Romy Schneider : "Je le trouvais trop beau, top jeune, trop bien coiffé"

France Dimanche
Romy Schneider : "Je le trouvais trop beau, top jeune, trop bien coiffé"

Le 10 mars 1958, Alain Delon attendait la star Romy Schneider au pied son avion avec un bouquet de roses

La semaine dernière, nous avions laissé Romy Schneider au moment où son avion se posait à l'aéroport d'Orly. Le 10 mars 1958, la plus grande star européenne apparaît en haut de la passerelle, sublime.

Les flashs crépitent. La voilà, l'impératrice du cinéma qui descend majestueusement les marches. Au pied de l'escalier, un jeune homme intimidé lui tend un bouquet de roses. « Comment s'appelle-t-il ?», demande-t-elle en allemand aux producteurs de Christine, le film qu'elle s'apprête à tourner en France. « C'est Alain Delon, votre partenaire », répondent-ils.

Le jeune homme à la beauté féline n'est pas encore le Guépard ni le Samouraï du cinéma français. Sa carrière démarre, il n'a que deux films à son actif et il traîne surtout derrière lui une réputation de petit voyou pilotant sa MG verte comme un bolide dans les rues de la capitale. Il a 22 ans.

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Contrairement à la légende, ce n'est pas le coup de foudre. Au contraire, Romy le trouve « trop tout » : « Trop beau, trop jeune, trop bien coiffé. » Alain, lui, se sent « l'air d'un con » avec son bouquet de roses à la main. Et au début du tournage, de nombreuses disputes éclatent.

Amoureuse

Mais au fil du temps, ils commencent à s'apprécier et, alors qu'ils sont en Autriche, leur idylle débute. Delon se souvient : « Je peux dire que c'est mon premier grand amour : l'amour à 20 ans, c'est quelque chose qu'on n'oublie pas. Après ce n'est plus jamais pareil. »

Dernier clap sur le plateau, chacun rentre chez soi. Pour Romy, la séparation est tellement insupportable qu'elle décide de rejoindre son amoureux. Elle tourne le dos à son pays, renonce à sa carrière, abandonne son public et délaisse sa famille. Une décision vécue comme une trahison par toute une nation. Romy n'en a cure, elle est heureuse, amoureuse, ravie d'avoir envoyé baladé les crinolines et les frous-frous de l'envahissante Sissi...

Romy s'installe chez Delon, à Paris. Le plus important est de préserver son amour, comme elle l'explique lors d'une interview : « Avant, j'étais prête à me livrer corps et âme pour ce métier. Aujourd'hui j'ai quelque chose au-dessus et je m'accroche bien. Je veux le garder car un jour, on n'est plus jeune, on n'est plus jolie. »

Pour vivre pleinement sa passion, elle suit Alain au gré de ses tournages, nombreux en ce début des années 1960. Plein soleil de René Clément, Rocco et ses frères de Visconti ou L'éclipse d'Antonioni, accaparent la jeune étoile montante du 7e art.

Pour Romy, qui a décidé de changer d'image et de rôle, c'est le désert professionnel. Deux ans sans rien tourner. Alain tâche de la réconforter, de l'apaiser : « Attends, tu as l'existence devant toi ». Mais la France, cette patrie qu'elle a choisie par amour, la boude. Le cinéma de la nouvelle vague l'ignore. Pour les Godard, Truffaut et consorts, elle sent la guimauve... Il lui faudra attendre que Visconti, un de leurs amis, lui propose un rôle au théâtre dans Dommage qu'elle soit une p... pour qu'elle parvienne à casser son image de princesse.

Reprendre le chemin des plateaux de cinéma est un grand bonheur mais c'est aussi une appréhension. Celle de l'éloignement qui ronge petit à petit leur relation...

1963. Romy se trouve en Californie pour le tournage de Prête-moi ton mari, un titre aussi cruel qu'ironique. Car la presse européenne lui parvient, bruissant de ragots, de rumeurs sur Delon. Sur les clichés, une très jolie fille prénommée Nathalie est assise sur les genoux d'Alain lors du tournage de La tulipe noire. Romy veut croire à une passade jusqu'au jour où l'agent de Delon débarque avec, dans ses valises, une longue lettre de rupture.

Cette nouvelle va l'anéantir. La journaliste France Roche raconte le choc de cette séparation. L'actrice sombre dans la dépression : « Elle tremblait du matin au soir d'une manière incroyable. Elle est restée des mois amoureuse de lui. Elle allait mettre des mots sur les rétroviseurs de sa voiture. » Un nouvel abandon. Comme son père autrefois l'a délaissée, Alain la quitte pour une autre.

Traquée par la presse, Romy rentre en Allemagne soigner son pauvre cœur brisé. En 1965, à Berlin, elle rencontre Harry Meyen, le futur père de son fils, David, qui naîtra le 3 décembre 1966. Un enfant ! Romy en a tellement rêvé. Pour lui, elle tourne le dos au cinéma...

Et puis, un jour, le téléphone sonne. C'est Alain qui lui propose de jouer à ses côtés dans La piscine . « Je voulais Romy ou personne d'autre, a- t-il d'ailleurs récemment avoué. Elle était sublime, séductrice, dévouée et provocante. »

Ce 12 août 1968, l'acteur attend donc Romy sur la piste d'un aéroport, comme dix ans auparavant. Mais cette fois, son cœur bat à tout rompre : « Ces retrouvailles ont été vraiment fabuleuses, même si on ne s'était jamais vraiment quittés, poursuit-il. Ce n'était plus de la passion, c'était autre chose, plus fort, plus puissant ...» Grâce à lui et à ce film, Romy Schneider renaît aux yeux du cinéma français. Elle fait même jouer son fils, David : « On l'apercevait en particulier dans la scène très émouvante du cimetière. Prémonitoire et effrayante », commente Delon.

Un souvenir que l'acteur ne peut oublier, comme d'ailleurs chaque scène du film, bien qu'il ne l'ait jamais revu : « Cela m'est trop douloureux, avoue-t-il. Surtout revoir Romy rire aux éclats... C'est trop dur pour moi. » Par contre, il aurait aimé acheter la maison où le film avait été tourné, mais cela ne s'est pas fait...

Alain Delon et Romy Schneider se retrouveront quelques années plus tard, en 1972, tous deux enchaînant les films à succès. Des succès à l'écran qui se conjugueront, hélas, avec une vie privée pleine de chaos et d'ornières jusqu'à l'issue fatale pour Romy...

Pour en savoir plus :

"Delon Romy, ils se sont tant aimés", de Philippe Barbier et Christian Dureau, aux éditions Didier Carpentier, 29,50 Euros.

Anéma Isaac

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