Jacques Chirac : Le président qui aimait les Français !

France Dimanche
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Séducteur invétéré, amoureux de sa femme et des femmes, Jacques Chirac a dû dire adieu à celle qui comptait plus encore que toutes les autres : sa fille Laurence…

En 1988, lors d’un meeting pour l’élection présidentielle, Johnny Hallyday avait annoncé l’arrivée du candidat en ces termes : « Nous avons tous en nous quelque chose de Jacques Chirac. » Qu’importe que l’on soit d’accord ou pas avec ces propos, force est de constater aujourd’hui, avec la pluie d’hommages qui lui sont rendus et les multiples déclarations à son endroit, que l’époux de Bernadette avait tout d’une rock star, peut-être même autant que l’interprète d’Allumer le feu.

Et cette posture, ce brio, ce panache, il n’a pas attendu d’entrer en politique pour en faire la démonstration. Il faut dire que ce petit-fils d’instituteurs a grandi sous l’aile particulièrement aimante d’une mère qui l’adulait – sa sœur, née dix ans avant lui, était morte à l’âge de 2 ans, en 1924, d’une broncho-pneumonie. Aussi réservait-elle à son unique enfant un amour infini, qui a sans doute conféré au garçon une solide confiance en lui.

C’est cette confiance et, il faut bien le dire aussi, un physique de jeune premier qui enflamment le cœur d’une jeune fille de la haute bourgeoisie, un peu guindée, fervente catholique : Bernadette Chodron de Courcel. En 1951, c’est à Sciences Po qu’ils se croisent. Lui a très vite repéré cette bonne élève, bosseuse, timide, qui semble avoir pour lui les yeux brillants. La suite, c’est Bernadette qui l’a racontée dans le livre d’Erwan L’Éléouet, Bernadette Chirac, les secrets d’une conquête (éditions Fayard). « J’ai vu que vous aviez beaucoup travaillé en bibliothèque, lui dit le beau Jacques. Moi, j’ai beaucoup de choses à faire et je n’ai pas travaillé. Vous ne pourriez pas me prêter votre copie que je m’en inspire un peu ? » « J’étais assez bête pour accepter, confie Bernadette, et c’est le début de beaucoup de choses, d’autant qu’il a eu une meilleure note que moi ! Et ça, je n’étais pas contente ! »

Pas contente, mais tellement séduite. Au point de lutter de toutes ses forces contre sa famille qui s’oppose à son mariage, le considérant comme une mésalliance. Mais la force de l’amour de Bernadette emporte tout, et la jeune fille impose ce que son cœur lui dicte...

Cette puissante séduction, Jacques Chirac n’a pas besoin de la forcer. Elle émane de lui, d’autant plus qu’il a un véritable plaisir à être avec ses semblables, à partager avec eux les joies simples de l’existence. La vérité, c’est qu’il aime les gens ! Un plaisir et un bonheur non dissimulés accompagnent ses bains de foule !

Il caresse le cul des vaches comme il savoure un bon vin, est accueilli par des ovations quand il arrive au Salon de l’agriculture... Chirac aime tellement s’y rendre, parler avec les exposants, boire un coup, puis un autre, goûter le saucisson de l’un, la saucisse, le fromage, avant de reboire une bière, et de remanger une tranche de fromage... « Une année, après avoir mangé du Beaufort, du bœuf du Limousin, une pomme, un verre de lait et du saucisson, il était au stand des brasseurs et avait bu quatre bières de suite », a raconté la journaliste Virginie Garin. Et malgré tout ce qu’il ingurgite, il ne grossit pas !

Son vieux complice, Jean-Louis Debré, racontait en 2015 à Paris Match, qu’il avait demandé à l’ex-président si, pour garder la forme, il ne pratiquait pas un sport : « Mais si, lui avait répondu Jacques Chirac du tac au tac. J’aime bien les barres parallèles ! » Devant son air stupéfait, il avait précisé : « Je veux dire par-là : un bar rive droite, un bar rive gauche... »

Jamais il ne dépassera 95 kilos pour son 1,89 m ! Son secret, c’est évidemment qu’il brûle ses calories plus qu’une locomotive lancée à toute vitesse ne le faisait de son charbon de bois ! Il ne tient pas en place, serre autant de mains qu’il fait de pas dans une journée... Depuis l’Ena, on le surnomme « l’hélicoptère » !

