Jean-Pierre Marielle : Son Agathe l’a accompagné jusqu’à son dernier souffle !

France Dimanche
Jean-Pierre Marielle : Son Agathe l’a accompagné jusqu’à son dernier souffle !

C’est grâce à l’amour de sa belle que Jean-Pierre Marielle a pu combattre si longtemps la maladie d’Alzheimer…

Ce pourrait être une soirée comme les autres. Agréable certes, distrayante, peut-être... Mais rien ne laisse présager qu’à la nuit tombée, leur destin à tous les deux va basculer pour toujours. Pour Jean-Pierre, c’est un rendez-vous mondain classique, sympathique bien sûr, mais somme toute d’une assommante banalité. Quant à Agathe, l’idée de renoncer à sortir pour finalement rester bien au chaud sous la couette commence à faire son chemin...

Mal coiffée, fatiguée et d’humeur maussade, elle opterait bien pour une soirée en tête-à-tête avec son téléviseur. « D’autant que je ne cherchais rien de spécial à ce moment-là, expliquera-t-elle plus tard. Je sortais d’un divorce difficile... J’avais deux enfants, un appartement que j’adorais et ça m’allait très bien comme ça ! Je n’avais pas spécialement envie de rencontrer quelqu’un. » Mais la comédienne décide néanmoins de se faire violence et de se rendre à cette soirée en bravant le froid polaire de l’hiver qui l’attend dehors...

Arrivée sur place, elle tombe nez à nez avec Jean-Pierre. « Je l’avais déjà croisé, mais il n’avait pas spécialement fait attention à moi... Là, c’était différent. Je l’ai taquiné, en me moquant un peu de lui, ce qui ne lui a pas déplu, et nous ne nous sommes plus lâchés de la soirée ! »

Il propose de la raccompagner, elle accepte. Au moment de se dire au revoir, à l’image d’un adolescent, il note le numéro de téléphone de la jolie rousse sur son bras. « Car il n’avait pas de papier ! », s’en amusa un jour l’intéressée en décrivant la scène. Agathe rejoint son appartement, puis se couche, naturellement, ne s’attendant pas forcément à ce que cette belle rencontre ait une suite... Mais soudain, sur les coups de 2 heures du matin, son téléphone sonne. Au bout du fil, la voix de l’acteur résonne. « Il m’a dit qu’il s’était perdu et qu’il ne parvenait plus à rentrer chez lui ! », se souvient-elle. Il veut la revoir, et vite. Elle hésite...

Mais c’est un coup de cœur, un vrai. Et il ne compte pas le laisser filer. Le rendez-vous est pris, et trois jours plus tard, les deux tourtereaux se retrouvent. Signe du destin, le hasard du calendrier veut que ce soit un 14 février, jour de la Saint-Valentin, et Jean-Pierre ne manque pas l’occasion. « Il m’attendait devant chez moi avec un bouquet de violettes et des petits cadeaux », se souvient Agathe avec émotion... Il a beau avoir alors plus de 70 printemps au compteur, ce vieux loup de mer n’est dès lors plus qu’un gamin amoureux. Encore une fois...

Aussi passionné qu’excessif, l’artiste a en effet déjà dit « oui » trois fois à celles qu’il pensait, à chaque reprise, être les femmes de sa vie. D’abord Noëlle Wolff, en 1957, dont il divorcera 10 ans plus tard, puis Michelle-Charlotte Bompart, dont la noce ne dure qu’un an, de 1972 à 1973 et, enfin, Catherine-Françoise Burette, en 1979. De cette idylle naît, en 1980, François-Arthur. Mais trois ans plus tard, le couple divorce. Trente plus tard, presque jour pour jour, il épouse la belle Agathe Natanson, à Florence, en Italie. Elle ne le sait pas encore, mais c’est elle qui l’accompagnera jusqu’au bout, s’apprêtant du même coup à affronter les affres du temps...

Car si leurs premières années de mariage offrent à Jean-Pierre Marielle une parenthèse enchantée, à l’hiver de sa vie, le cruel compte à rebours se met en place, inexorablement. Sentant le vent tourné, il écrit d’ailleurs ces quelques mots bouleversants dans son autobiographie, Le grand n’importe quoi, publié en 2010, aux éditions Calmann-Lévy : « Si mon âge me paraît abstrait, je n’ignore pas que j’arrive vers des zones de moins en moins visitées. Si j’ai vu des proches disparaître et signaler ainsi qu’une fin était inévitable, je ne m’y fais pas... » Un an plus tard, invité sur plateau de l’émission Vie privée vie publique, présenté par Mireille Dumas, il dresse alors un constat particulièrement alarmant. « Mon cerveau fonctionne de moins en moins... il y a des trous... », reconnaît-il, amèrement. Les signes de sa maladie, aussi terribles qu’injustes, sont déjà là, sournois, sous-jacents, mais plus que jamais prêts à lui voler sa vie.

Quelques années plus tard, en 2016, à l’occasion du premier Festival international du film culte, initié et organisé par Karl Zéro, à Trouville-sur-mer (Calvados), nous avions eu la chance de le croiser avec sa belle Agathe. Ils étaient venus assister à la projection de l’inoubliable film dont il est la vedette, Les galettes de Pont-Aven de Joël Séria. Mais à l’occasion d’un déjeuner au Central, la célèbre brasserie de la commune normande, nous avions alors tristement pu constater que Marielle n’était déjà plus que l’ombre de lui-même. En voyant arriver l’un des magnifiques plateaux de fruits de mer, l’acteur s’était même réjoui à l’avance... avant d’être rattrapé au vol par sa tendre épouse : « Mais non, toi tu n’aimes pas les fruits de mer. Tu vas prendre une bonne viande », lui souffle-t-elle avec beaucoup d’amour. « Ah bon ? D’accord », lui répondit Jean-Pierre d’un sourire aussi fataliste que malicieux. Sa moustache, sa voix grave, sa gestuelle, ses yeux clairs et sa grande carcasse semblaient pourtant intacts. Mais à l’intérieur, ce mal terrible grignotait déjà sa mémoire. Sous le regard impuissant, mais ô combien tendre et bienveillant de celle qui l’a aimé jusqu’à son dernier souffle, sa très chère Agathe...

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Edwin FORESTHAN

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