Michel Sardou : Electrocuté sur scène !

France Dimanche
Michel Sardou : Electrocuté sur scène !

Michel Sardou a été victime d’un accident qui aurait pu lui coûter la vie.

Après cinquante années consacrées à la chanson et à son public, l’un des derniers monstres sacrés de la scène française a décidé de tirer sa révérence et un trait sur sa carrière. Promis, juré ! Et ce fort en gueule, qui n’a jamais eu peur de déplaire ni de susciter la polémique, n’est pas du genre à préparer déjà son grand retour, avant même son ultime baisser de rideau.

« Si dans un an je repars, les gens vont se dire qu’on les prend pour des cons », déclare l’artiste, avec son habituel franc-parler, dès les premières images du documentaire Sardou, le film de sa vie, diffusé sur France 3, le 20 décembre dernier.

Ce fils d’acteurs célèbres a donc entamé une tournée d’adieux qui s’achèvera à Paris en ce mois de janvier, et souhaite désormais se consacrer davantage aux siens... et aussi revenir à ses premières amours, la comédie.

Mais ses adieux, Michel Sardou a failli les faire bien plus tôt que prévu, et malgré lui, alors qu’il n’était encore qu’un débutant pas vraiment prometteur.

Contre-courant

Nous sommes en 1970. Le jeune homme qui avait réussi à se faire engager par Barclay en passant une audition avec, pour guitariste, un ami musicien plein d’avenir, un certain Michel Fugain, vient de se faire virer comme un malpropre par le célèbre label, après sept disques qui furent autant de bides.

Sa seule gloire aura été de voir sa première chanson, Les Ricains, se faire interdire de radio par un de Gaulle en colère qui venait juste de quitter l’Otan, et entretenait le mythe selon lequel les Français se seraient libérés seuls du joug des nazis, sans l’aide de personne, et surtout pas celle des États-Unis.

Un pays qui, en pleine guerre du Vietnam, devient le symbole de l’impérialisme, et dont le drapeau est foulé au pied par des jeunes gens en colère dans les rues de Paris. Bref, pour son coup d’essai, Sardou réussit déjà à faire l’unanimité contre lui, des gaullistes aux gauchistes. Il n’incarne même pas le provocateur naviguant à contre-courant pour se faire un bon coup de pub. Non, simplement, il dit ce qui lui chante et se moque de se faire des ennemis.

En l’occurrence, ce scandale survient un peu tôt. Blacklisté sur les ondes, le débutant ne s’en remet pas. Et pourtant Sardou se démène. Avec son compère Régis Talar, employé chez Barclay, ils font la tournée des stations pour caser ses disques. En vain. Et quand il se présente au télé-crochet Top Jury, avec sa chanson Madras, Jean Yanne le descend en flammes.

Comme si cela ne suffisait pas à son malheur, lors de sa rupture avec Barclay, son ex-employeur lui conseille de changer de métier... D’autres que lui auraient sans doute fini par se décourager à force d’accumuler les échecs et d’avaler des couleuvres. Mais Michel peut compter sur un musicien de talent qui garde foi en lui : Jacques Revaux.

Celui qui, entre autres perles, composera la mélodie de Comme d’habitude, est tellement persuadé que son ami finira par percer qu’il crée pour lui la maison de disques Tréma, dans laquelle ce généreux pygmalion investit ses droits d’auteur. Régis Talar, le copain de galère de Sardou, se lance lui aussi dans l’aventure.

Pour remonter la pente très savonneuse sur laquelle il est engagé, l’artiste va revenir aux bases de son art : la scène. N’importe laquelle, pourvu qu’il puisse faire face au public et le conquérir. Un exercice que le chanteur connaît bien pour l’avoir pratiqué très jeune, comme il s’en expliquait à l’époque dans une interview télévisée : « J’étais nul à l’école, confiait-il. Comme mon père ne savait pas trop quoi faire de moi, j’ai commencé à travailler dans des cabarets. »

Un exercice compliqué mais formateur : si l’on est capable de retenir l’attention de spectateurs ayant la tête dans leur assiette, dont la seule reconnaissance est celle du ventre, séduire une salle de concert semble une sinécure... Et le cabaret dans lequel Michel avait fait ses débuts appartenait à Patachou, grande prêtresse des nuits montmartroises. Pierre Billon, le fils de la maîtresse des lieux, devient très vite le meilleur pote du musicien débutant.

Ce dernier pense donc tout naturellement à lui pour l’accompagner dans ses tournées marathon. « On faisait jusqu’à trois salles par soirée, parfois de cinquième ou sixième catégorie, s’est-il souvenu, toujours dans ce même documentaire. Mais la scène, ça apprend à être solide. Et puis on était payés dans des boîtes à chaussures. »

Survolté

Michel ne refuse aucune proposition, et les deux copains se retrouvent à sillonner la France, vagabondant de bal en bal. Jusqu’au jour où le chanteur a bien failli donner son dernier concert, ainsi que le raconte Pierre Billon : « On s’est garés derrière la scène à Palavas-les-Flots. Il pleuvait et tout était en fer. Quelqu’un a tendu un micro à Michel qui s’en est saisi et a fait un bond de trois mètres en arrière. Une électrocution monstre ! Le pire, c’est qu’à l’époque les musiciens devaient continuer à jouer, alors que tous s’inquiétaient pour lui. Mais quand il est remonté sur scène, Michel avait une pêche d’enfer ! »

Entre le showman survolté et les spectateurs, le courant est vraiment passé ce soir-là ! Même si, quelques minutes auparavant, il aurait pu finir grillé, les cheveux dressés sur la tête... Par chance, la « fée électricité » veillait sur lui. Et, au fil du temps, sa volonté d’aller au-devant de son public va finir par payer. Car, en cette année 1970, sort son premier grand succès, Les bals populaires.

Un sujet que Sardou maîtrisait bien. La suite, tout le monde la connaît : près de 100 millions de disques vendus, des tubes qui font scandale, comme Je suis pour consacré à la peine de mort, et des fans toujours aussi nombreux et fidèles. Mais, à la lumière de cette anecdote, comment ne pas se dire que c’est lui et non pas Gilbert Bécaud que l’on aurait dû surnommer « Monsieur 100 000 volts »...

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Claude LEBLANC

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