Seul problème, il aime tellement le contact avec la foule qu’il est impossible à ses gardes du corps de le protéger dans ces moments-là. Mais qu’importe, il semble bien qu’avec lui, ce qui compte n’est pas la préservation. Mais la vie, le feu, la passion.

C’est une chose connue, l’ancien président aimait les femmes. Et pas seulement la sienne. Jeune homme déjà, il avait accroché sur le mur de sa chambre une superbe photo de Brigitte Bardot. Devenu président, il n’avait pas manqué de tenter de la séduire : « Il m’appelait sa “petite biche", a-t-elle écrit dans ses mémoires, me faisait un peu la cour et me déclarait que j’étais toute mignonne. »

Bernadette a raconté que la phrase qu’elle lui avait le plus entendu dire était « Je file ! », sous-entendu à une réunion ou à un meeting. Mais Jacques filait aussi ailleurs. Il avait déjà pris la tangente alors qu’ils étaient jeunes fiancés.

En 1953, il est aux États-Unis pour étudier. C’est là qu’il rencontre la belle Florence Herlihy qui fait battre si fort son cœur qu’il projette de l’épouser ! C’est sans compter avec la détermination de Bernadette ! « Les parents [de la jeune Américaine, ndlr] sont réticents à cette relation et Bernadette se transforme en stratège. Elle se rend chez Marie-Louise et François Abel Chirac pour jouer sa carte de première fiancée », écrit, dans sa biographie, Erwan L’Éléouet. Et Bernadette remporte la partie ! Elle épouse Jacques le 16 mars 1956.

Mais durant les soixante-trois ans qu’aura duré leur union, elle ne gagnera pas toujours. « Les filles, ça galopait ! » reconnaît-elle en 2001. Vous vous souvenez de l’accident mortel de Lady Di, le 31 août 1997 ; ce jour-là, le président était injoignable. La rumeur a laissé entendre qu’il découchait en compagnie de la superbe Claudia Cardinale...

Avec un certain panache, lors d’un déplacement en Corrèze l’année suivante, Bernadette, étonnée par le nombre de journalistes qui avaient fait le déplacement, leur déclarait : « Pourquoi toute cette presse ? Je ne suis tout de même pas Claudia Cardinale ! » C’est aussi par des femmes journalistes que l’homme politique a été séduit de nombreuses reprises : par Jacqueline Chabridon, du Figaro, qu’il avait eu le mauvais goût d’emmener en Inde, lors d’un voyage officiel, en même temps que son épouse ; Élisabeth Friederich, au début des années 90, qui travaillait à l’Agence France presse (AFP),  ou encore Michèle Cotta...

Les femmes politiques ont aussi su retenir l’attention du grand séducteur. Comme Marie-France Garaud, qui fera beaucoup pour la création du RPR. Ou Michèle Barzach, ex-ministre de la santé.

Mais jamais, malgré ses incartades et les tentations, il ne quittera sa femme. Et elle non plus, n’est pas partie. « Vous êtes son point fixe », lui disait son père. Il avait raison.

Amoureux de sa femme, et des femmes, il était aussi empathique à l’extrême. L’ancien chef de l’État n’hésitait pas à rendre de précieux services ou à voler au secours de ceux qui en avaient besoin, qu’ils soient anonymes ou proches de lui ! Ainsi son biographe Pierre Péan, décédé le 25 juillet dernier, confiait à Jocelyne Sauvard dans Jacques et Bernadette, une histoire d’amour (éditions de l’Archipel) : « Au moment de la publication du livre d’entretiens [Chirac, l’inconnu de l’Élysée, paru aux éditions Fayard en 2007, ndlr], j’ai eu une crise cardiaque. Chirac a été formidable. Personne, de ma vie, n’a été aussi proche de moi. Il m’a téléphoné à la sortie du bloc, j’étais encore à demi-vaseux, il a rappelé jusqu’à ce que les infirmières lui disent que j’étais complètement éveillé. Il a continué à m’appeler tous les jours et m’a envoyé Claude ou Bernadette. Mon hospitalisation a duré trois mois. De février à mai : il m’a téléphoné soixante-dix fois, et une fois de plus le jour de ma sortie. Il voulait entendre les résultats du dernier examen. »

