«Il y a des jours où l'on ferait mieux de rester au lit ...», chantait Michel Delpech en 1968. Croyez-le, ce n'était pas pour lui qu'un tube ou une boutade. Cette expression toute faite a souvent résonné dans sa tête au cours de sa vie, et il aurait même pu la formuler en ce jour funeste de 1949, s'il n'avait pas été si jeune !
Michel n'est en effet qu'un petit garçon de 3 ans, haut comme trois pommes, lorsque survient l'un des événements les plus traumatisants de son existence.
À Paris Match , il confie d'ailleurs : « Depuis que je suis petit, j'ai en moi quelque chose d'instable qui fait qu'un événement brutal peut tout faire basculer. »
Et si ce fragile point d'équilibre s'était rompu ce jour-là, à Paris, lorsqu'il marche, insouciant, sur un quai de la gare Saint-Lazare avec sa mère ? Que s'est-il passé exactement ? Pourquoi sa menotte a-t-elle échappé à la main maternelle ? Il ne le sait plus, ne s'en souvient plus, il lui reste juste la vision de ce trou noir et les sifflements du train en partance.
Horreur ! Michel est tombé du quai, coincé sous le wagon, sur les rails ! Et soudain, le « flash » : une main miraculeuse, celle d'un ange venu l'arracher à une mort atroce... C'est en tout cas ce que le petit garçon croit voir, même si l'adulte aujourd'hui le raconte de manière plus rationnelle à Karl Zéro sur la chaîne BFM : « C'est un monsieur qui m'a tendu la main à la dernière seconde. »
Cette épreuve est sans doute la première mais pas la dernière d'une vie chaotique que le chanteur meurtri a évoquée, en 2007, dans son autobiographie, Mise à nu , parue aux éditions du Rocher.
Car on le sait, l'artiste a connu une longue, très longue descente aux enfers. Une série de coups du sort comme lorsque, en 1976, sa femme, Chantal, le quitte du jour au lendemain : « Des années dramatiques, raconte le chanteur. Sur scène, je marchais aux tranquillisants et mon mal de vivre sans amour m'a plongé dans un trou noir. J'ai vraiment touché le fond. »
Un effroyable chaos bouleverse alors sa vie : « J'avais la mort aux trousses », explique-t-il.
Dépression, cures de sommeil, médicaments, le chanteur frôle la folie : « Des esprits rôdaient, des symboles noirs me cernaient », confie-t-il même plus tard, alors qu'il a assez de recul pour tenter de chercher les réponses dans sa prime enfance.
Pourtant, Michel Delpech n'en démord pas. Il a de bonnes raisons de penser que le ciel garde sur lui un oeil bienveillant... Les anges ?
« J'y crois, affirme-t-il. J'ai eu d'autres expériences de sauvetage de dernier carat qui m'ont laissé penser que nous n'étions pas seuls ...»
Michel Delpech en livre un exemple édifiant dans Mon ange , l'un des titres de Sexa , son dernier album : « Mon ange, mon vieux copain / Depuis qu'on fait duo, t'en as eu du boulot / Depuis l'étranglement par ce cordon ombilical, et du mari jaloux au camion fou / Tu m'as sauvé in extremis et j'suis là, vivant / Alors repose-toi, dors jusqu'à plus soif ...»
Un bel hommage à sa bonne étoile, cette force surnaturelle qui le protège comme ce jour où rue du Bac, à Paris, il s'est senti soudain poussé par une main invisible, et s'est retrouvé dans une chapelle. C'était en 1983, l'année d'une rencontre qui le sortira enfin de l'abîme. Il l'avoue : « La foi m'a amené à Geneviève que j'avais appelée de tous mes voeux. »
Comme par miracle, elle lui laisse alors cette missive dans sa boîte aux lettres : « Ayez confiance en la vie [...], signé votre voisine brune du coin de la rue. »
Le chanteur le reconnaît bien volontiers : « Elle est le seul véritable coup de foudre de toute mon existence. »
De toute évidence, elle est également sa messagère, sa sauveuse, son ange...
Il était tombé sur les rails alors que le train s'apprêtait à partir. Depuis cette mésaventure traumatisante, le chanteur se croit protégé des malheurs par une créature surnaturelle...
Laurence DELVILLE
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