Frédéric Zeitoun : "J'ai été gâté par la vie !"

France Dimanche
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À l'aube de ses 60 printemps, Frédéric Zeitoun, le célèbre chroniqueur de “Télématin” nous offre un album étonnant et une belle vision du monde…

«Merveilleuses chansons Frédéric, tu y développes ton univers faussement gai avec maestria, lui a écrit Serge Lama en préface de son nouvel album. Tu dis des choses tellement vraies. [...] Donnez-nous s'il vous plaît notre rire quotidien. » Quelques années après Duos en solitaire et l'immense succès de son spectacle L'Histoire enchantée du petit juif à roulettes, cet artiste étonnant, visage bien connu de la télévision, nous offre J'aimerais (Roy Music), un nouvel opus de douze chansons qui font du bien. Alors laissez-vous embarquer, vous ne serez pas déçu...

France Dimanche : Comment est née l'idée de ce bel album ?

Frédéric Zeitoun : De l'envie de continuer à chanter. J'écris des chansons pour les autres depuis longtemps, il y a deux ans j'ai même fait un album de duos, ainsi c'était comme une évidence de pour-suivre l'aventure, de continuer à dire ce que j'avais sur le cœur.

FD : Vous qui avez écrit pour beaucoup d'artistes, préférez-vous écrire pour les autres ou pour vous-même ?

FZ : Ce sont deux exercices bien différents, mais qui se rejoignent. Quand j'écris pour les autres, c'est un cadeau. Je me demande toujours ce que je peux offrir à untel, qu'il n'a pas encore dit, qui puisse lui correspondre et dans lequel je me retrouve quand même un peu. Quand vous écrivez pour les autres, il y a forcément une part de vous. Je serais absolument incapable d'écrire quelque chose que je ne sens pas, une idée que je ne défends pas. J'écris depuis très longtemps pour Frédo (Frédéric François), alors que nos univers n'ont absolument rien à voir.

FD : En quoi vous inspire-t-il ?

FZ : Disons que ses chansons m'ont beaucoup aidé quand j'étais gamin. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien, c'était ainsi ! Aujourd'hui, ça fait vingt ans que j'écris pour lui, et je peux vous dire que ce latin lover qui chante aux femmes des choses qui leur font plaisir, ce n'est pas du tout moi...

FD : Quand et comment avez-vous été piqué par cette passion pour l'écriture ?

FZ : On a toujours écouté des chansons à la maison. Mes parents n'étaient pas du tout artistes, mais maman faisait le ménage en chantant ; la radio était continuellement allumée et diffusait les chanteurs du moment, Salvador, Dassin, Distel... La chanson était omniprésente et m'apportait tant de bien-être.

FD : Petit, imaginiez-vous un jour faire partie de cet univers ?

FZ : Chanter, je n'en sais rien. Mais écrire, oui. Je l'ai toujours souhaité en tout cas. J'ai commencé à griffonner des brouillons de chansons à 10-11 ans, ce qu'on peut écrire à la prépuberté sur son mal-être. Ce n'était ni fait ni à faire, mais il y avait une vraie volonté et il était très clair que je vivrais de ça. Quand j'étais à la guitare ou devant mon petit piano électrique, je rêvais de manière très naïve à un monde meilleur, aux premiers frissons amoureux, et c'était pour moi une manière d'aller mieux. Quand on dit que la chanson aide à vivre, je le pense profondément. Moi, c'était mon médicament.

FD : Contre quel mal-être ?

FZ : L'entrée dans l'adolescence n'est jamais une période facile et, pour ma part, je devais en plus affronter les regards pas toujours très sympathiques, ce qui n'a rien arrangé. Au collège, où j'étais le seul enfant différent, ce n'était pas évident. Alors, j'ai dû commencer à écrire pour me faire remarquer. Chanter mes chansons aux fêtes de fin d'an-née était une bonne façon pour moi de « pécho ». Les filles avaient un autre regard que celui du mec en fauteuil roulant. Et ça fonctionnait plutôt pas mal. La chanson m'a aidé à me construire, c'est vraiment l'histoire de ma vie.

FD : À quel moment avez-vous accepté votre différence ?

FZ : Très honnêtement, je me suis toujours accepté. Après deux grandes sœurs, j'ai été un enfant désiré, élevé par des parents très aimants qui, à ma naissance, se sont battus pour ma survie et pour toujours faire en sorte que je vive le mieux possible cette différence. Il y a des gens grands, forts, beaux comme des dieux, mais qui ne se supportent pas. Moi, je me suis plutôt bien supporté, je n'ai pas de problème avec moi-même. J'ai vite compris que je n'avais pas le choix, qu'il faudrait faire avec. Mais encore aujourd'hui, certains regards ou l'imbécillité de certains peuvent me mettre hors de moi.

