Jean-Pierre Marielle : Celle qui l'a le mieux compris était une chienne !

France Dimanche
Jean-Pierre Marielle : Celle qui l'a le mieux compris était une chienne !

Pour la première fois, Jean-Pierre Marielle, ce grand acteur, a accepté de coucher ses souvenirs sur papier.

Son enfance bourguignonne, son amitié intacte avec Belmondo ou son amour des chiens, Jean-Pierre Marielle se livre avec pudeur mais sincérité. Sa moustache, sa voix grave, sa gestuelle et sa grande carcasse en ont fait un acteur unique, incontournable, l'un des derniers « monstres du cinéma français ».
De la fin des années 1950 à aujourd'hui, Jean-Pierre Marielle a en effet mis son bagout au service de plus d'une centaine de films, traversant chaque époque avec le même talent, sans qu'aucune « vague » n'ait raison de lui.Pour la première fois, Jean-Pierre Marielle, ce grand acteur, a accepté de coucher ses souvenirs sur papier.

À 78 ans, ce natif de Dijon a souhaité dresser un premier bilan de cette vie. Dans Le grand n'importe quoi, un ouvrage sous forme d'abécédaire, Jean-Pierre Marielle nous livre donc quelques clefs nous permettant de mieux connaître l'acteur... mais également l'homme.

->Voir aussi - Jean-Pierre Marielle : L'effroyable accident !

Les années Saint-Germain-des-Prés, la famille, les copains, les « cons », le conservatoire, la célébrité, les voyages, son service militaire, mais aussi son goût pour le cirque, comme sa première expérience nudiste aux côtés d'Annie Girardot... Tout y passe !

Tantôt amusantes, tantôt émouvantes, les 190 pages de son livre nous transportent dans un univers aussi insensé que poétique... Son univers. Comme lorsqu'il aborde le sujet sensible des premières femmes de sa vie...

Bêtises

C'était « une famille de femmes fortes, qui n'avaient pas attendu le féminisme pour ne pas s'en laisser conter, assumer leur vie et imposer leur volonté ». À commencer par Lucie Coulebois, sa grand-mère : « Tout le village venait la voir pour qu'elle fasse le courrier et s'occupe des corvées administratives, car elle seule savait lire et écrire. Elle était très impliquée dans mon éducation. »

Ce doux rêveur possède d'ailleurs toujours la maison où elle habitait et où il est né, à Précy-le-Sec, en Bourgogne... Et il n'a pas oublié la force de caractère de sa mère, Josette, une femme divorcée, marquée par la guerre : « Elle dirigeait une maison de lingerie et une trentaine d'ouvrières. Pendant la guerre, elle installa un atelier chez elle, autant pour s'occuper que pour ne pas laisser les circonstances lui dicter quoi que ce soit, la passivité n'étant pas dans sa nature. »

Parmi toutes les belles relations qui ont accompagné son existence, Jean-Pierre Marielle s'attarde particulièrement sur son amitié avec Jean-Paul Belmondo. Rencontré au cours de la rue Blanche, comme Bruno Cremer, Jean Rochefort, Guy Bedos ou encore Claude Rich, le Magnifique devient très vite un frère à qui il voue une admiration sans faille.

De leur premier voyage en Italie, à 22 ans, où ils vécurent « comme des Robinsons pendant un bel été », à leurs virées nocturnes dans les bars de Saint-Germain-des-Prés, en passant par toutes les bêtises qu'ils ont pu faire ensemble, Marielle n'oublie rien.

Peut-être aussi parce que là où beaucoup d'acteurs et d'actrices se laissent griser par le succès, Bébel, lui, est toujours resté le même : « Lorsque la célébrité l'a distingué, il s'en foutait totalement. Il est devenu une star comme, de son point de vue, il aurait pu être pisteur dans la brousse ou boxeur. C'était pour lui comme une blague, il ne renonça pas à son indiscipline. Sa légèreté l'a préservé [...]. Il a eu Ursula Andress pour fiancée, mais n'en faisait pas toute une histoire. Elle aurait pu être fleuriste, ça n'aurait rien changé à son comportement. »

Et si Jean-Pierre et Jean-Paul aiment toujours aujourd'hui se retrouver dans « les mêmes endroits qu'il y a cinquante ans, lorsqu'ils existent encore », c'est également parce que l'un comme l'autre ont toujours été deux personnalités à part : « Nous ne pensions pas à la gloire. Nous voulions avoir du travail, de beaux rôles, nous amuser, mais l'idéologie de la célébrité ne nous concernait pas. On se rêvait plus en poètes maudits qu'en futurs vainqueurs [...]. À vrai dire, nous déconnions en permanence, dès que l'occasion nous en était donnée, et nous la volions s'il le fallait. »

Toutefois, s'il est disert sur ses amitiés, ce grand pudique ne s'appesantit ni sur ses trois mariages [ dont le dernier avec l'actrice Agathe Natanson en 2003, ndlr ] ni sur son fils, « un jeune homme d'une trentaine d'années plein d'idées et d'énergie ». En revanche, il nous livre une histoire surprenante vécue avec Lélia, une chienne qu'il a eue toute petite. Peut-être l'être qui l'a le mieux compris...

« Rochefort avait un colley magnifique qui venait de mettre bas une portée de sept chiots. L'un d'eux s'est posté devant moi, restant à mes pieds toute la soirée. Alors que j'étais sur le pas de la porte, cette chienne minuscule s'est mise entre mes jambes. Il faisait un froid terrible. Je l'ai soulevée et installée dans mon blouson, serrée contre moi. » De ce coup de foudre naît alors une relation fusionnelle incroyable...

« Je ne quittais presque jamais Lélia. Si je jouais au théâtre, elle restait dans ma loge et descendait dès qu'elle entendait les applaudissements. Quand je devais voyager, je la laissais à des parents. Au retour d'une absence prolongée, elle perdit connaissance à ma vue. Elle était timide, discrète. Quand elle faisait ses besoins, je devais détourner le regard, faute de quoi elle s'y refusait ...»

Double

Et même si Lélia n'est aujourd'hui plus de ce monde, Jean-Pierre n'oubliera jamais cette petite boule de poils qu'il a tant aimée : « Elle est tombée malade et il fallut la piquer. Le vétérinaire est venu jusqu'à ma voiture, sans blouse, pour ne pas l'alerter. J'ai conscience de ce qu'il y a de déraisonnable, si ce n'est d'absurdement sentimental, à dire que c'était comme une rencontre, une histoire d'amour et de compréhension silencieuse, mais il me semble qu'elle était un double de mes pudeurs, de mes émotions. Elle est enterrée dans mon jardin sous un rosier », raconte-t-il.

À l'image de tout ce qu'il représente, et malgré les années qui passent, Jean-Pierre Marielle ne semble aujourd'hui pas près de déposer les armes : « Si mon âge me paraît abstrait, je n'ignore pas que j'arrive vers des zones de moins en moins visitées. Si j'ai vu des proches disparaître et signaler ainsi qu'une fin était inévitable, je ne m'y fais pas. » Et heureusement...

Florian Anselme

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