Gilbert Montagné : "Les soignants m'ont sauvé la vie !"

France Dimanche
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Depuis sa naissance, Gilbert Montagné sait bien que nos professionnels de santé sont de véritables héros.

Confiné à Paris avec son épouse, l'interprète deThe FooletOn va s'aimer nous fait partager, toujours avec sa bonne humeur légendaire, ce qu'a été son quotidien durant près de deux mois. C'est aussi pour lui l'occasion de nous raconter comment est né ce clip enregistré pour et avec des soignants du monde entier et qui bat des records de vues sur YouTube. Ces gens merveilleux à qui il doit tout ! Et alors que le déconfinement débute, il nous confie aussi ce qu'il compte faire désormais, coûte que coûte, et ses espoirs pour l'avenir.

France Dimanche : Comment avez-vous vécu ces deux mois de confinement ?

Gilbert Montagné : Très bien. À part que j'ai un peu regretté de ne pas être parti dans notre maison de campagne près de Vichy. Mais bon, nous avons préféré laisser les enfants y aller et je suis très heureux de les savoir bien là-bas. Quant à nous, avec mon épouse, nous étions confinés à Paris, et pas si mal finalement. Nous sortions deux ou trois fois par semaine pour faire les courses et se dégourdir un peu les jambes avec, sur la fin, des masques. Nous avions en effet réussi à en trouver quelques-uns de lavables en pharmacie. Depuis, nous nous sentons plus protégés, même s'il est, pour ma part, très déroutant d'en porter. Avoir ce masque devant la bouche et le nez perturbe un peu mon espace sonore. Mais bon, ce n'est qu'un détail. À côté de ça, ce confinement a quand même été assez confortable. Nous n'avons manqué de rien, ni de nourriture ni d'eau, nous avons un toit sur la tête... Sincèrement, par rapport à d'autres générations qui ont traversé des guerres, nous n'étions pas trop mal lotis.

FD : Que faisiez-vous quand tout a commencé ?

GM : J'étais à Paris, entre deux galas, et je suivais de très près ce qui se passait en Chine. J'ai d'ailleurs senti bien vite que ça allait nous tomber sur le coin du nez. Sans imaginer pour autant qu'on serait confinés, car cette situation a été tellement inédite pour tout le monde. Ensuite, j'essaie toujours de voir ce qu'il peut y avoir de positif et intéressant dans une telle épreuve. Et je trouve qu'il s'en dégage de très belles choses. Les gens se parlent plus. Quel bonheur en effet, lorsque j'ouvre ma fenêtre, d'entendre mes voisins papoter depuis leur balcon. Ça me rappelle mon enfance à Ménilmontant, quand tout le monde discutait à sa fenêtre. On entend aussi à nouveau les oiseaux, ce qui est formidable en ville. J'espère que chacun apprendra de cette expérience mondiale et qu'on continuera de se rapprocher les uns des autres. Je ne m'attends pas à ce que tout change radicalement, mais au moins que l'on comprenne à quel point nous sommes interdépendants.

FD : Comment est né ce très joli titre que vous avez enregistré à l'intention des soignants ?

GM : De manière complètement folle ! Il y a environ trois semaines, je me suis mis à mon piano, comme je le fais très souvent, et là, je ne pourrais l'expliquer, la mélodie m'est arrivée comme par enchantement, dans son intégralité, intacte. Un pur moment de grâce ! J'ai immédiatement pensé qu'elle allait fédérer et j'avais à cœur qu'elle soit chantée par nos soignants. J'ai du coup appelé mon ami Didier Barbelivien qui a écrit les magnifiques paroles de Si vous nous aidez. Le plus dur était ensuite de trouver les soignants. J'ai donc appelé Frédéric Saldmann, cardiologue, qui m'a mis en contact avec le doyen de la faculté de médecine de Paris, et voilà... On a eu près de cent personnes d'un peu partout : l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, Lariboisière, Ambroise-Paré, mais aussi du Mans, et même de l'île de La Réunion. À tous, j'ai envoyé mon playback. L'idée était que chacun se filme avec son téléphone en train de chanter. On a fait le montage vidéo et, à part quelques petits ajustements, on n'a rien changé, ce n'est que du naturel. Si je suis tellement heureux que ce soient les soignants qui chantent ma chanson, c'est parce qu'ils m'ont sauvé la vie ! Et ça fait 68 ans que je ne l'oublie pas. Je suis né très grand prématuré et, sans eux, surtout à l'époque, je serais mort. Alors, je leur devais bien ça.

