Didier Bourdon : “J'ai 22 ans d'âge mental !”

France Dimanche
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À l'occasion de la sortie du film “Permis de construire”, en DVD (éd. Warner), l'Inconnu le plus célèbre de France s'est confié à nous, entre rire et émotion…

Didier Bourdon, c'est d'abord une belle voix de basse, une prestance reconnaissable entre mille. À 63 ans, ce grand comédien nous a accordé une interview depuis le volant de sa voiture. L'homme, d'une générosité considérable, est un artiste complet : scénariste, auteur, acteur, chanteur, producteur et, surtout, éminent membre du trio Les Inconnus. Dans la comédie d'Éric Fraticelli, il est irrésistible en Romain, un Parisien hautain et bourré de préjugés qui débarque en Corse pour acquérir le terrain d'un héritage paternel...

France Dimanche : Est-ce le réalisateur Éric Fraticelli qui a eu l'idée de vous confier le rôle de Romain ?

Didier Bourdon : Oui. Un jour, Éric, avec qui j'avais déjà travaillé, m'appelle pour me proposer de lire un scénario. L'idée de faire ce film sur la Corse venait de ses producteurs. J'ai beaucoup aimé cette histoire à la fois drôle et touchante. Et je suis intervenu, à l'écriture, pour enrichir certaines scènes : comme cette séquence irrésistible où Romain parle aux bandits corses par onomatopées !

FD : Le film aurait été intégralement tourné sur l'île de Beauté, en Balagne, même les scènes censées se dérouler à Paris...

DB : C'est tout à fait vrai. Ce qui m'arrangeait bien, car cela m'a évité d'effectuer des allers-retours entre Paris et la Balagne. Les séquences parisiennes ont été réalisées dans un appartement à Calvi.

FD : Votre père adorait Propriano. Jouer un personnage qui hérite de son défunt papa ne vous a pas ému ?

DB : Mon père a eu un coup de cœur pour cette ville, où il est venu 12 ans de suite l'été avec ma mère. Lors de la scène des cendres paternelles, j'étais très ému. Cela se voit à l'écran, car j'ai pensé à mon père. J'entretenais avec lui des relations très privilégiées...

FD : Votre femme, Cécile, est interprétée par Anne Consigny. Est-il exact qu'au Conservatoire, vous étiez amoureux d'elle ?

DB : Elle était si ravissante... mais je n'étais pas le seul : nous étions tous amoureux d'elle ! À l'époque, elle affichait un air un peu distant. Lorsqu'elle passait devant nous, on aurait dit une châtelaine... Nous étions d'ailleurs dans une belle promotion, puisqu'en plus d'Anne, nous avions Carole Bouquet, qui n'est pas mal non plus.

FD : Vous donnez la réplique à d'authentiques Corses, dont certains vous auraient très intimidés...

DB : Lorsque ces figurants déboulaient à plusieurs, avec leurs mines patibulaires, je n'en menais pas large. Le chanteur Jean-Claude Acquaviva, avec ses yeux bleus et sa voix cassée, est impressionnant. Dans la vie, c'est pourtant un homme d'une grande douceur...

FD : Une anecdote drôle : cette loi du littoral corse, qui interdit de lotir les terrains habités par des limaces, serait inspirée d'une histoire véridique...

DB : C'est vrai : les limaces sont des espèces très protégées en Corse et pas question de construire sur leur territoire ! Pour les abeilles, c'est pareil... M'appelant Bourdon, je suis de toute façon solidaire de ces insectes !

FD : Quel accueil vous ont réservé les habitants de Balagne, une région que vous ne connaissiez pas ?

DB : Les Corses de Balagne sont un peu froids au début, mais une fois qu'ils ouvrent leur cœur, c'est pour toujours ! Ils ont été adorables avec ma famille, qui est venue me rejoindre sur l'île.

FD : Un tournage estival de deux mois avec Corti, Simon Abkarian, Éric Fraticelli et Frédérique Bel n'a pas toujours dû être triste...

DB : C'était super sympa ! J'étais très proche de Simon et je me suis senti bien triste lorsqu'il est parti. L'ambiance était géniale, même si tourner en plein été est éprouvant, car nous nous levions très tôt le matin pour éviter la chaleur.

FD : Parlons des Inconnus. Vous revenez prochainement sur TF1 et vous êtes en train de préparer un film pour la fin de l'année. Bientôt votre grand retour ?

DB : Sur TF1, nous serons dans deux émissions où nous avons exhumé de nos archives des sketchs inédits. Côté cinéma, Riad Sattouf va réaliser un film avec nous. Il doit nous rendre son scénario dès septembre.

“Aujourd'hui, nous ne pourrions plus faire un sketch comme Nicolas Culot à Barbès."

FD : Aujourd'hui, avec Bernard Campan et Pascal Légitimus, vous ne pourriez plus refaire les mêmes sketchs qu'il y a trente ans. Vous le déplorez ?

DB : En 2022, c'est sûr, nous ne pourrions plus faire, sur une chaîne du service public, une séquence où Nicolas Culot hurle avec un mégaphone à Barbès ! Beaucoup de nos sketchs, écrits à trois mains, étaient d'une grande cruauté, mais assumée. Ce n'est pas un hasard si nous sommes aujourd'hui tant plébiscités sur Internet : toutes générations confondues, le public continue d'adorer notre liberté de ton, et la qualité théâtrale de nos interprétations.

FD : Vous étiez très caustiques avec les animateurs de l'époque, dont Jacques Pradel ou Daniel Toscan du Plantier. Aucun d'entre eux ne vous a contacté pour s'en plaindre ?

DB : Nicola Sirkis, d'Indochine, n'a pas trop apprécié le sketch Isabelle a les yeux bleus. Mais, franchement, il est bien le seul. Et lorsque nous sommes devenus très populaires, toutes les personnalités voulaient être parodiées par les Inconnus.

FD : La comédienne Sylvie Testud, qui a tourné avec vous, affirme que dans votre tête vous avez 22 ans. Vous confirmez ?

DB : Elle a aussi affirmé que Christian Clavier avait à la fois 9 ans et 90 ans, ce que je confirme ! 22 ans ? Oui, c'est un âge qui me va bien. Car je suis parfois responsable et leader, comme j'ai su l'être avec Bernard Campan et Pascal Légitimus dans les Inconnus, tout en restant un incorrigible gamin dans ma tête !

Éric Fraticelli : “Les Corses ont adoré !"

L'acteur et humoriste bastiais révélé en 2004 dans L'Enquête corse parle à cœur ouvert de son premier long-métrage : « Ce film, c'est d'abord l'histoire d'une belle complicité avec Didier Bourdon : nous partageons la même fibre humaine et artistique. Ce fut épuisant pour moi d'être devant et derrière la caméra, mais nous avons réussi une comédie pleine d'humanité et d'humilité qui a fait un triomphe sur l'île, avec plus de 60 000 entrées, c'est un record historique – Titanic en a fait 40 000. C'était très important pour moi de ne pas décevoir et trahir ce public corse qui m'a toujours soutenu... »

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