Tristane Banon : “Tous les hommes ne sont pas des prédateurs, heureusement !”

France Dimanche
Tristane Banon : “Tous les hommes ne sont pas des prédateurs, heureusement !”

L’écrivain Tristane Banon nous reçoit 
dans son petit duplex qu’elle partage avec
 sa fille de 2 ans et demi et son nouvel amoureux…

Le « géniteur », un ancien footballeur du PSG, est parti la veille de la naissance. La providence a voulu que sa fille ait un « vrai papa », tombé du ciel (Pierre Lefèvre, frère de l’ex-miss météo de Canal +, Pauline Lefèvre).

Une « seconde vie » allait pouvoir commencer pour celle qui fut la première à dénoncer le harcèlement sexuel lors de l’affaire DSK.

Une renaissance magnifiquement racontée dans son dernier roman, Prendre un papa par la main (éd. Robert Laffont), un petit bijou de sensibilité dans lequel la jeune femme, enfin épanouie, libère sa parole.

France Dimanche : Votre livre est autobiographique.

Tristan Banon : Disons qu’il est autofictionnel ! Comme la plupart de mes ouvrages d’ailleurs. Comme Sasha l’héroïne, je me suis retrouvée seule avec ma fille le jour de l’accouchement. Le « géniteur » est parti la nuit précédente. Un départ programmé puisqu’il s’agissait d’un accouchement provoqué.

FD : Il refusait cette grossesse ?

TB : Pas du tout, le bébé était voulu mais il a décidé de disparaître du jour au lendemain. Depuis, je n’ai plus de nouvelles. Mais ce n’est pas un livre règlement de comptes. Comme je l’écris : certains hommes sont faits pour faire des enfants et d’autres pour être père. Encore faut-il rencontrer celui qui cumule les deux fonctions. J’ai vécu ce que beaucoup de femmes vivent car, malheureusement, élever un enfant seule est aujourd’hui très banal. Ma chance est d’avoir rencontré quelqu’un. C’est un message d’espoir pour les autres femmes : ne désespérerez pas, même avec un enfant, vous pouvez encore rencontrer l’amour de votre vie !

FD : C’est donc un mal pour un bien ?

TB : On peut dire ça, oui. C’est un conte contemporain qui commence mal et finit bien. Une vraie romance à l’américaine avec un happy end.

FD : Mais, c’est un peu triste pour votre fille...

TB : Non, elle est très heureuse ! Comme dans le livre, elle s’est trouvé un vrai papa. Ce roman parle aussi de la place du père. Être un père, ce n’est pas forcément être le géniteur. Comme je l’écris : il ne faut pas accorder trop d’importance aux liens du sang. Un père est celui qui est là pour l’enfant. Et que ce soit Martin dans le roman ou Pierre, mon amoureux, ils sont très présents. De vrais papas à fille ! Un double coup de foudre, pour la mère et pour le bébé, car ils se sont mutuellement adoptés !

FD : Votre enfant apprendra son histoire en lisant le livre ?

TB : On lui expliquera en temps voulu. Moi-même je n’ai pas connu mon père. J’avais une dizaine d’années quand je l’ai vu pour la première fois. Et encore, brièvement. Mais je survis très bien !

FD : Comme dans votre roman, votre mère a joué le rôle de maman et de papa.

TB : Oui, une « papa », c’est le nom que je lui donnais quand j’étais petite. Pour la fête des mères, elle avait droit à deux cadeaux car je la considérais comme ma maman et mon papa.

FD : En endossant ces deux rôles, étiez-vous comme votre personnage au début : mélancolique et pessimiste ?

TB : Oui, mais pas longtemps. J’ai connu le baby blues, accentué par le fait d’être « larguée » dès la naissance. Dans un roman, les situations et les sentiments sont exacerbés, mais il y a un peu de moi dans sa part la plus sombre. C’est vrai que j’ai tendance à être sur mes gardes, à attendre le mauvais coup qui me tombera sur le coin de la figure.

