Francis Huster : Il a réalisé le rêve de son incroyable mère

France Dimanche
Francis Huster : Il a réalisé le rêve de son incroyable mère

Suzette voulait devenir actrice (la mère de Francis Huster), mais pour son père c'était pire qu'être une prostituée

Alors, Suzette s'est enfermée dans un mariage qui a vite tourné au cauchemar. Elle a même voulu tuer son mari trop volage ! Homme de théâtre et de cinéma, éblouissant acteur et metteur en scène de talent, le moins qu'on puisse dire c'est que Francis Huster a voué sa vie au spectacle... Une passion viscérale qui lui vient de sa maman, Suzette, et dont il a réalisé le plus grand rêve !Suzette voulait devenir actrice (la mère de Francis Huster), mais pour son père c'était pire qu'être une prostituée

Dans Le livre de notre mère, écrit par Jean-Pierre Huster, frère aîné du célèbre comédien, à paraître aux éditions Calmann-Lévy, Suzette, âgée de 94 ans, raconte son incroyable histoire et évoque, avec son franc-parler, son plus grand bonheur.

« Je le dis franchement, j'ai vu, durant mon existence, tant d'horreurs et tant d'injustices qu'on peut se demander si le bon Dieu existe. Mais si par hasard, c'est le cas, je le remercie d'avoir exaucé mon voeu le plus cher. Car un de mes enfants a réalisé ce que j'avais toujours rêvé de faire : le métier d'acteur !»

->Voir aussi - Francis Huster et Cristiana Reali : La fin d'une belle histoire

Révélation

Dès sa plus tendre enfance, en effet, Suzette passe son temps dans les salles obscures. C'était le temps du cinéma muet en noir et blanc, et dès sa première séance, pour elle, c'est la révélation :

« En regardant les grimaces tristes et les gestes saccadés de Buster Keaton, j'eus un peu peur, explique-t-elle, mais les picotements que je ressentis dans tout le corps n'avaient rien à voir avec des fourmis d'engourdissement. C'était décidé ! Désormais je passerais ma vie devant un écran de cinéma. Et, pourquoi pas... sur l'écran, oui ! Ce serait encore plus excitant !»

À la rentrée de 1929, Suzette a 15 ans, et elle intègre la prestigieuse école commerciale de la rue d'Abbeville, à Paris, sans toutefois abandonner l'idée de devenir actrice : « En vérité, je n'avais qu'une seule passion : le cinéma. Et un fol espoir : en faire mon métier. »

Un rêve que la jeune femme préférera garder secret quelque temps encore. En juin 1931, elle décroche son diplôme. Peu après, la revue Cinémonde organise un concours national pour trouver la star de demain. Suzette postule et... fait partie des trois finalistes ! Une nouvelle que, folle de joie, elle s'empresse de révéler à son père :

« Il m'annonça tout de go qu'il m'étranglerait de ses mains plutôt que de me voir " faire l'actrice " ! J'eus réellement peur et compris que mon père considérait l'éventualité d'une carrière cinématographique comme quelque chose de pire que la prostitution. »

Ainsi, c'est le cœur brisé que Suzette abandonne complètement son rêve. Un revers du destin qui n'arrivera heureusement pas à Francis ! Néanmoins, c'est un tout autre problème qui manque de le priver de sa belle carrière, et même, tout simplement, de sa... venue au monde !

Car dès l'instant où Suzette rencontre Charles Huster, sa vie va littéralement basculer. La jeune femme l'épouse, le 18 décembre 1938, à la veille de la Seconde Guerre mondiale et lui donne, le 8 avril 1944, un premier enfant, Jean-Pierre. Hélas, elle soupçonne une infidélité de son séducteur de mari, et envisage de divorcer.

Mais le divorce n'est pas très bien vu à l'époque, sa propre mère l'en dissuade. De plus, elle porte déjà un second enfant et redoute de traumatiser le petit Jean-Pierre. L'épouse humiliée finit alors par se laisser convaincre de rester auprès de son époux ...« Une erreur que je regrette encore, soixante ans plus tard !» confie-t-elle cependant.

Hélas, Suzette fait une fausse couche, à la suite de laquelle le médecin lui annonce qu'elle ne pourra plus avoir d'enfants. Dans ce cas, comment notre cher Francis allait-il donc pouvoir venir au monde ?

Eh bien, sans doute, grâce à... une erreur ! Car le 8 décembre 1947, madame Huster accouche du petit Francis Maxime, suivi, deux ans plus tard, d'une ravissante Muriel, née le 3 avril 1949 !

« Je n'avais plus qu'à féliciter la Faculté pour la justesse de ses diagnostics !» Mais, malgré l'arrivée pour le moins inattendue de ces deux derniers bambins, l'ambiance au sein du foyer Huster est toujours très explosive.

« Mon mari passait de moins en moins de temps avec nous, raconte-t-elle. Rien que de très normal, puisqu'il en passait de plus en plus avec sa moto et ses conquêtes féminines. »

Détective

Toujours pleine de soupçons sur les infidélités de Charles, Suzette décide d'engager un détective privé qui va, très vite, confirmer ses doutes. Pétrifiée, la jeune femme découvre que son mari la trompe depuis plus de quinze ans avec la pâtissière du coin de la rue. « C'est chez elle que j'achetais mes gâteaux depuis plus de vingt ans ! La pâtissière !»

Folle de rage, la jeune femme décide de... tuer Charles ! Elle se rend dans une armurerie, mais, n'ayant évidemment pas de port d'arme, se voit forcée d'oublier cette éventualité. À la place, Suzette part acheter des gâteaux chez sa rivale ! À la fin du repas, elle les apporte à Charles, qui s'étonne d'en voir arriver une douzaine alors qu'ils ne sont que deux à table, et lui lance : « Il paraît que tu adores les gâteaux, non ? Alors tu vas tous les manger. Et j'espère que tu vas en crever, sombre salaud !»

Bref, Suzette finira quand même par obtenir ce dont elle rêvait : le divorce ! Quant à Francis, il a passé sa vie à remercier cette mère extraordinairement courageuse de la plus belle manière qui soit : en devenant un grand acteur.

Et aujourd'hui, c'est avec une immense émotion que, dans la préface du livre de son frère, le comédien Francis Huster lui dédie ces quelques mots d'amour : « Je dois à Suzette Zvaibaum soixante ans de bonheur. Puissent tous les enfants être redevables à leur mère d'une telle chance : aimer la vie !»

Laura Valmont

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