Le violeur de la Sambre était un père tranquille

France Dimanche
Le violeur de la Sambre était un père tranquille

Personne n’aurait soupçonné Dino Scala, suspecté de quarante viols en trente ans.

«Je marchais en regardant par terre lorsque j’ai vu une ombre sur le sol. Soudain, on m’a agrippée par les cheveux et par le cou. J’ai été traînée dans les buissons. Mon agresseur m’a dit : “Si tu parles, je te tue." »

Cette scène d’horreur, Chloé*, une lycéenne de 15 ans, l’a vécue le 5 février dernier vers 7 heures du matin à Erquelinnes (Belgique) alors qu’elle attendait son bus pour se rendre à l’école.

« Je me suis débattue et j’ai commencé à crier. »

L’homme entre alors dans une colère noire et se déchaîne sur l’adolescence à coups de pied dans les côtes. « Il a sorti un couteau. Il l’a posé sur mon cou. Ensuite, il a passé sa main gauche sous mes vêtements et m’a touché les seins sous mon soutien-gorge. »

Par chance, un chauffeur de car entend les cris de Chloé et surprend l’agresseur qui prend la fuite. Il se précipite dans sa voiture stationnée devant la gare et démarre en trombe. Ce qu’il ignore, c’est que des caméras de vidéosurveillance ont filmé la scène.

Sans le savoir, Chloé vient de donner aux policiers des éléments qui vont permettre l’arrestation du violeur de la Sambre, un agresseur en série qui sévit en France et en Belgique depuis trente ans déjà. Même s’ils étaient en possession de son ADN, les enquêteurs ont eu beaucoup de mal à le coincer car l’homme ne figurait pas dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques.

Il était donc inconnu des services de police et de justice. En revanche, les dépositions de nombreuses victimes avaient permis d’établir un mode opératoire précis et immuable.

Le prédateur agissait toujours tôt le matin (entre 5 h 30 et 7 h 30), du mois de mars à octobre, quand la nuit se dissipe tard, attaquait ses proies par-derrière, le visage masqué par un bonnet ou une cagoule, et semblait obsédé par la poitrine de ses victimes. Il usait d’un couteau pour les menacer et ligotait les plus récalcitrantes avec une cordelette.

Mode opératoire

Quand les policiers d’Erquelinnes récupèrent les bandes-vidéo de la gare et constatent que le véhicule de l’agresseur de Chloé est français, ils transmettent alors immédiatement les informations à leurs collègues de la PJ de Lille qui sont tout de suite intrigués par le mode opératoire du suspect, en tout point similaire à celui décrit par les victimes qu’ils ont interrogées.

S’engage alors une véritable traque pour localiser la Peugeot 309 de celui qui traumatise la vallée de la Sambre depuis trois décennies.

Dans les fichiers figurent trois cents véhicules du même modèle et, malheureusement, la plaque d’immatriculation du fuyard n’est pas très lisible. Mais l’aile avant droite enfoncée et l’enjoliveur de la roue avant droite manquant permettent aux enquêteurs de retrouver la voiture sur le parking d’une entreprise à Jeunot (Nord) où travaille un certain Dino Scala...

Interpellé le 26 février, l’homme étonne par son profil. Âgé de 57 ans, marié et père de trois enfants, grand-père d’une petite fille d’un an, il travaille depuis de nombreuses années comme monteur-mécanien et semble très apprécié de ses collègues.

Un homme tranquille, ordinaire, qui vit depuis plus de vingt ans à Pont-sur-Sambre (Nord) où il est très impliqué dans le milieu associatif.

Pendant sa garde à vue, ses empreintes et son ADN sont prélevés. Ils correspondent à ceux du violeur en série. Dès le début de son audition, Dino Scala avoue non seulement les agressions que les policiers lui attribuent mais, en plus, une vingtaine d’autres en France et en Belgique.

Celui que l’on surnommait, de l’autre côté de la frontière, « le violeur à la cordelette », « le violeur au bonnet » ou encore « le violeur du matin », reconnaît plus de quarante agressions commises depuis 1988 !

Des actes perpétrés dans un périmètre de 30 km, entre son domicile et son usine. Ces aveux résonnent comme un coup de tonnerre pour les habitants de Pont-sur-Sambre et les amis de longue date de Dino.

« Vous pouviez lui demander ce que vous vouliez, il rendait service. S’il n’avait pas avoué, tout le monde dirait que ce n’est pas lui tellement on n’y croit pas. Désormais, il n’y a pas de cadeau à lui faire », déclare Willy Lebrun, président du club de football local.

« Dino était un homme très attachant, très serviable, connu de tous, courageux par son travail. Je suis abasourdi », explique Michel Detrait, maire la commune. Richard Cuvelle, président du club de VTT, tombe lui aussi des nues.

« Je faisais régulièrement appel à lui pour le Téléthon. Il venait avec plaisir et faisait l’ouverture ou la fermeture du circuit à vélo. Il est venu souder ma barrière gratuitement sans que je le lui demande. C’était un chic type. Il me racontait qu’il aimait bien partir de bonne heure au travail pour préparer ses tâches de la journée. Maintenant, je comprends mieux pourquoi... »

Soulagement

Richard, l’un de ses plus anciens amis, se souvient lui avoir présenté sa future épouse. « C’était une copine d’enfance. Un jour, un peu avant 1990, on est allés avec Sandrine au terrain de foot de Berlaimont (Nord) et elle a vu Dino. Elle le trouvait beau et sympa, alors elle m’a demandé de les mettre en contact. C’est une femme très gentille et serviable. Elle aussi était très impliquée au sein du club de foot comme trésorière et arbitre. C’est une perle. Tout comme Dino ­d’ailleurs. Tout le monde aurait voulu avoir un père ou un gendre comme lui. C’est vraiment désolant ce qu’il a fait. Sandrine a vécu trente ans à ses côtés et elle n’a rien vu, c’est terrible. »

Pour les victimes, dont Clara et Sarah*, l’arrestation de leur violeur est un immense soulagement, car toutes les deux demeurent meurtries par leur agression. « On venait d’emménager en juillet avec notre petite fille de 9 mois. C’était la maison du bonheur et il a tout gâché », se souvient Clara.

À 5 heures du matin, en août 1997, un homme cagoule s’introduit chez elle et la menace d’un couteau. « Je me suis débattue et il m’a claqué la tête par terre. Quand je me suis réveillée, j’avais le nez en sang, deux dents cassées, mon oreille abîmée. Après, il m’a ligotée et bâillonnée. Il me menaçait de tuer mon bébé si je ne me laissais pas faire. »

Clara n’a pas vu le visage de son assaillant mais se rappelle encore de son odeur et de sa voix, vingt et un ans après.

Sarah, elle, n’a pas déménagé, mais a fait installer des barreaux à ses fenêtres. Un matin d’octobre 1997, elle a été attaquée devant sa maison par un homme qui l’attendait, tapi dans l’ombre. « J’ai essayé de me débattre. Là, il est devenu très violent, il m’a frappée et m’a tirée à l’intérieur du garage avant de m’assommer. Quand j’ai repris mes esprits, j’étais attachée dans mon lit. »

Désormais incarcéré, Dino Scala a-t-il livré tous ses secrets ?

L’enquête, qui ne fait que commencer, pourrait connaître de nombreux rebondissements, et des sources judiciaires évoquent déjà une soixantaine d’agressions.

* Les prénoms ont été changés.

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Marine MAZÉAS

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