Noëlle Adam : “Les Chaplin m’ont sauvée !”

France Dimanche
Noëlle Adam : “Les Chaplin m’ont sauvée !”

 
La veuve de  Serge Reggiani, Noëlle Adam,  devait être jetée à la rue pour loyers impayés… Avant que les petits-enfants du grand Charlot ne lui envoient l’argent pour solder sa dette.La veuve de  Serge Reggiani, Noëlle Adam,  devait être jetée à la rue pour loyers impayés… Avant que les petits-enfants du grand Charlot ne lui envoient l’argent pour solder sa dette.

Nous avions déjà évoqué les difficultés financières de la veuve de Serge Reggiani dans notre n° 3565. Heureusement, la famille de Charlie Chaplin a apuré ses dettes. Alors qu’elle risquait de se retrouver à la rue, Noëlle Adam passera donc l’hiver bien au chaud dans son studio. Elle a accepté de nous livrer le détail de ce retournement de situation.

France Dimanche (F.D.) : Bonjour Noëlle, vos ennuis sont heureusement derrière vous. Pouvez-vous révéler aux lecteurs de France Dimanche qui sont les généreux donateurs qui vous ont sauvée ?

Noëlle Adam a été la compagne de Serge Reggiani pendant trente ans. Il finira par l'épouser en 2003 pour mourir un an plus tard

Noëlle Adam (N.A.) : Ma belle-famille ! Alors que les trois enfants Reggiani ont lancé une procédure judiciaire concernant l’héritage de Serge, un litige qui me prive de ressources, j’ai reçu un secours inattendu ! Vous savez que mon premier mari était Sydney Chaplin. Après notre divorce, nous étions restés en très bons termes et, chaque année pour le nouvel an, il m’écrivait pour me souhaiter ses vœux. Bref, quand mon ex-belle-famille a appris mes difficultés, elle a réglé les 1 700 € que je devais encore à mon bailleur. À l’avenir, je saurai sur qui compter : les Chaplin. Ils sont dans le monde du spectacle, comme leur grand-père, et voyagent à travers le monde. Par ailleurs, je suis aussi soutenue par mon fils Stephan-Sydney Chaplin. Et ma petite-fille, qui est si gentille avec moi, Tamara-Eglantine ! Les gens oublient souvent qu’avant Serge, mon grand amour, j’avais déjà fondé une famille. C’est bien pour ça que je ne comprenais pas comment, avec des maris comme les miens, j’ai pu me retrouver dans une situation financière aussi délicate.

F.D. : Débarrassée de cette dette, vous avez dû passer un bon Noël...

N.A. : Une fête dont la date est aussi celle de mon anniversaire : je suis née un 24 décembre. Mes parents n’ont pas été chercher mon prénom très loin ! Et si, dans la famille Chaplin, il y a une fête qu’on n’a jamais manquée, c’est bien Noël ! On était tous gâtés. Charlie m’adorait. D’une part parce que j’étais ballerine et qu’il adorait la danse, d’autre part, parce que j’étais française et échangeais avec lui dans la langue de Molière quand j’allais le voir en Suisse, dans son manoir de Ban, à Vevey.

La famille Chaplin savait s'amuser

F.D. : À quoi ressemblaient les Noëls avec un génie comme Charlie Chaplin ?

N.A. : Dans le parc de son manoir, il faisait décorer un grand arbre avec des guirlandes lumineuses, et déposait une montagne de cadeaux à ses pieds. Il aimait tellement ses enfants et ses petits-enfants ! Il en avait beaucoup et adorait tant leur faire plaisir ! Ironie du sort ou signe du destin, c’est après une dernière veillée de Noël qu’il est mort, au matin du 25 décembre 1977. Il avait 88 ans et a succombé à un AVC dans son sommeil. Charlie a été enterré dans le cimetière de Corsier-sur-Vevey. Deux mois plus tard, des voleurs ont exhumé son cercueil pour demander une rançon à Oona, sa dernière épouse, qui m’appelait souvent après la mort de son mari. Heureusement, on a retrouvé le cercueil dans un champ de maïs et on l’a enterré à nouveau, cette fois dans un caveau en béton armé !

F.D. : Serge était-il généreux ?

N.A. : Serge était la générosité même et il n’a jamais eu la moindre notion de la valeur de l’argent. Pour lui, j’ai arrêté ma carrière de ballerine : je devais être sa groupie personnelle ! Côté finances, c’était un cauchemar ! Heureusement, avec Liliane, son agent, j’étais en partie parvenue à faire en sorte qu’il n’ait jamais sur lui de moyens de paiement. Serge était une cigale qui jetait l’argent par les fenêtres. Il avait été tellement pauvre dans son enfance que, quand il a connu la richesse, il a perdu le sens des réalités. Un soir, en rentrant en taxi, le chauffeur nous a demandé 35 francs. Serge lui aurait laissé un billet de  200 francs si Liliane n’avait pas réclamé la monnaie. Le chauffeur lui a même dit qu’elle était moins généreuse que son patron.

F.D. : Vous faisait-il de beaux cadeaux ?

N.A. : Oui, car même si Serge n’avait pas un sou sur lui, il avait trouvé des parades : comme il était hyper connu, il pouvait toujours me gâter, en m’offrant des meubles ou des tableaux... Il lui suffisait de signer des reconnaissances de dettes sur un bout de papier ou un coin de serviette ! Jamais un commerçant ne se serait douté qu’un tel artiste était insolvable. Mais combien de fois, dans les dernières années, Liliane a dû aller rendre l’objet en catimini. En trente-trois ans de vie commune, je n’ai jamais vu Serge tenir un budget, ou s’intéresser à ses comptes bancaires. Et il a beaucoup donné et aidé autour de lui ! Par exemple, j’avais un service de faïence avec des couverts en vermeil magnifiques, achetés chez un orfèvre célèbre ! Avec mon accord, Serge les a donnés un jour à César, pour en faire une compression. C’était mon cadeau ! Un jour, ma compression avec mes couverts « relookés » a disparu. Quand j’ai demandé à Serge où elle était passée, il m’a répondu qu’il l’avait donnée à un avocat. Mais il y a une autre raison à mes déboires : nous n’avons été mariés qu’un an, ce qui explique ma minuscule retraite : 400 € par mois seulement.

F.D. : Vous avez subi une intervention et vous êtes aujourd’hui en rééducation lourde...

N.A. : J’ai été opérée du tibia et du genou. De ma formation de danseuse, j’ai gardé une extrême souplesse et une grande laxité des articulations, qui font que l’on peut se faire des fractures bien plus facilement. C’est ce qui a joué contre moi quand je suis tombée. Depuis, je suis en rééducation, j’ai peur de chuter à nouveau, et je me déplace avec une canne.

Serge Reggiani

F.D. : Serge Reggiani croyait-il en une vie après la mort ?

N.A. : Il était troublé par la question de Dieu. Et il s’interrogeait sur l’existence d’une vie après la mort. La seule chose qui lui faisait vraiment peur, c’est que je me réincarne en quelqu’un qu’il n’arriverait pas à retrouver ou à reconnaître dans sa vie suivante. Il disait : « Je crois à la survie. Un peu comme les bouddhistes qui possèdent sept vies. Je ne sais pas à combien j’en suis, mais c’est ça la surprise ! » La réincarnation lui convenait : c’est une version conte de Noël de la vie éternelle, non ?

Cédric Potiron

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