FD : Vous êtes aussi très présent sur les réseaux sociaux...

GM : Oui, je fais des lives trois fois par semaine sur Instagram et Facebook, et j'adore ça. Par ce biais, j'ai d'ailleurs pu rencontrer virtuellement les soignants qui interprètent Si vous nous aidez. Ils nous ont raconté leur vie, leurs difficultés au quotidien, leur peine de voir mourir tous ces gens, et aussi le bien que ça leur a fait de sortir dix minutes d'une salle de réanimation pour chanter. Ils me témoignent chaque jour leur bonheur d'avoir participé à cette aventure et c'est pour cela que le résultat est si authentique.

FD : Garder le lien avec votre public lors e ces lives est important pour vous ?

GM : Bien sûr ! C'est Nicole, mon épouse qui a de multiples talents, qui tient la caméra, et on s'amuse avec des gens d'un peu partout dans le monde. De Paris à la Bretagne, en passant par le Brésil, Téhéran, beaucoup de gens du voyage aussi, etc. Et puis, quelques confrères artistes, qui me font la surprise de faire un petit coucou, comme Ary Abittan ou Patrick Bruel. Sans oublier la visite du chef Maëlig Georgelin, qui était derrière moi lors de ma participation au Meilleur P‰tissier, et qui nous a offert la recette de son crumble au chocolat, un vrai délice !

FD : Ce virus vous fait-il peur ?

GM : C'est plutôt l'idée de perdre un des miens qui m'angoisse. On sait tellement peu de choses sur ce virus, juste qu'il peut toucher n'importe qui à n'importe quel moment. C'est ça qui fait peur. J'espère que tout ça va nous ramener à plus d'hygiène des mains et surtout plus de solidarité les uns envers les autres.

FD : Comment envisagez-vous ce décon-finement qui vient de débuter ?

GM : Cette fois, je vais rejoindre ma campagne ! Et tant pis si c'est à plus de cent kilomètres, j'irai quand même. Ce n'est pas un exemple à donner, mais ayant été très sage durant ce confinement, n'ayant fait aucun écart, je crois l'avoir mérité.

FD : Pensez-vous que tout ceci va faire changer les mentalités ?

GM : Je l'espère ! Nous n'avons plus les moyens de fermer des lits d'hôpital. Au contraire, il faut en ouvrir ! Je ne supporte pas de savoir que l'Allemagne en a trois fois plus que nous. Qu'est-ce que ça veut dire, c'est ça un pays développé ? Je veux qu'on augmente les salaires de tous les soignants, du brancardier au top niveau. Une prime, d'accord, mais ce n'est pas suffisant. C'est merveilleux aussi d'applaudir tous les soirs à 20 heures, ce que je fais avec un grand plaisir, mais ça ne suffira pas. C'est pour ça, je vous le répète, que je suis vraiment heureux qu'il y ait cette chanson, dont tous les droits d'auteur iront aux deux fondations : AP-HP Hôpitaux de Paris et Hôpitaux de France. Et puis, il faut relocaliser en France, arrêter de fermer nos usines. Le monde tournait jusqu'ici à l'envers, alors remettons-le une bonne fois pour toutes à l'endroit !

FD : Vos concerts ont du coup été reportés ?

GM : Oui, certaines dates ont été annulées et d'autres reportées à 2021. J'ose espérer que les quelques dates prévues cet été seront maintenues. Tout dépendra des décisions gouvernementales. Mais là aussi il y a un truc que je ne m'explique pas bien. Comment peut-on interdire les rassemblements de plus de vingt ou cinquante personnes, et en entasser je ne sais combien dans les transports en commun, ce n'est pas sérieux ! Je crois que nous sommes assez adultes pour qu'on cesse de s'adresser à nous comme à des enfants.

FD : Comme bon nombre d'artistes, trouvez-vous que la culture a été oubliée ?

GM : J'ai été effectivement très heurté que nos préoccupations ne soient évoquées qu'aux dernières annonces du gouvernement, alors que sans musique, sans acteurs, sans techniciens, la France, le monde ne chanterait plus, ne danserait plus, ne brillerait plus ! Nous, les artistes, ne demandons qu'à faire sourire les foules.

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Caroline BERGER

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