FD : Vous aimez vous lancer des défis ?

FZ : Non, j'aime me faire plaisir ! Je rêvais de faire de la plongée sous-marine, ce qui paraissait peu réalisable pour quelqu'un qui ne peux pas palmer. Pourtant, j'ai rencontré quelqu'un de super qui a trouvé des solutions et m'a offert cette chance. Je suis allé jusqu'au troisième niveau, ce qui n'est pas rien, et ai pu partager cette passion avec ma chère et tendre épouse. Maintenant, si vous me demandez de faire un numéro de claquettes, je risque d'être un peu embêté. Mais dans la mesure du possible, j'ai toujours tenté de faire coïncider mes désirs et ma différence.

FD : Qu'est-ce qui vous a séduit chez Sabrina, votre compagne depuis trente ans ?

FZ : J'avais pas mal papillonné avant, mais quand je l'ai rencontrée, ça a été comme une évidence. On a vécu quelques années dans le péché, avant de se marier en 2005 à Las Vegas. C'était un vrai mariage, mais comme nous n'accordons que très peu d'intérêt à cette institution, nous avons choisi de faire ça là-bas, avec nos deux meilleurs amis.

FD : On imagine que son regard est important ?

FZ : Bien évidemment. Elle est la première à écouter mes chansons. Et même si, quand elle n'aime pas, je le prends très mal, au bout de trois minutes je me calme et me dis qu'elle a raison. Elle est essentielle dans ce chemin à deux !

FD : Et quel papa êtes-vous avec Simon, votre fils de 14 ans ?

FZ : Un papa aimant, gâteau, mais un papa. On a une relation magique, mais je ne suis pas son copain. Après, lui qui est plutôt dans la musique urbaine trouve que j'écris pour des chanteurs vieux. Au début, il n'aimait pas trop quand on m'arrêtait dans la rue. Sur mon album, la chanson Apprends à désobéir lui est dédiée. Néanmoins, je lui ai dit de ne pas la prendre au premier degré !

FD : Son adoption avait été un réel parcours du combattant...

FZ : Oui. Et même si nous n'en parlons plus, ce n'est pas oublié. Simon est notre fils. Quand il a mal, j'ai mal ; quand il rit, je ris. Il avait seulement cinq mois lorsqu'on nous l'a mis dans les bras, et de cet instant, il était notre enfant. Nous sommes comblés. Il y a un vrai équilibre entre nous trois qui nous rend hyper-heureux.

FD : Comment vivez-vous cette crise que nous traversons ?

FZ : Avec philosophie. On a eu l'immense chance de passer à travers les gouttes et je suis convaincu que cette crise a remis tout un tas de valeurs essentielles à leur place. Ce n'est pas qu'une posture, mais quand on se lève le matin et que les gens que l'on aime vont bien, votre journée est déjà gagnée. Ça, je le pense profondément.

FD : Diriez-vous que vous avez été plutôt gâté par la vie ?

FZ : Oui, vraiment. Vu d'où je viens et où je suis aujourd'hui, je trouve que la vie a été plutôt clémente. Ça n'a pas été facile tous les jours, mais le bonheur, il faut aller le chercher chaque matin. Mis à part la maladie et les gros accidents de la vie, être heureux est un choix. J'ai peut-être été élevé comme ça. À la maison on a toujours célébré la vie !

FD : Militez-vous pour adapter plus de choses pour les personnes en situation de handicap en France ?

FZ : Dès que je le peux, oui. Il y a un vrai boulot et ça me met très en colère. C'est scandaleux ! Moi, je suis pour une égalité des devoirs, mais aussi des droits. Aujourd'hui, les personnes à mobilité réduite ont les mêmes devoirs que tout le monde, mais pas les mêmes droits. Dans la ville telle qu'elle est conçue, la liberté d'aller et venir n'est pas la même pour tous et ça c'est inadmissible ! En France, on fait des lois, mais on fait surtout beaucoup de dérogations pour permettre aux gens de ne pas respecter ces lois. À chaque présidentielle, on a droit à toutes les promesses, mais on a un demi-siècle de retard !

FD : Vous arrive-t-il de rêver que vous marchez ?

FZ : Alors là, bonne question... Mais non, je ne crois pas. Et même temps, à l'école maternelle, quand on me demandait de dessiner ma famille, je me représentais déjà en fauteuil.

FD : Avez-vous prévu quelque chose pour vos 60 printemps, le 2 juillet ?

FZ : J'ai surtout envie d'oublier que je vais avoir 60 ans, moi qui ai toujours l'impression d'en avoir 15 !

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Caroline BERGER

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