Hugues Aufray et Hugues Vassal : Amis pour la vie !

France Dimanche
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Hugues Aufray et Hugues Vassal se connaissent depuis près de 80 ans. Retour sur cette belle histoire.

Veste de cow-boy frangée et guitare électrique en bandoulière, il faut se pincer pour réaliser que celui qui électrise la scène ce 7 septembre dernier vient de fêter ses 90 ans ! Au bord des larmes, ce chanteur, considéré comme le Dylan français, a bien du mal à cacher son émotion car, non content de donner un concert anniversaire dans le village de ses jeunes années, Sorèze dans le Tarn, il a aussi eu le choc de revoir un copain d’enfance perdu de vue. Trêve de mystère !

Cet artiste sur qui le temps ne semble pas avoir de prise n’est autre qu’Hugues Aufray. Et s’il est aussi ému ce jour-là, c’est donc aussi parce qu’il a eu le bonheur de retrouver quelques heures plus tôt un être cher à son cœur : le célèbre photographe Hugues Vassal... Ça fait beaucoup pour un seul homme ! D’autant que ces retrouvailles n’étaient pas prévues au programme... « Lorsque j’ai su qu’Hugues Aufray allait se produire à Sorèze, je n’ai pas pu résister, confesse Hugues Vassal. Il fallait que je sois présent pour immortaliser l’événement. » Et aussi boucler la boucle...

Pour comprendre ce qui lie autant les deux hommes, il faut remonter en 1941. C’est la guerre et la famille de l’interprète de Santiano a fui Paris pour trouver refuge dans cette petite commune du pays de cocagne, proche de la montagne Noire, où ils resteront jusqu’en 1946. Cinq années qui vont le marquer à jamais. Le jeune garçon est scolarisé à l’abbaye-école du village, un établissement très strict dirigé par des pères dominicains. L’éducation y est dure. Mais Hugues y trouve vite sa place. Il y apprend à monter à cheval et y reçoit aussi des cours de dessin et de musique qui le passionnent. Le chanteur y découvre aussi des valeurs humaines profondes, autour de la famille, de l’honneur et de l’amitié. Lorsqu’il débarque dans ce collège hors du commun, le jeune garçon est persuadé d’être le seul à porter ce prénom rare qui lui fait se sentir unique, Hugues. Mais voilà qu’on lui apprend qu’un autre élève risque de lui voler la vedette, un certain Hugues Vassal. Un jour, au réfectoire, il fait enfin la connaissance de son rival. Mais en découvrant que le futur photographe de France Dimanche, qui a quatre ans de moins que lui, est dans la division des petits, il ne peut plus lui en vouloir.

« Moi, j’étais plutôt du genre chétif, se souvient Vassal. Alors que lui, au contraire était déjà un grand gaillard à qui rien ne faisait peur. Il était très populaire auprès des autres élèves. Il m’impressionnait ! Mais dès qu’il m’a vu, il m’a pris en sympathie. Il jouait le rôle de grand frère, il me protégeait ! C’était mon modèle. Déjà, il débordait de charisme. Il avait un caractère très fort, une sacrée personnalité. »

Hugues Aufray, demi-pensionnaire, a aussi la chance de rentrer chez lui à la fin de la journée. Un statut que lui envie le chasseur d’images en devenir qui est lui, pensionnaire : « Mes parents, restés à Paris où nous habitions, m’avaient envoyé là pour me protéger de la guerre. J’ai dû y endurer la discipline pendant de longues années, sans avoir la chance de sortir comme Hugues. »

Malgré le prestige de cette grande école, le petit Vassal, en ces temps de restriction, ne mange pas tous les jours à sa faim. Un jour, par hasard, il trouve dans la cour de récréation une pomme de terre qui lui paraît bien appétissante tant son ventre est vide. « Mais sans la cuire impossible de la manger, j’ai donc décidé de confier mon trésor à un de mes camarades demi-pensionnaire afin qu’il demande à sa maman de me la cuire. » Ce camarade, qui deviendra expert comptable, s’appelle Alain Pradal et est, à l’époque, le meilleur ami d’Hugues Aufray.

Le soir, dans sa petite cellule de 4,5 m², le petit Vassal s’endort avec un mélange d’impatience et d’angoisse. Son copain allait-il respecter sa promesse ? « Au petit matin, je l’ai attendu aux portes de la cour de récréation. Il est arrivé non seulement avec ma pomme de terre cuite à point, mais aussi une grande tartine de pain nappée de lait concentré. Le petit garçon de 7 ans que j’étais en était bouleversé. »

La gorge nouée par l’émotion, le photographe poursuit : « à la fin de la guerre, chacun est parti de son côté. Mais le souvenir de Pradal et d’Hugues Aufray ne me quittait pas. Bien des années plus tard, lorsque je travaillais à France Dimanche, j’ai eu le plaisir de photographier Hugues pour son premier Olympia, puis ensuite chez lui, en famille, dans sa ferme en Ardèche. Il n’avait pas oublié nos années à l’école de Sorèze. Il se souvenait de tout ! Mais quand j’ai quitté le monde du showbiz pour parcourir les points chauds du globe avec Gamma, je l’ai perdu de vue. C’est donc tout naturellement que j’ai pensé à lui pour préfacer mon dernier livre Dans l’intimité des stars de la chanson,  aux éditions de l’Archipel. Il a accepté aussitôt pour mon plus grand bonheur. » Et, cerise sur le gâteau, en bon camarade qu’il est resté, se souvenant de la fameuse patate qui régala son ami affamé, Hugues Aufray a réussi à retrouver la trace d’Alain Pradal et l’a convié à son concert à Sorèze, sachant que sa présence ravirait l’autre Hugues. Enfin réunis quasiment quatre-vingts ans après leur première rencontre, les trois hommes ont décidé aussitôt de visiter l’école de leur enfance. Ils ont revu les salles de classe, le théâtre à l’italienne où il jouait des pièces de boulevard, le réfectoire... Rien n’avait changé. C’était comme si le temps avait suspendu son vol.

Depuis, les deux Hugues, pas peu fiers d’avoir bouclé la boucle, se sentent unis pour l’éternité...

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Valérie EDMOND

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