : Il faudrait surtout que les mentalités changent. Mais ça risque de prendre plusieurs générations. En attendant, il serait bon de se concentrer sur l’exportation. Tout le monde sait qu’on a du pétrole et du gaz sous la mer Égée, mais personne ne nous laisse l’exploiter. Nous avons d’autres véritables trésors chez nous, comme par exemple la truffe : il y en a plein sur nos terres, mais ce n’est que très récemment qu’on a compris que ça pouvait rapporter beaucoup d’argent. En Grèce, il existe aussi de très bonnes huiles d’olive qui peuvent rapporter gros : celle de Crète et celle de Kalamata, au sud du Péloponnèse, les meilleures huiles d’olive au monde ! Même les huiles italiennes et espagnoles viennent en réalité de chez nous. À tel point que ça m’a donné une idée...

F.D. : Laquelle ?
D.R. : Je pense que l’exportation est le principal moyen de faire rentrer de l’argent dans un pays. Alors je suis moi-même en train d’exploiter ma propre bouteille d’huile d’olive. Une huile qui vient tout droit de Crète, là où travaillait jadis mon grand-père. Petit, il a passé beaucoup de temps dans des champs où il existe encore des arbres de 5000 ans. Ce qui prouve que la terre y est très fertile. Aujourd’hui, je suis donc en pourparlers pour exploiter à mon tour cette terre et créer une sélection spéciale « Demis Roussos ». Il s’agit évidemment d’une huile biologique que je compte commercialiser dans le monde entier. Il en existe déjà quelques bouteilles, mais je dois encore créer mon label.

F.D. : Aimez-vous cuisiner ?
D.R. : J’adore ça. Il m’arrive même d’inventer des plats, et j’appelle régulièrement des amis restaurateurs pour qu’ils me donnent des conseils sur une marinade ou quelconque autre recette... En fait, je suis un gourmet plus qu’un gourmand. Et vous aurez donc compris que j’adore l’huile d’olive. Il m’arrive d’ailleurs parfois de me laver les dents avec. Je vous promets qu’il n’y a rien de tel qu’un bain de bouche à l’huile d’olive (à faire pendant au moins cinq minutes !). C’est un véritable antiseptique ! Mais rassurez-vous, si je me lance dans cette nouvelle aventure, je n’abandonne pas la musique pour autant. J’ai encore plein de projets d’albums à venir...

Philippe Callewaert

En vidéo