Michel Delpech : Il ne peut plus s’alimenter !

France Dimanche
Michel Delpech : Il ne peut plus s’alimenter !

De nouveau frappé par le cancer de la gorge, le chanteur Michel Delpech hospitalisé raconte son combat � contre la maladie et livre cette terrible confession…

Il y a quelques jours, informés que Michel Delpech n’était pas au mieux, nous lui avons passé un petit coup de téléphone pour prendre de ses nouvelles. La conversation a été brève, le chanteur n’avait pas envie de parler. Même si sa voix, que certains pensaient perdue, était audible malgré quelques difficultés d’élocution, nous avons vite compris que les rumeurs étaient fondées : Michel Delpech était de nouveau malade, rattrapé par son cancer.

Cette triste nouvelle, l’artiste vient de la confirmer dans un ouvrage poignant, sorti le jeudi 19 mars chez Plon. Vivre !, comme son nom l’indique, est avant tout un formidable message d’espoir. Apaisé, assagi, Michel s’y livre comme jamais. Sa plume volette au gré de ses pensées, parfois chaotiques, souvent profondes, toujours touchantes. Écrit par un homme qui n’a plus rien à prouver, intime confession de celui qui n’a rien à perdre sauf l’espoir, ce témoignage quasi clinique pourrait être celui qu’il offre à Dieu dont il s’est tant rapproché, ou à un ami fidèle.

Reclus

« Il y a deux mois, écrit-il à la première page du livre, la douleur s’est réveillée. Au fond de la gorge. Plus précisément, à la base de la langue. C’est très long une langue. Sa base est située près du larynx. Au bas de la gorge. J’ai cessé d’avoir goût pour toute nourriture, ma voix m’a de nouveau lâché. » D’emblée, le décor est planté, ce sera celui de l’hôpital Saint-Louis dans lequel Michel Delpech va devoir retourner. Là même où il a dû passer les fêtes de Noël... Il énonce la longue litanie des soins : « Les prises de sang, les cathéters, les sondes, les perfusions, les chimiothérapies, les radiothérapies ».

Depuis son lit, l’auteur, stylo à la main, décrit longuement cet environnement hospitalier devenu le sien. Il raconte son quotidien, ces « trucs sympas » qu’il tente de faire surgir de cet environnement où règnent la souffrance et la maladie. Il se plaît à partager avec nous ses petites habitudes, prises avec le temps : la sonnette pour appeler l’infirmière, dont il abuse parfois histoire de se rassurer ; la radio qu’il a redécouverte, faute de programmes télé satisfaisants, et grâce à laquelle il suit les matchs de foot...

Avec minutie, Michel évoque aussi les traitements, lourds, contraignants, douloureux qu’il subit, empli d’une confiance aveugle en ses médecins qui ne veulent que son bien ; tel un enfant, il raconte sa peur de voir son propre sang remplir des tubes à n’en plus finir ; avec pudeur, il livre l’expérience traumatisante de la perte des cheveux qu’il a préféré abréger en se faisant raser la tête : « Je ne me trouve pas trop mal ainsi », conclut-il.

Etrangement, ces longues descriptions sont empreintes de sérénité, de joie de vivre et même, de poésie... Reclus malgré lui dans sa chambre d’hôpital, le chanteur se dit libéré des contingences matérielles, qui autrefois pouvaient le faire enrager.

Libre de son temps, libre dans sa tête, il pense, il positive, et se délecte des petits riens qui l’entourent : la lecture des innombrables courriers qu’il reçoit, le courant d’air agréable qui précède l’entrée du chariot dans sa chambre à l’ouverture de la porte, le sourire de l’infirmière, l’émerveillement enfantin qu’elle suscite en nommant systématiquement, devant lui, les gélules et les comprimés qu’elle lui tend l’un après l’autre, « avec autant d’emphase que s’il s’agissait du menu d’un restaurant multi-étoilé. »

D’une idée à l’autre, alors qu’il écrit, Michel repense alors à l’une des grandes passions de sa vie : faire bonne chère. « Je ne fréquente pas régulièrement les tables étoilées, nous dit Michel Delpech, mais quand j’y vais, je suis comme un gamin : c’est une fête ; un enchantement pour mes yeux, pour mes papilles, pour mon esprit. » Le chanteur retrouve ce même plaisir dans les bons bistrots, les brasseries, bref, résume-t-il : « Je suis un gourmet plutôt gourmand. »

Confiant

Son premier cancer l’a privé d’une partie de ses facultés gustatives : « Chaque fois que je tentais un plat, même ce que j’adorais autrefois, j’étais déçu. Plus que déçu : dégoûté par cette sensation de carton que je mâchais », explique-t-il.

Même boire de l’eau était pour lui devenu « un supplice », à tel point qu’il l’avait remplacée pour un temps par du cidre, seule boisson qu’il pouvait tolérer. C’est ainsi que les sushis qu’il dévorait auparavant sont devenus insipides et que les huîtres qu’il affectionnait tant lui sont apparues comme des bouts de caoutchouc. Pourtant, petit à petit, lors de sa rémission, ses sensations sont revenues. Michel évoque ainsi comment une cuillerée de glace au café lui a permis de renouer avec les plaisirs de la table. Ce n’était hélas qu’un plaisir fugitif...

Ainsi qu’on l’apprend au fil des pages, il est en effet désormais dans l’incapacité de s’alimenter ! « Il y a une telle guerre au fond de ma gorge que toute intrusion supplémentaire serait pour moi un cauchemar », révèle le patient. Souffrant de ne pouvoir avaler la moindre bouchée des plateaux-repas qu’on lui servait, son quotidien « pourri » par ce manque si cruel, l’artiste a choisi de se nourrir au moyen d’une sonde. « Je me suis habitué à sa petite musique, elle rythme mes journées, philosophe-t-il. Oserais-je avouer qu’elle est presque devenue une amie ? »

A l’instar de cette anecdote, ce qui frappe dans sa confession, c’est l’optimisme de Michel Delpech. Si le seul titre de son livre en dit long sur son désir d’aller de l’avant, l’interprète de Chez Laurette, loin de cacher sa peur de mourir, se veut confiant en l’avenir.

Dans l’avant-dernier chapitre, qu’il a intitulé « Chanter » et dans lequel il fait part de son incertitude quant à l’exercice futur de son métier, il lâche cette phrase à laquelle on veut croire si fort avec lui : « J’aborde ce nouveau combat avec de bonnes cartouches à ma ceinture et, curieusement, je sais déjà que je m’en sortirai. »

Christian Morales

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