Michel Sardou : “Je suis complètement paumé !”

France Dimanche
Michel Sardou : “Je suis complètement paumé !”

À 67 ans, alors qu’il triomphe de nouveau au théâtre, le chanteur-comédien Michel Sardou vient d’avouer son profond désarroi face à ce monde qu’il ne comprend plus.À 67 ans, alors qu’il triomphe de nouveau au théâtre, le chanteur-comédien Michel Sardou vient d’avouer son profond désarroi face à ce monde qu’il ne comprend plus.

Le titre de cette pièce lui va à merveille : Si on recommençait. Car Michel Sardou est à l’âge où, irrésistiblement, les hommes se posent souvent ce genre de questions lorsqu’ils jettent un coup d’œil par-dessus leur épaule afin de mesurer le chemin parcouru. Une réflexion qui en entraîne presque automatiquement une autre : et si je pouvais recommencer, qu’est-ce que j’aimerais changer de ma vie ?

Voici à quoi est confronté, concrètement, le personnage que Sardou interprète dans la pièce qu’Éric-Emmanuel Schmitt a écrite spécialement pour lui, et qu’il joue depuis une semaine à la Comédie des Champs-Élysées. Dans ce qu’on appelle la « vraie vie », le chanteur-comédien semble avoir résolu ce ­problème.

Pour lui, comme il l’a confié au Journal du Dimanche (JDD), on n’échappe pas à son destin. Et même s’il pouvait, comme le personnage qu’il incarne sur scène, revenir quarante ou cinquante ans en arrière, il se dit persuadé que, à l’arrivée, il serait tout de même l’artiste qu’il est aujourd’hui. Est-ce à dire qu’il est parfaitement en paix avec lui-même et avec son époque ? Que tout lui semble absolument parfait ?

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Faux culs

Oh que non ! C’est même tout le contraire. Lui qui nous avait habitués, étant plus jeune, à tout trancher sur un ton souvent abrupt, polémique, lui qui prenait sans peur tous les grands problèmes de société à bras-le-corps, dans ses chansons coup-de-poing, fait un bien étrange aveu, dans ce même entretien donné au JDD : désormais, il ne comprend plus grand-chose au monde dans lequel nous vivons !

« La France est un pays de faux culs. On vit une époque de merde. Je suis complètement paumé. Si je devais faire une chanson de société aujourd’hui, je mettrais un gros point d’interrogation. On a l’impression que tout est difficile : la jeunesse s’en va bosser ailleurs, les gens sont méfiants. »

Diable ! Michel Sardou se laisserait-il glisser sur la pente toujours dangereuse d’un pessimisme sans fond ? Il pourrait, lui qui avouait la semaine dernière à VSD : « Depuis un an je n’ai eu que des emmerdes. D’abord des problèmes aux sinus, puis aux cordes vocales. Après, ça a été les dents, puis les intestins. »

Heureusement, ce n’est pas le cas ! C’est plutôt d’une sorte de fatalisme qu’il faudrait parler ; lequel n’exclut d’ailleurs pas une certaine sagesse teintée d’humour : « J’attends que cette mauvaise période passe et je reste optimiste. » C’est déjà ça !

Mais son optimisme ne l’empêche nullement de juger sévèrement ce qu’il observe autour de lui, notamment l’univers qu’il connaît le mieux, celui du spectacle : « On ne sait pas si les people sont vraiment des artistes. Le côté professionnel a laissé place à la dictature de l’image. Seul le théâtre a été préservé du marketing. Le public reste le seul baromètre d’une pièce. S’il ne l’aime pas, elle ne dure pas. »

Dans ces conditions, on se demande pourquoi il nous gratifie beaucoup moins qu’avant de ces chansons qui étaient souvent des cris de colère, pouvant parfois aller jusqu’à la provocation délibérée, au moins aux oreilles de certains de ses auditeurs. Peut-être à cause de cette sagesse que nous évoquions à l’instant.

Sans doute aussi parce que, comme il l’avoue, s’il se pose toujours autant de questions, il a de moins en moins de réponses : « Je ne prends pas systématiquement un stylo en me demandant : “Qui vais-je pouvoir allumer ?" La provocation m’emmerde. En général, c’est de l’opportunisme. Les provocateurs ont une chapelle. J’ai un public populaire qui vient me voir pour se détendre, oublier ses ennuis et écouter de belles choses. »

Nostalgie

On entend déjà ricaner ceux qui, depuis au moins trente ans, entonnent chaque matin le couplet usé jusqu’à la corde : Sardou = réac. Pour ceux-là, Michel Sardou a sa réponse toute prête : « Je n’ai jamais été réac. J’étais gaulliste. Aujourd’hui, je ne suis nulle part. » Il n’empêche qu'il a des bribes de nostalgie quand il pense à sa jeunesse.

Une époque qui, si elle avait ressemblé à la nôtre, aurait pu lui valoir un long séjour derrière les barreaux : « Je n’ai pas envie de passer pour un vieux con mais, de mon temps, il y avait moins d’interdits : on pouvait rouler vite, faire l’amour sans danger, picoler un peu... Les flics ne m’ont jamais arrêté pour me faire souffler dans le ballon. Heureusement d’ailleurs, sinon j’aurais pris dix ans ! »

Dix ans, c’est bien ce qu’on espère que Michel Sardou va prendre, et au minimum encore ! Mais pas sur la paille des cachots : sur les planches des théâtres et des music-halls.

Didier Balbec

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