Thierry Roland : Monsieur Téléfoot

France Dimanche
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Ce commentateur sportif le plus titré, aussi populaire que controversé pour ses dérapages et saillies franchouillardes, a été le porte-voix du foot à la télévision pendant plus de 50 ans.

Il y avait du monde le jour de l'été 2012 à la basilique Sainte-Clotilde, dans le VIIe arrondissement de Paris, aux obsèques de Thierry Roland qui s'est endormi, au soir de France-Ukraine, dans l'espérance d'un bon résultat de l'équipe de France au championnat d'Europe. Ils étaient tous là : Guy Roux, Guy Drut, Marius Trésor, Frédéric Thiriez, le patron de la Ligue de foot, et tant d'autres figures du sport et des médias. Il faut dire que c'est un parnassien et Grevisse du ballon rond qu'on honorait.

Sa longévité record avait fait de lui la mémoire vivante du football qu'il connaissait sur le bout des crampons. Un demi-siècle de commentaires avec son jeu minimaliste, ses mêmes répliques et ses perles qui avaient bâti son style. Car il était aussi populaire pour son côté « bon pote », histrion et compagnon des peines et joies des supporteurs, que controversé pour ses débordements verbaux souvent de mauvais goût, sa misogynie revendiquée, ses saillies cocardières et coups de gueule intempestifs. Le commentateur gaulois du ballon rond, fan de San Antonio et d'Audiard, s'appliquait à l'envi à lester la barque de sa caricature de beauf, s'affichant chauvin, franchouillard, goûtant les troisièmes mi-temps entre mecs. Il n'était pas seulement devenu la voix du foot, comme Roger Couderc, son modèle, fut celle du rugby. Il en était aussi un potentat indéboulonnable.

Un demi-siècle de commentaires a fait de lui une icône de la télévision.

Le fils de Claude Roland et de Liouba Protassieff (Russe de Saint-Pétersbourg), bijoutiers avenue George-V à Paris, naît le 4 août 1937 à Boulogne-Billancourt. Son père meurt d'une méningite virale alors qu'il a à peine 10 ans. Adolescent, il fait la grande partie de sa scolarité dans les beaux quartiers de Paris. Il est un supporter du Racing Club de France. À 18 ans, Thierry Roland entame sa carrière à la RTF (Radiodiffusion-télévision française) avant, cinq ans plus tard, de rejoindre l'ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française). C'est Raymond Marcillac, créateur du premier service des sports, qui le propulse devant les caméras. Il participe notamment à l'émission Les Coulisses de l'exploit consacré aux grandes prouesses sportives et écrit pour Télé Magazine.

En 1962, il succède à Jean Quittard et commente sa première Coupe du monde de football au Chili. Et fête sa première cape derrière le micro lors de France-Angleterre en octobre de cette même année. En 1968, il est limogé de l'ORTF. Après une parenthèse de six ans à France Inter, il revient à la télévision dès 1975, sur Antenne 2, où officient ses maîtres : Roger Couderc et Robert Chapatte. Il s'enorgueillit alors d'avoir obtenu sa réintégration dans le service public sur intervention d'un proche de Pompidou. En 1976, il assoit sa notoriété, traitant un arbitre de « salaud » lors d'un match Bulgarie-France. Dix-sept sacs postaux de lettres de soutien font reculer la direction de la chaîne qui veut sa tête. Il retire de cet épisode une souveraineté populaire dont il use et abuse.

C'est en 1979 que son duo avec l'ancien joueur stéphanois Jean-Michel Larqué est constitué. En 1984, ils quittent la deuxième chaîne pour TF1.

Outre les commentaires des matchs, ils animent de 1984 à 2003 le magazine Téléfoot, l'émission dominicale phare du football. Ils sont présents comme commentateurs lors des drames du Heysel (finale de la Coupe des clubs champions européens 1984-1985) et de Furiani (demi-finale de la Coupe de France de football 1991-1992). En 1997, Thierry Roland remporte le 7 d'or du Meilleur journaliste sportif. Cette année-là, il coprésente également l'émission Intervilles. Avec Jean-Michel Larqué, il est fait chevalier de la Légion d'honneur le 16 mai 2000 par Jacques Chirac.

Victime d'une rupture d'anévrisme en 2003, il prend du repos. Il est mis sur le banc de touche par TF1 à la fin de l'année 2004 et est remplacé par Thierry Gilardi, transfuge de Canal +, pour les commentaires des principaux matchs et la présentation de Téléfoot. En parallèle, il poursuit sa carrière de commentateur sur la filiale de TF1, TPS Star. Mais le 4 juin 2005, il commente son dernier match sur TF1, lors de la finale de la Coupe de France Auxerre-Sedan.

À la surprise générale, Thierry Roland sort de sa retraite le 27 octobre 2005, en annonçant son arrivée sur la chaîne rivale M6, qui se lance dans la diffusion des compétitions de football. Il couvre une partie des matchs de la Coupe du monde 2006 avec l'ancien footballeur champion du monde 1998 Frank Lebœuf, fait des apparitions dans l'émission 100 % foot durant la première saison et en devient chroniqueur en septembre 2006. Il est également consultant pour Direct Sport sur la chaîne Direct 8.

En juin 2008, Thierry Roland commente les matchs de l'Euro sur M6 avec Frank Lebœuf. En 2011, consultant sur CFoot, il présente le magazine La Grande Histoire. Le 6 septembre 2011, il retrouve sur M6 son ancien binôme Jean-Michel Larqué le temps du match Roumanie-France. Puis arrive le même mois sur la radio lyonnaise Tonic Radio, sur laquelle il coprésente le lundi soir un débat sur l'actualité du football.

Thierry Roland décède le 16 juin 2012, à 74 ans, des suites d'un accident vasculaire cérébral. À sa mort, une minute de silence est observée avant le coup d'envoi de France-Suède lors de l'Euro 2012.

En 2004, après 28 ans de vie commune, Thierry Roland épouse la réalisatrice de télévision Françoise Boulain à Coulommiers. L'union est célébrée par Guy Drut, maire de la ville. En 1984, à 47 ans, il était devenu père de son unique enfant, Gary.

Dominique PARRAVANO

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