C'est un rendez-vous qu'il attend avec une impatience manifeste. Le 10 septembre prochain, Roland Giraud donnera la première représentation d'une nouvelle pièce intitulée Le technicien, au Théâtre du Palais-Royal. Il y campera un mari volage et dénué de scrupules, qui reçoit une bonne leçon d'humilité par un destin contraire... et une femme bien décidée à se venger.
Si ce rôle de composition aux ressorts burlesques le réjouit, c'est surtout l'idée de jouer avec sa partenaire qui le rend particulièrement heureux. En effet, c'est la première fois depuis dix ans qu'il va donner la réplique à sa femme, Maaike Jansen. Une décennie qui, hélas, a été marquée par la plus terrible des épreuves : l'assassinat de leur fille unique, Géraldine.
Malgré tout, Roland ne s'est jamais arrêté de jouer. Il était même monté sur scène le soir de l'annonce du drame, forçant alors l'admiration des spectateurs présents. « Quand vous avez une salle pleine qui applaudit et qui est contente, c'est un plaisir extraordinaire, explique-t-il dans une interview accordée récemment au Parisien. Et comme ça ne change rien au problème, il vaut mieux essayer de le pallier d'une manière positive...»
À 68 ans, Roland Giraud se veut donc serein et en paix avec lui-même et ceux qui l'entourent. Enfin, presque en paix. Car il est une autre blessure, plus ancienne celle-là, qui ne s'est jamais totalement refermée. Celle de n'avoir jamais pu faire la fierté de ses parents...
Enfant, Roland était un très mauvais élève. Un travers impardonnable dans cette famille où tout le monde travaillait très bien. On avait beau le menacer de punitions, ou au contraire lui faire miroiter d'alléchantes récompenses, rien n'y faisait ! Le petit garçon, qui souhaitait tant faire plaisir à ses parents, échouait lamentablement au moindre examen scolaire.
Au comble du désespoir, son père et sa mère l'ont emmené consulter un psychologue, ce qui n'était pas alors une pratique courante, mais ce dernier n'a rien décelé de plus préoccupant qu'une peur panique de l'autorité. Peur qui, à en croire le professionnel, accaparait tout son esprit et l'empêchait de suivre le cursus scolaire. Ces explications, aussi pertinentes furent-elles, n'ont hélas pas aidé le jeune Roland à décrocher son bac.
« Ils étaient tous très inquiets pour moi, a-t-il récemment confié dans une interview. Imaginez-vous quand j'ai annoncé que je voulais être acteur ! Ça a été la catastrophe à la maison !»
Alors, en dépit de son désir de voir briller dans les yeux de ses parents cette admiration qu'il espérait tant, Roland a choisi de suivre sa vocation. Bien lui en a pris puisqu'il a effectué un parcours que de nombreux acteurs lui envient. « Je fais partie des grands miraculés du métier », s'étonne-t-il aujourd'hui, jurant que, tant qu'il aura un souffle de vie, il continuera à exercer sa profession.
Hélas, son père n'aura pas été le témoin de cette magnifique réussite : « Mon père est mort quand j'étais très jeune. Il est mort inquiet parce qu'il ne m'a pas vu gagner ma vie. C'est mon grand regret. » Il aurait tellement aimé voir enfin briller le regard de son père grâce à sa réussite. Cependant, une idée le console un peu : « Peut-être qu'il me voit quand même de là-haut », espère-t-il.
Heureusement, face à cette famille très stricte, le destin a mis sur sa route, il y a quarante-quatre ans de cela, une femme qui a cru suffisamment en lui pour permettre Roland Giraud de se lancer dans une carrière artistique : « Maaike m'a épousé, je n'étais rien du tout, se souvient-il avec émotion. J'étais un zombie ! »
Alors, à n'en pas douter, Le technicien, cette pièce dans laquelle ils jouent ensemble, a pour ce couple solide et uni la saveur d'une tendre victoire.
Anna Hadrien
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