Gilbert Carpentier : Cathodique pratiquant !

France Dimanche
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Indissociable de sa femme Maritie, Gilbert Carpentier a illuminé les émissions de variétés des années 60-70 avec des divertissements devenus “cultes” !

Parce que c'était lui, parce que c'était moi. Décédé le 18 septembre 2000, Gilbert Carpentier, qui aurait eu cent ans cette année, a formé avec son épouse Maritie le couple fabuleux des divertissements de la télévision des années 1960 aux années 1980. Producteurs avisés, ils ont enregistré au mythique Studio 17 des Buttes-Chaumont pléthore d'émissions. Pour amuser les téléspectateurs, ils n'hésitaient pas à déguiser Enrico Macias en Louis XVI, Carlos en grenouille, Sacha Distel en bonne du curé, Mireille Mathieu en chignon jouant les beautés fatales ou les clochardes avec Chantal Goya, Dalida en geisha, ou Mort Shuman et Jane Birkin incarnant Rhett Butler et Scarlett O'Hara ! Dans une même émission, le décor pouvait passer d'un jardin à l'italienne à une piscine, du hall d'un palace à un paquebot...

L'imagination enchanteresse du couple, doublée d'une bonne dose de hardiesse et d'impertinence, trouva vite son public, rassemblant jusqu'à 15 millions de téléspectateurs ! Chaque samedi soir, ils offraient un spectacle digne des comédies musicales et des shows à l'américaine. Leurs programmes se sont exportés dans plus de vingt pays ! Des années folles où les artistes ne se contentaient pas du ronron de leur promotion.

MUSICIEN AVERTI

Né le 20 mars 1920 à Paris, Gilbert Carpentier est le petit-fils de l'inventeur Jules Carpentier, fabricant, avec les frères Lumière, de la première caméra de cinéma. Son autre grand-père est l'acousticien Gustave Lyon, créateur de plusieurs instruments de musique et ancien directeur de la maison Pleyel. Il fait des études musicales au Conservatoire de Paris durant lesquelles il rencontre Maritie (contraction de Marie-Thérèse) et devient ensuite pianiste, organiste et compositeur. Près de deux ans plus vieux qu'elle, il l'aide à réviser son baccalauréat dans les jardins du Luxembourg, à Paris, leur espace vert fétiche. Licence d'anglais en poche, la jeune fille rêve de devenir journaliste. Elle aime le jazz et les chansons, alors que lui débute à Radio Luxembourg (future RTL). Il y accompagne au piano la Leçon matinale de culture physique puis devient technicien. À partir de 1946, il prend en charge la composition d'illustrations musicales et embarque Maritie qui écrit les textes pour des feuilletons radiodiffusés. Dès les années 1950, réalisant des émissions populaires comme Le Club des vedettes, Musique à la Clay (présenté par Philippe Clay), le couple se forge vite une réputation.

Au milieu des années 1950, leur émission de variétés Cavalcade, à laquelle participe un autre duo d'inséparables, Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, amuse les auditeurs chaque dimanche soir. En 1957, ils créent la série des disques de Babar. Maritie adapte les textes, dirige les comédiens, et Gilbert compose les musiques.

En 1961, le directeur des variétés de l'ORTF leur propose de transposer Cavalcade à la télévision. Ce sera La Grande Farandole, qui durera jusqu'en 1967. Pendant plus d'une heure, le public est entraîné dans une balade folle, prétexte à des chansons et des danses et des extraits de pièces. La première, le 29 novembre 1961, est le théâtre de pannes à répétition. L'invité d'honneur, Gilbert Bécaud, venu interpréter pour la première fois Et maintenant, enrage et lâche à Maritie : « Alors ça, plus jamais, je te le garantis. » La presse néanmoins salue cet événement télévisuel, estimant que le couple « venait de dépoussiérer la télévision française ».

PREMIER SHOW À L'AMÉRICAINE

Deux ans plus tard, après un voyage aux États-Unis où ils découvrent les shows à l'américaine, le couple lance le Sacha Show. La formule de cette émission s'inspire de l'Ed Sullivan Show : une soirée de divertissements animée par un chanteur ou un comédien, entouré d'autres artistes. Le choix se porte sur le crooner Sacha Distel. Pendant huit ans, le show devient un rendez-vous incontournable. Celui des copains de Sacha qui interprètent des chansons et des sketches écrits pour la circonstance.

En 1966, Ils lancent une autre émission : Les Grands Enfants avec certains de leurs amis comédiens, comme Roger Pierre, Jean-Marc Thibault, Jean Yanne, Jacqueline Maillan, Jean Poiret et Francis Blanche. Placés dans des appartements reconstitués, ils se prêtent à des jeux hilarants. L'émission se veut le reflet des soirées organisées par le couple dans leur logement qui fait face au jardin du Luxembourg.

L'ÂGE D'OR DES ANNÉES 70

La décennie 1970 est l'âge d'or des Roméo et Juliette du petit écran. Diffusées sur la deuxième chaîne, leurs émissions sont désormais réalisées en couleur. Du pain bénit pour l'esthétique de leurs programmes. Et, cerise sur le gâteau : ils investissent le Studio 17, le plus grand plateau des Buttes-Chaumont, avec près de 700 m2 ! Plus rien n'arrête leur ascension, confortée par l'arrivée d'Arthur Conte à la présidence de l'ORTF en 1972. En 1974, Roger Pierre et Jean-Marc Thibault accompagnent encore les Carpentier dans Les Z'heureux Rois Z'Henri, une fresque historique et humoristique. Entre deux chansons, les vedettes invitées interprètent des personnages célèbres. L'émission, victime des grèves de l'ORTF, migre vers la nouvelle chaîne TF1.

DOUBLE JE

L'apogée du style des Carpentier sera sans aucun doute les célèbres Top à de 1972 à 1974 et les Numéro un de 1975 à 1982. Ces superproductions coûteuses et spectaculaires sont programmées tous les samedis soirs.

La recette du succès : un amour des artistes qu'ils mettent en valeur et un partage équitable des tâches. Gilbert est aux manettes de la technique et des décors, et son épouse, à l'artistique, déborde d'idées de saynètes et de mises en scène. Chaque émission est conçue autour d'une seule vedette, qui présente et anime elle-même. Un show toujours plus audacieux où les comiques chantent et les chanteurs jouent la comédie. Toutefois, la marque de fabrique des émissions Top à et Numéro un sera ces duos qui osaient le mélange des genres et des générations. Dont celui de Johnny et Nathalie Baye, à l'origine de leur célèbre histoire d'amour.

LES ROSES DU CRÉPUSCULE

L'arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981 ouvre une nouvelle ère pour la télévision dominée par le poids rampant de l'Audimat. Les variétés voient pâlir leurs étoiles. Les clips essaiment. Les chaînes ne veulent plus dépenser des fortunes pour des shows sophistiqués. TF1 met fin au contrat des piliers de la télé, France 3 les repêche avec Embarquement immédiat. Leur règne s'achève pourtant.

Une nouvelle génération arrive et les maisons de disques prennent l'ascendant sur les émissions. Ne faisant décidément rien sans l'autre, Gilbert et Maritie Carpentier mourront tous deux à 80 ans, à l'aube des années 2000 et de la télé-réalité. Le couple laissera plus de 500 émissions souvent rediffusées, non sans un brin de nostalgie...

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Dominique PARRAVANO

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