Jean-Pierre PERNAUT 1950 • 2022 Il va tellement nous manquer

France Dimanche
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Trente-deux ans à la tête du 13 heures de TF1, résolument tourné vers la France profonde, “JPP” était l'un des derniers monstres sacrés de la télé.

Il s'est invité pendant trente-deux ans à l'heure du déjeuner. Catapulté un peu par hasard au 13 heures de TF1, le 22 février 1988. En démarrant le déroulé de son JT par un chaleureux « Mesdames et messieurs, bonjour », Jean-Pierre Pernaut n'aura pas tardé à être adopté par les Français.

Premier reportage télé le 8 août 1972.

Le pari était pourtant loin d'être gagné, tant son style et son look de premier de la classe tranchaient avec la cool attitude et les Perfectos de son prédécesseur, Yves Mourousi ! Là où ce dernier incarnait la branchitude et la désinvolture toute parisienne, Pernaut va se faire l'ambassadeur de la France profonde. En s'inspirant de la presse locale, le journaliste développe un solide réseau de correspondants régionaux.

Et façonne, avec eux, une actualité franchouillarde ciblée et volontairement positive. Sa première télé, le 8 août 1972, c'est sur le terrain qu'il l'avait faite, en interviewant un gamin rescapé d'un puits. Seize ans plus tard, en prenant les rênes du JT, Jean-Pierre tient à donner la parole à ceux qui ne l'ont pas, ou peu. Avec lui, on va à la rencontre des « vraies gens » et on se passionne pour nos traditions. Où voir les plus beaux marchés du pays ? Découvrir les secrets de fabrications des pipes de Saint-Claude (Jura) ? Percer le mystère des santons de Provence ?

“Je regarde attentivement les critiques des téléspectateurs mais je ne me préoccupe pas de celles des médias."

Et le gars du coin qui distille encore du cognac, comme le faisait son arrière-grand-père ? Où se mobiliser pour sauver un village qui meurt ou une école qui ferme ? Dans son journal ! Et tant pis si le quotidien des Français supplante l'actualité internationale : il faut faire local ! Et ça marche. En quelques années, le débonnaire Picard va imposer son style, soit une France de carte postale qui fleure bon la nostalgie.

Public fidèle

En janvier 1995, le journaliste célèbre, en compagnie d'Yves Mourousi (à gauche), les 20 ans du journal télévisé. À partir de juillet 1991, il présente également l'émission Combien ça coûte ?. Le présentateur n'hésitait pas à retourner sur le terrain pour être toujours au plus proche des Français.

« Le JT de 13 heures me ressemble, il n'est pas réac, il est conservateur, reconnaissait-il. Je respecte profondément nos racines. Quand on discute avec des Corses ou des Bretons, on parle de racines. On est tous attachés à sa région. Ça me rend très fier d'avoir montré tout ça. » Alors oui, c'est vrai que le ton de sa grand-messe était volontairement heureux. Qu'elle était, aux yeux de certains, exagérément axée sur le magazine plutôt que sur l'information. Mais elle parlait de nous, de nos aïeuls, des petits bonheurs de la vie. Les détracteurs de Jean-Pierre pouvaient bien le traiter de « beauf », de « facho » ou de populiste : cela coulait sur lui avec la force de l'eau qui dévale la cascade du Rouget ! « Parler des racines régionales, c'est peut-être cela qui gêne. Or, nos sujets sur les richesses patrimoniales marchent très bien. Je regarde attentivement les critiques des téléspectateurs, mais je ne me préoccupe pas de celles des médias », balayait-il d'un revers de manche.

La bien-pensance ? Il s'asseyait dessus, porté par un public fidèle qui aimait aussi ses agacements à l'emporte-pièce. La baisse du pouvoir d'achat, les retraites qui dégringolent, les radars qui flashent..., autant de préoccupations qui faisaient bondir notre « Jipé » national ! Ce n'est pas pour rien que, dans les années 1990, il avait créé Combien ça coûte ?. Dans cette émission, il a critiqué vingt ans durant le gaspil-lage d'argent public, dénonçant les décisions « abracadabrantesques » d'énarques coupés de la réalité. Avec une liberté de ton assumée. « Ce type de programme a totalement disparu du paysage aujourd'hui. Je pense que ce type d'impertinence gêne trop dans une société à fleur de peau qui ressemble à une poudrière, prête à s'embraser au moindre écart », regrettait-il.

“Je vous aime et je ne vous oublierai jamais."

Chez TF1, on le décrivait comme un collègue bienveillant. Jean-Pierre travaillait à l'ancienne, sans prompteur, mais avec des fiches. Sanguin, il pouvait parfois laisser éclater de grosses colères... Mais, avec lui, le beau temps ne tardait jamais à chasser la pluie. La météo, justement, était entrée par la grande porte en ouverture du journal, grâce à lui. « La météo, c'est de l'actu. Si la France est sous la pluie, le JT sera sous la pluie, se défendait-il. Néanmoins, nous n'avons jamais raté un grand événement international. Mais nous sommes décalés. On ne fait pas dans l'institutionnel. S'il y a un projet de loi, nous ne traiterons pas le débat à l'Assemblée, mais sur le terrain. »

Chic type

Jean-Pierre, c'était le bon sens près de chez vous ! Le gars simple qui a réussi malgré un parcours chaotique à l'école où il avait redoublé sa sixième et sa seconde, triplé sa terminale et échoué autant de fois au bac. Jean-Pierre, c'était les plaisirs simples, les copains, la famille et « ses » téléspectateurs. En rendant les clés du 13 heures le 18 décembre 2020, il était submergé par l'émotion et n'a pensé qu'à eux. « Merci à tous, dernier au revoir. Je vous embrasse du fond du cœur. Je vous aime et je ne vous oublierai jamais », avait-il délaré. Jean-Pierre, ce chic type, va beaucoup nous manquer.

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