Stone. : “Éric a souffert de partager la vedette avec moi !

France Dimanche
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Dix ans après la mort du chanteur compositeur, celle qui fut sa complice à la ville comme à la scène, formant le duo star des années 1970, revient sur ses nombreux souvenirs…

Ils se sont tant aimés. Avec Éric Charden, Stone a formé l'un des duos les plus populaires de la chanson, dont les mélodies légères à fleur de lèvres aux refrains chantants ont orchestré les années 1970. Tandis que l'on célèbre le 10e anniversaire de la mort d'Éric Charden, Stone raconte en toute franchise pour France Dimanche l'homme et l'artiste faiseur de tubes qu'il était...

France Dimanche : Tout a commencé entre vous lors d'une soirée au cours de laquelle vous êtes élue Miss Beatnik.

Stone : Je participais à cette élection organisée par la discothèque Les Écuries du Lion d'argent, à Paris, et Éric était dans le jury avec Antoine, Carlos et la comédienne Sophie Agacinski, entre autres. Il noyait son ennui dans l'alcool et n'a même pas voté pour moi. Il s'était enfermé dans les toilettes. C'est peu dire que ça n'a pas été un coup de foudre. On s'est revu ensuite au Bus Palladium, et c'est là que nous avons fait plus ample connaissance.

FD : Il écrit vos premières chansons.

S : J'étais en contrat chez Polydor et je recherchais des chansons. Je n'osais pas solliciter des musiciens de renom, mais quand j'ai su qu'Éric était compositeur, nous avons commencé à collaborer. Il m'a composé et écrit deux chansons originales et adapté deux morceaux des Beatles sur mon premier « quatre-titres ».

“Sa mère ne voyait pas d'un bon œil notre mariage, elle est partie en pleine cérémonie."

FD : Vous vous mariez vite, le 27 juin 1966.

S : J'avais 18 ans, j'étais amoureuse, et mon père, qui était à l'ancienne, y tenait. La mère d'Éric, en revanche, ne voyait pas d'un bon œil ce mariage, car elle voulait qu'il s'accomplisse à sa manière, et surtout pas dans le milieu artistique. Elle avait de grandes ambitions pour lui et ne goûtait guère les saltimbanques. Il était fils unique et subissait le poids de la possessivité de sa mère. Elle est partie en pleine cérémonie. Éric était contrarié et s'est enfermé dans la salle de bains. Notre nuit de noces fut catastrophique !

FD : Ce n'est qu'au début des années 1970 que vous vous lancez en duo.

S : Pendant cinq ans, nous avons chanté chacun de notre côté. Il avait du mal à trouver sa place entre les chanteurs à texte et la vague yé-yé. En parallèle, il composait pour de nombreux artistes, comme Claude François, Johnny, Sheila, Sylvie Vartan... Frank Thomas et Jean-Michel Rivat, les auteurs du titre Le seul bébé qui ne pleure pas, lui ont suggéré de poser sa voix avec moi. À notre étonnement, ce fut un succès : 500 000 exemplaires vendus ! Du coup, on nous a poussés à faire un nouveau duo même si l'avis général disait que les Français n'aimaient pas ce genre. Traînant les pieds, Éric, qui voulait surtout une carrière solo, a volontairement composé une sorte de valse pour saborder le titre... Mais grâce à deux passages télé, L'Avventura s'est envolée et s'est vendue à trois millions d'exemplaires ! Et les radios ont emboîté le pas.

“Notre nuit de noces fut catastrophique !"

FD : Vont suivre quatre années intenses...

S : Ce fut un tourbillon. Une vie de folie, d'excès, émaillée de disques d'or et de couvertures de magazines. On enchaînait les succès, les tournées, les galas. En 1971, nous avons fait l'Olympia en vedette anglaise avec Adamo, puis en 1972 en vedette américaine avec Julien Clerc, et enfin, en 1973, seuls durant trois semaines... C'étaient des années bonheur. Nous représentions la légèreté de l'existence à l'apogée des Trente Glorieuses. Nous étions dans une société où tout semblait possible.

“Nous avons été les premiers divorcés heureux !"

FD : En 1972, naît votre fils Baptiste, qui fêtera ses 50 ans en juillet.

S : J'ai souhaité avoir un enfant avec Éric. Baptiste a les mêmes violons d'Ingres que son père. Il adore la musique, aime chanter. Il a fait quelques 45 tours avec Gérard Louvin qui ont eu leur petit succès. Aujourd'hui, il est rédacteur en chef dans un groupe de presse.

FD : Saltimbanque, libre et fantasque, Éric Charden semblait souvent intranquille.

S : Il était incorrigible, foufou, déroutant. C'était un poète, il ne cessait jamais de créer. Il sortait régulièrement des albums mais qui rencontraient rarement le succès. Il a souffert de ne pas avoir existé en solo, d'avoir été obligé de partager la vedette avec moi, de ne pas avoir la reconnaissance qu'il aurait aimée. Il aurait rêvé d'être Ferré, Bashung ou Brel, qu'il adorait. Il y a eu des périodes difficiles. Il n'était pas facile à vivre, mais nous n'avons jamais été fâchés... et nous avons été les premiers à divorcer à l'amiable !

FD : Il était atteint d'un lymphome de Hodgkin (un cancer de la moelle osseuse, des ganglions et des défenses immunitaires) et, malgré tout, quelques jours avant sa disparition, il a tenu à enregistrer une émission avec Michel Drucker...

S : Michel lui avait promis un Vivement Dimanche à part entière et je pense que cette perspective a permis à Éric de tenir. Cette émission fut chargée d'émotions. Il a fait preuve d'un courage héroïque, mais il s'est écroulé au sortir du plateau et est décédé quelques jours après. Notre dernier disque nous avait permis de nous retrouver. On a fini en beauté, comme si la boucle était bouclée. Michel Drucker va lui rendre un autre hommage courant juin, et une nouvelle compilation est en préparation chez Pomme Music.

FD : Quant à vous, vous ne chômez pas, vous êtes de tous les combats !

S : Je suis engagée auprès de l'association Stéphane Lamart pour la défense des animaux, et je suis également très impliquée, avec Jean-Luc Romero, dans l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, qui milite pour que chacun puisse choisir les conditions de sa propre fin de vie. Et, entre-temps, je file des jours heureux à Commentry, mon port d'attache familial dans l'Allier, avec mes enfants et petits-enfants !

FD : Pour finir, vous êtes l'une des rares artistes sans langue de bois, par exemple sur le sujet de la chirurgie esthétique...

S : Si j'adore les biographies, je déteste les hagiographies, et je suis souvent déçue de voir à quel point certains artistes cachent des pans entiers de leur existence... Il faut vivre avec son temps : l'homosexualité ou la chirurgie plastique ne doivent plus être taboues ! J'assume mes excès de jeunesse comme mes opérations esthétiques. Il faut arrêter de prendre le public pour un imbécile !

* Stone, Anthologie 1966-1986, 2 CD, chez Marianne Mélodie.

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Dominique PARRAVANO

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