Était-il simplement comme tous ces hommes politiques en perpétuelle campagne électorale ? Loin de là ! Tous les témoignages le confirment, Chirac n’était autre qu’un homme de cœur, à la générosité presque maladive, un être mu par son incorrigible attention envers ses congénères. Peer de Jong, son ancien aide de camp de 1995 à 1997, a récemment confié sur France Info : « Le président Chirac était un phénomène. Toute sa vie, il a été vers les autres, et maintenant les gens viennent vers lui. »

Même son de cloche pour Dominique Versini, maire adjointe de Paris, en charge des solidarités : « Je l’ai vu faire des maraudes avec le Samu social, s’approcher, prendre la main des gens. Il avait une façon de parler à chaque personne, comme si elle était la plus importante du monde. Et pour ces êtres extrêmement abîmés par la vie, c’était extrêmement curatif. Je pense qu’il avait un vrai don avec les personnes. Les gens retiennent qu’il les aimait, et c’était vrai. »

Parmi les innombrables anecdotes relatées par les anonymes qui nous rappellent la générosité de l’ancien maire de la capitale, celle de Paulo, posté derrière les barrières installées devant l’église Saint-Sulpice le 30 septembre : « Pour moi, c’était un homme bon. Comme un père. C’est grâce à lui que j’ai pu avoir un appartement HLM. » Ou encore, celle de Dominique, qui se souvient dans Le Parisien de la main tendue de l’édile au début des années 80 : « Je rentrais d’Iran avec mes trois filles, c’était la guerre là-bas. Je n’avais plus rien, alors j’ai sollicité Monsieur Chirac et ses services à l’Hôtel de Ville. On m’a trouvé un peu plus tard un logement social de 80 m2. Je suis encore émue quand j’en parle aujourd’hui. Je n’oublierai jamais. »

Nul doute que ceux qu’il a aidés d’une façon ou d’une autre lui en seront éternellement reconnaissants... Lui-même n’a jamais regretté ce « faux pas » des emplois fictifs à la Mairie de Paris, indiquant au lendemain de sa mise en examen : « Ces recrutements, je les ai souhaités ou autorisés, parce qu’ils étaient légitimes autant que nécessaires. »

Mais derrière cette apparence un peu exubérante, Jacques Chirac cachait au plus profond de son âme la plus douloureuse des blessures. Cette effroyable épreuve qui l’a frappé en 1973 est peut-être même la raison de son besoin de croquer la vie à pleines dents, sans prendre le temps ni d’écouter sa peine ni d’en parler...

Cet été-là, le couple et leurs deux filles sont en vacances en Corse où Laurence, l’aînée, doit participer à une régate à Porto-Vecchio. à 15 ans, l’adolescente, belle et intelligente, excellente cavalière et grande musicienne, est promise à un avenir brillant. Hélas, dans la nuit qui suit la course, tout va basculer : Laurence, prise de violents maux de tête, est rapatriée d’urgence dans un hôpital parisien : son état a empiré, et après un mauvais diagnostic, un médecin découvre qu’elle est atteinte d’une méningite ! Cette maladie aura des conséquences désastreuses sur la pauvre adolescente et sera le facteur déclenchant d’une grave anorexie mentale et d’une dépression chronique qui feront de sa vie, et de celle de ses parents, un véritable cauchemar.

Malgré des périodes de calme durant lesquelles la malheureuse parvient à poursuivre ses études, à travailler et à nouer des liens amicaux, elle tentera plusieurs fois d’en finir et a bien failli, une fois, y parvenir. Pour Jacques Chirac qui mène par ailleurs sa vie politique, l’état de santé de sa fille est un drame dont il ne pourra jamais se remettre. Pour l’amour de sa fille adorée, ce colosse capable de résister à toutes les attaques, luttera de toute son âme contre des problèmes de santé qui, à partir de 2005 et de son AVC, l’affaiblissent peu à peu. Pour elle, il tiendra, ne s’écroulera pas... Jusqu’à ce jour fatidique du 14 avril 2016 où Laurence rendra les armes, à 58 ans, victime d’un arrêt cardiaque. Lors des obsèques de l’aînée des Chirac, ce père dévoué, détruit par le chagrin, qui ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant, ne parviendra pas à aller jusqu’à sa tombe.

Depuis ce jour terrible où il avait enterré Laurence, il s’était muré dans le silence. Pour ne plus jamais en sortir...

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