Freddie Mercury : God save the Queen !

France Dimanche
-BESTIMAGE

Disparu il y a trente ans, ce flamboyant interprète, musicien étincelant et génie extravagant a fait de Queen le groupe de rock le plus avant-gardiste, au succès universel fulgurant.

We Are the Champions, The Show Must Go On... L'évocation de ces tubes dotés d'un pouvoir de séduction inégalé fait résonner une voix : celle de Freddie Mercury. Interprète grandiloquent aux quatre octaves, cette figure dionysiaque autant qu'apollinienne du rock aura été l'âme et le porte-étendard du groupe indétrônable Queen, depuis sa création en 1970 jusqu'à sa mort en 1991. Un groupe au succès mondial dont l'alliage des productions musicales théâtrales et lyriques se situe aux confluences du rock progressif et de l'opéra. Sans Freddie Mercury qui a défié les stéréotypes et brisé les conventions, Queen n'aurait pas existé. C'est de sa plume que sont nés les grands succès de ce quatuor (Brian May, guitariste, Roger Taylor, batteur, et John Deacon, bassiste) et qui ont prouvé que le rock ne se résume pas à quelques riffs de guitare. Et, depuis trente ans, à l'instar de son tube Don't Stop Me Now, le mythe de Freddie Mercury se perpétue. Queen a beau être orphelin de son leader charismatique, l'étoile mythique du groupe de rock britannique scintille toujours.

Farrokh Bulsara de son vrai nom, Freddie Mercury est né le 5 septembre 1946 à Zanzibar, dans l'actuelle Tanzanie, alors colonie anglaise. Ses parents sont des Indiens de confession parsie. L'enfant est sage, retenu et élevé de manière stricte. Il intègre le pensionnat de St Peter's Boys en Inde où il reçoit une éducation à l'anglaise. Le garçon solitaire excelle en musique. Ses talents de pianiste lui permettent d'intégrer le groupe The Hectics en 1958. Ses camarades de lycée l'appellent Freddie, surnom qu'il n'abandonnera plus. L'ensemble joue des classiques rock des années 50 et surtout des titres d'Elvis Presley, l'idole du moment.

Après la révolution de Zanzibar en 1964, il émigre avec sa famille au Royaume-Uni, à Feltham. Le jeune homme entame des études d'art graphique et s'installe dans le quartier de Kensington, melting-pot culturel de Londres. Il découvre Jimi Hendrix et les Beatles qui façonnent son identité musicale. Doté d'un vibrato exceptionnel, il intègre des formations anglaises locales comme Ibex. Début 1970, il la quitte pour le groupe Sour Milk Sea avec lequel il enchaîne les concerts dans les pubs londoniens et à Liverpool. La même année, le groupe Smile cherche un nouveau chanteur. Il jette son dévolu sur Freddie. Dès son arrivée, il renomme la formation Queen. Le début d'un mythe.

En deux ans, entre 1973 et 1974, le quartet sort trois albums : Queen, Queen II et Sheer Heart Attack. Le nom du groupe s'imprime peu à peu sur les lèvres et devient la sensation du moment. On loue la personnalité hors du commun de son leader, la richesse de son timbre à la projection puissante, l'étendue de sa tessiture. On lui prédit une conquête radieuse. Bien vu : en 1975, l'album de haute voltige A Night at the Opera porte sa marque et propulse définitivement Queen, notamment avec le long titre Bohemian Rhapsody (qui reçoit le Brit Award du « meilleur single des 25 dernières années »). Premier album du groupe à atteindre le sommet du hit-parade au Royaume-Uni et artistiquement ambitieux, il aborde des genres musicaux diversifiés et scelle le style du groupe.

À coups de provocations, d'exaltations culottées et de mélodies adhésives, le groupe et son leader partent à l'assaut du monde. Sur scène, le brûlant gaillard, monté sur ressorts, déballe une énergie folle, capable de prendre l'espace et le pouvoir, exhibant sa plastique provocante. A Day at the Races, News of the World, Jazz, The Game... le groupe carbure à plein pot et enchaîne les albums à un rythme frénétique. Les titres claquent et les succès se ramassent à la pelle : We Will Rock You, We Are the Champions, Don't Stop Me Now...

En 1980, Queen sort en album la bande originale du film Flash Gordon. Au seuil élancé des années 80, Freddie veut se diversifier. Il en a la possibilité après être allé voir la cantatrice Montserrat Caballé en 1983. Marqué par son jeu de scène, il s'en inspire pour ses concerts, grands-messes où le public fait corps avec lui, à l'instar du Live Aid, en 1985 à Wembley, considéré comme « la plus grosse performance live de tous les temps » par la BBC. L'intranquille permanent qu'est Freddie Mercury savoure cette ferveur bouillonnante et ces avalanches de partage.

Toutefois, l'image sulfureuse et provocante du chanteur avec son goût des bacchanales et des excès entachent sa réputation. Bien qu'il ait connu des femmes dans sa vie (Mary Austin, son ex-fiancée, héritera de la moitié de sa fortune et de sa maison), ses relations homosexuelles défraient la chronique.

Blacklisté par l'Onu pour avoir joué en Afrique du Sud qui pratiquait encore l'Apartheid, le groupe se forge une image rebelle tandis que, de manière concomitante, son leader cultive la discrétion sur sa vie privée, en dépit d'une posture qui brise les codes de l'hétéronormativité.

Se sachant malade dès 1987, il en nie le diagnostic, avant de le confirmer dans un communiqué, peu avant sa disparition. Emporté à 45 ans par une pneumonie bronchique liée au sida le 24 novembre 1991, il continue à écrire jusqu'à la fin. The Show Must Go On sera la dernière chanson du groupe. Un hymne à la vie mais aussi son chant du cygne, adressé à lui-même, à ses camarades et à son public avec une intensité vocale bouleversante. « C'est bientôt la fin pour moi / Dehors l'aube

commence à poindre / Mais à l'intérieur dans le noir je me languis d'être libre / Le spectacle doit continuer». Il ne s'est jamais vraiment arrêté.

C'est à Kensal Green, cimetière à l'ouest de Londres, que Freddie Mercury a été incinéré. Ses cendres ont été conservées dans une urne par son ex-fiancée, Mary Austin (à dr.), pendant deux ans avant d'être placées dans son dernier lieu de repos. « Personne ne saura jamais où il est enterré parce que c'était son souhait », dira-t-elle.

Le film aux quatre Oscars sur Freddie Mercury et Queen, chapeauté par le guitariste et le batteur du groupe, a affolé les compteurs du box-office mondial. Il a passé la barre des 900 millions de dollars de recettes pour un budget de 55 millions. C'est le biopic le plus rentable de l'histoire du cinéma. En France, il a totalisé plus de 4 millions d'entrées.

Dominique PARRAVANO

En vidéo