Maryse Wolinski : “Georges avait pressenti sa mort !”

France Dimanche
Maryse Wolinski : “Georges avait pressenti sa mort !”

Il y a un an, le dessinateur Georges Wolinski disparaissait sous les balles des terroristes. Aujourd’hui,  sa femme � Maryse Wolinski révèle qu’il se savait en grand danger.

Terrible et triste anniversaire... Le 7 janvier 2015, des terroristes s’introduisaient dans les locaux du journal Charlie Hebdo, à Paris, tuant sauvagement onze personnes qui se trouvaient sur place. Parmi celles-ci, Georges Wolinski, formidable dessinateur, penseur, homme libre, qui imaginait que « l’humour est le plus court chemin d’un homme à un autre ».

Hélas, ce jour-là, c’est la mort qui a été le plus court chemin de l’un à l’autre. Wolinski, 80 ans, a été assassiné, laissant une famille éplorée, sa femme, Maryse Wolinski, leur fille, Elsa, et deux autres filles issues d’un premier mariage, Frédérica et Natacha.

Un an jour pour jour après ce drame, Maryse publie un livre, de colère et d’amour, Chérie, je vais à Charlie, aux éditions du Seuil. Ces mots, ce sont les derniers qu’elle entendra son époux prononcer... Dans cet ouvrage bouleversant, elle raconte son quotidien après quarante-sept ans partagés avec ce mari hors du commun, qui n’avait jamais enlevé sa bague de fiançailles depuis juillet 1971 !

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Et si elle tient toujours debout parce que la vie est la plus forte, c’est une existence désertée, vidée d’une grande partie de son sens, qui est aujourd’hui celle de cette femme aimante.

Ce manque, cette absence, Maryse les exprime très bien par de petits détails de leur vie : « Ses Post-it d’amour me manquent, a-t-elle confié à notre confrère Femme actuelle. Très régulièrement, Georges m’écrivait des mots d’amour sur des petits papiers. Il me les déposait sur le guéridon de l’entrée lorsque nous ne sortions pas ensemble. »

Et elle les conservait, ces tendres messages rédigés sur des morceaux de feuilles de toutes les couleurs, puisque, après l’attentat de la rue Nicolas-Appert, elle a pu en recouvrir les murs de chez elle ! Chaque jour, elle en relit un, comme si Georges venait de lui laisser un mot doux, comme s’il était toujours là, à la protéger, à l’aimer.

Le choc de sa disparition a été si grand que Maryse se sent perdue dans l’appartement où ils habitaient ensemble : « Jusqu’à il y a quelques semaines encore, je vivais comme si Georges était parti en voyage. Je n’avais touché à aucune de ses affaires », a-t-elle expliqué.

Cette perte de repères est telle qu’elle ne sait même plus quoi acheter quand elle fait les courses ! Jusqu’alors, elle ramenait des aliments dont son mari se régalait, mais maintenant qu’il n’est plus là...

Alors Maryse Wolinski écoute de vieux enregistrements de sa voix, perdue entre l’émerveillement de pouvoir l’entendre, et la certitude qu’il ne sera plus jamais là, et cette blessure ne cesse de la meurtrir. « À la fois, ça me fait plaisir et en même temps c’est l’horreur. Je sais que [...] je devrais prendre de la distance mais je n’y arrive pas. Parler de Georges me fait du bien », confie-t-elle encore à notre confrère.

Colère

Même si elle éprouve un chagrin profond, Maryse ressent aussi une immense colère. Car, selon elle, les personnes qui travaillaient à Charlie Hebdo n’étaient pas assez protégées. « Pourquoi la mairie de Paris ou le ministère de la Culture ne les ont-ils pas aidées à trouver des locaux plus sûrs ? » s’interroge-t-elle.

Ce qui est certain, c’est que Georges savait qu’il risquait de se passer quelque chose, comme s’il avait eu une prémonition de ce qui pouvait arriver : « Pendant tout le mois de décembre, Georges était mal, a-t-elle encore confié. Il parlait tout le temps de la mort. Il disait : “Comment tu vas vivre quand je ne serai plus là ?" Ça m’énervait. »

Maryse raconte aussi que, la veille des attentats, il était descendu manger un couscous en bas de chez eux, dans un restaurant géré par un Algérien. Le restaurateur a ensuite confié à Maryse les propos que Georges lui avait tenus : « J’en ai assez de Charlie Hebdo, ça ne me va plus. J’ai peur... »

Hélas, cette peur ne l’a pas sauvé, ni les dix autres personnes qui ont péri ce funeste 7 janvier 2015. Aujourd’hui, Maryse a rédigé ce livre comme on écrit une lettre d’amour, pour essayer de continuer à se tenir droite.

Écrivaine, journaliste, avec les mots, elle envoie des messages, tente de nouer un dialogue, et de comprendre ce qui lui arrive. Cette nouvelle vie qui est la sienne, commencée juste après la mort de son mari, elle doit aujourd’hui l’apprivoiser. « Mon chagrin est infini, mais je veux être celle qui va », écrit-elle.

Tout ce que nous pouvons souhaiter à Maryse Wolinski, c’est d’aller loin et longtemps, avec cette force, cette détermination, et ces mots, qui, quand ils font mouche, touchent, mais ne font de mal à personne.

Laurence Paris

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