FD : Et comme Sasha, êtes-vous une mère inquiète ?

TB : Non, mais plus jeune, j’ai beaucoup souffert du fait que ma mère n’a jamais protégé ma part d’enfance. Elle m’a toujours considérée comme une jeune adulte qui devait faire l’impasse sur l’innocence. Elle n’était pas rassurante, un peu trop cash.

FD : D’ailleurs dans le livre, c’est le bébé qui rassure sa mère !

TB : Oui, j’ai trouvé amusant de faire parler le bébé, dès la gestation. J’ai imaginé qu’il n’était pas dupe de la situation. Dans le ventre de sa mère, il ressentait déjà la rupture de ses parents. Du coup, à sa naissance, Thelma va rassurer sa maman et l’aider à chercher un amoureux avant d’adopter elle-même ce « nouveau » papa.

FD : Et quel papa ! Le vrai est aussi « parfait » ?

TB : C’est un roman, mais on n’est pas loin de la vérité ! Pourtant, je pensais que de tels coups de foudre n’arrivaient que dans les livres ou les films.

FD : L’arme de séduction massive pour un homme aujourd’hui, c’est de changer les couches et donner le biberon ?

TB : Oui, c’est une autre génération, très différente de celle de nos pères qui ne « faisaient pas le job », comme le disait Élisabeth Badinter. Aujourd’hui, les pères sont très présents dans la vie de leur enfant. Ils aménagent leur emploi du temps pour eux et s’en occupent autant que les mères. Je voulais leur rendre hommage.

FD : Dans l’actuel climat de défiance entre les sexes, cela fait du bien de lire un ouvrage donnant la part belle aux hommes.

TB : Oui, même si au début Sasha ne leur accorde pas beaucoup de crédit après s’être fait larguer. Ensuite, elle rencontre un autre homme auquel elle met son bébé dans les bras en pensant que cela va le faire fuir. Et c’est tout le contraire qui se passe.

FD : On aurait pu croire que depuis votre plainte contre DSK pour tentative de viol, vous seriez méfiante vis-à-vis des hommes.

TB : Non au contraire ! Je suis même agacée en ce moment de cette guerre des sexes, car je connais beaucoup d’hommes extraordinaires. Tous ne sont pas des prédateurs, heureusement !

FD : Vous devez être fière d’avoir été la première à dénoncer de tels actes, bien avant l’actuelle libération de la parole des femmes ?

TB : À l’époque, cela ne l’a pas vraiment libérée ! Je n’ai pas été du tout soutenue. Mais je n’en retire aucune aigreur. Porter plainte a été important pour moi, même s’il est vrai qu’en 2011, j’ai eu l’impression que cela n’avait pas servi la cause des femmes.

FD : Aucune femme ne vous avait comprise ?

TB : La solidarité féminine n’a pas vraiment joué. Les seules qui m’ont soutenue sont Gisèle Halimi, Virginie de Clausade, une ancienne animatrice télé et Laurence Ferrari, qui s’est battue au sein de sa rédaction de TF1 pour m’inviter à parler cinq minutes au journal télévisé, le lendemain de l’intervention de DSK qui a eu droit à un direct pendant une demi-heure ! Michel Denisot m’a invitée lui aussi au Grand journal. On m’a accusée de médiatiser mon affaire, alors qu’en réalité je n’ai fait que cinq émissions, télé et radio cumulées. Le fait est qu’elles ont été largement commentées ensuite. Pas toujours de manière bienveillante.

FD : Vous en avez beaucoup souffert ?

TB : Oui, cela a été très violent. Même mon meilleur ami m’a tourné le dos. Mais aujourd’hui, je suis heureuse que la parole se libère enfin ! C’est bien, ça va dans le bon sens. Je me demande si tout ce qui se passe en ce moment découle juste de l’affaire Weinstein ou si c’est le fruit d’une histoire qui a commencé avec l’affaire DSK. Désormais, si une jeune Tristane Banon porte plainte contre un homme puissant, sa voix sera entendue, et j’en suis ravie !

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