Marcel Amont : "Ma traversée du désert"

France Dimanche
Marcel Amont : "Ma traversée du désert"

Au téléphone, il s'inquiète : « Surtout, ne prenez pas le tunnel ! » Marcel Amont reçoit France Dimanche dans sa belle maison de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) et a peur que nous ne trouvions pas le chemin.

Il nous accueille pour parler de ses 60 ans de carrière, qu'il fêtera le 25 novembre, à l'Alhambra, à Paris. Mais aussi pour nous raconter, en toute sincérité, sa longue traversée du désert. Ce passage à vide, qui a duré vingt ans, le chanteur l'évoque dans Il a neigé..., autobiographie qui vient de paraître aux Éditions Didier Carpentier : « Une carrière arrivée tout en haut ne tombe pas au 36e dessous comme un fer à repasser, une poire blette ou une bouse de vache. Ça tiendrait plutôt du planeur. »

Flash-back. Dans les années 60-70, le Béarnais est une énorme star. Il vend des disques à la pelle, remplit l'Olympia et squatte la télé, où il anime son propre show, Toutankhamont. Puis, au début des années 80, son étoile pâlit. Le monde de la musique change, l'industrie réclame des hits, et les auteurs se détournent de lui. « Les gros tubes n'allaient plus vers moi, mais vers des interprètes plus jeunes », se souvient-il, assis dans son salon au côté de son épouse, Marlène.

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Ingrats

Marlène, justement... Marcel ne le cache pas, ce sont aussi des raisons privées qui l'ont éloigné des projecteurs. En 1976, il a 47 ans quand il perd Romélie, sa maman adorée. Depuis un quart de siècle, celui qui se définit comme « un fils de ploucs » s'étourdit de voyages et de fêtes, négligeant la vie de famille. Certes, il est déjà papa de deux adolescents, Katia et Alexis, mais ne vit plus avec leur maman. C'est alors qu'il rencontre une belle blonde, de seize ans sa cadette : Marlène.

« Je ne voulais pas continuer ma vie de patachon et négliger une femme qui ne le méritait pas. » Après l'avoir épousée en 1978, l'interprète du Mexicain redevient père sur le tard : Romélie naît en 1979, et Mathias en 1982. « J'ai évité au maximum de leur faire endurer un papa épisodique, explique Marcel. Pour ne jamais trop m'éloigner d'eux, j'ai refusé des dizaines de contrats. » Pire, le chef de famille se refuse aux mondanités, souvent indispensables dans son milieu.

Il entame donc ce qu'il appelle « une descente aux enfers ». Lui, la star des deux décennies passées, redevient « un inconnu ». « J'ai fini par me laisser persuader moi-même que c'est eux qui avaient raison : je n'avais plus de talent. » Eux ? Ceux qui délivrent les cartons d'invitation à la télé, ou ceux que le chanteur a, un jour, aidés...

Patrick Sébastien ne fait pas partie de ces ingrats. Se souvenant qu'il a fait la première partie du paria à Bobino, il l'accueille dans ses émissions. Tout comme Michel Drucker : « Lui, c'est un vrai gentil. Il s'est toujours débrouillé pour qu'on me voie un peu. » Quant aux autres... Marcel continue à écrire et à chanter à l'étranger, mais il souffre de ce cruel dédain. Il a l'impression que certains ont juré sa perte : « Traverser le désert est une épreuve dont on peut réchapper, admet cet humaniste. Encore ne faut-il pas se retrouver avec un rebelle armé jusqu'aux dents derrière chaque dune. »

Et puis arrivent les années 2000. Rassurés par le come-back d'Henri Salvador, les producteurs recommencent à penser aux « vieux » chanteurs. En 2006, Marcel Amont enregistre un nouvel album, Décalage horaire... à 77 ans ! Il retrouve l'Olympia cinquante ans après son premier passage et s'émeut que des gens comme Gérard Darmon ou Agnès Jaoui acceptent de chanter avec lui : « Ça me fait plaisir de voir qu'il y a plein de gens qui m'aiment bien. Ça évite de perdre le moral. »

Cela donne aussi lieu à des rencontres improbables. Tels Omar et Fred, qui l'invitent dans leur émission après une rencontre à la Sacem. En cette fin d'année 2012, il est à nouveau partout : Nagui, Drucker, Lumbroso, Bouvard, Sébastien, Ruquier, Roumanoff, tous l'ont invité !

Devant l'objectif de France Dimanche, rasséréné par cette vague d'amour, Marcel Amont redevient le jeune homme qu'il n'a jamais cessé d'être... Finalement, cette traversée du désert n'a-t-elle pas eu un peu de bon ? « Si j'avais profité de tout ce que la vie m'offrait, je serais mort », reconnaît le papy de Soraya (26 ans) et Helyès (20 ans). Chauffe Marcel !

Benoît Franquebalme

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