J.J. Lionel : Il ne fera plus jamais coin-coin !

France Dimanche
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J.J. Lionel, l’inoubliable interprète de “la danse des canards”, s’est éteint à l’âge de 72 ans.

Ce nom de J.J. Lionel ne vous dit peut-être rien mais pourtant, nous avons tous, lors d’une fête entre amis, un mariage, une communion ou encore en discothèque, dansé sur ce qui fut son grand tube en scandant en chœur : « C’est la danse des canards/ Qui en sortant de la mare / Se secouent le bas des reins / Et font coin-coin ».

Cruelle ironie du sort, l’inoubliable interprète de La Danse des canards, la chanson vedette des bals des pompiers, s’en est allé dans la nuit du 13 au 14 juillet, emporté par une tumeur au cerveau à l’âge de 72 ans.

Dès la sortie, en 1981, de ce 45 tours non dénué d’humour, ce chanteur belge va soudain accéder à la célébrité avec 3,5 millions d’exemplaires vendus. Ce chiffre colossal permettra même à J. J. Lionel de figurer dans le Livre des records, deux ans plus tard.

Et surtout, dans l’ensemble des pays francophones, tout le monde, de 7 à 77 ans, va remuer son popotin sur sa fameuse Danse des canards selon une chorégraphie que jeunes et moins jeunes pouvaient mémoriser sans problème.

Il n’était pas nécessaire de savoir danser, il fallait juste avoir envie de s’amuser. Il suffisait de se placer face à face, de taper dans les mains, puis de se prendre par le bras et d’effectuer un tour sur soi-même. Simplissime !

La force de cette chanson qui faisait – et fait toujours d’ailleurs ! – carton plein dans les colonies de vacances et les campings de France et de Navarre, c’est qu’elle redonnait une seconde jeunesse aux anciens, enchantait les enfants et déridait les parents. Quel bonheur en effet, à la fin des repas de famille, de voir une grand-mère retrouver ses jambes de vingt ans, entourée de ses petits-enfants, bras dessus bras dessous. Sans le savoir, cet air entraînant accompagné de ces quelques pas de deux renouait avec les danses des pionniers américains du temps du Far West mais aussi avec celles de la Belle Époque, comme le quadrille, et même les variantes régionales comme la bourrée...

L’ampleur connue par cette chansonnette sans prétention a été telle qu’elle a remis à la mode le petit canard jaune, l’accessoire préféré des bébés à l’heure du bain, qui sera décliné à travers une multitude de produits dérivés...

En tant que simple interprète de la chanson, J.J. Lionel n’a pas vraiment fait fortune avec ce succès pourtant phénoménal. Mais, pendant des décennies, avec entrain, il ne s’est jamais lassé d’entonner sa Danse des canards, notamment lors de l’émission de Patrick Sébastien, Les Années bonheur.

Drôle de destin que celui de J.J. Lionel –-Jean-Jacques Blairon de son vrai nom –, né le 9 août 1947 à Binche en Belgique. Diplômé du premier prix de contrebasse du conservatoire de la ville de Mons, il devient ensuite musicien professionnel, faisant la fierté de sa maman pianiste. D’abord intéressé par le répertoire classique, il effectue un virage à 180 degrés en 1967 en troquant sa contrebasse pour la guitare basse. La même année, il fonde un groupe de rock, The Raylisters, qui reprend les titres de Fats Domino.

Puis, en 1969, c’est sa nouvelle formation appelée Wallace Collection qui connaît une éphémère heure de gloire avec Daydream. Mais en 1981, sa vie va prendre un tournant totalement inattendu. Musicien dans l’orchestre de l’accordéoniste Hector Delfosse, dans un bal, on lui demande de jouer la version instrumentale d’une chanson suisse des années 50, Der Vogeltanz (ou « La Danse des oiseaux »).

Devant l’enthousiasme du public, Hector Delfosse et son frère Georges proposent aussitôt une version chantée à Marcel De Keukeleire (un producteur belge de génie derrière les hits Born to Be Alive et Brazilia Carnaval). C’est ainsi que J.J. Lionel se retrouve à fredonner les paroles écrites par Éric Genty. Trois semaines après, la fameuse Danse des canards passe en boucle à la radio et la France entière se trémousse en faisant coin-coin !

Quarante ans après, la magie opère toujours. Et cette rengaine sans prétention possède désormais le pouvoir de donner un air décalé aux soirées branchées tout comme de réunir toutes les générations lors des fêtes de village... Mieux : son succès planétaire est tel qu’il en existe aujourd’hui trente versions différentes (russe, japonaise, italienne), dont une adaptation américaine intitulée Chicken Dance !

En ces temps de confinement et de défiance les uns envers les autres, de communautarisme et de fragmentation de la société française, quelle belle leçon de festivité et de vivre ensemble ! Nul doute que cette chanson trop souvent sous-estimée survivra à son interprète encore très longtemps...

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Valérie EDMOND

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