Vincent Cassel : Il en veut à son père

France Dimanche
Vincent Cassel : Il en veut à son père

L’acteur Vincent Cassel n’a pas supporté d’avoir été mis en  pension par son père Jean-pierre.

Le dimanche 17 septembre, Laurent Delahousse, maître de cérémonie du 20 heures de France 2, avait choisi d’accueillir comme invité de sa page culturelle l’acteur Vincent Cassel, qui fait son retour au cinéma dans le biopic Gauguin, voyage de Tahiti, un film d’Édouard Deluc, sorti dans les salles obscures le 20 septembre.

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Et lors de cet entretien, passé les inévitables échanges sur la qualité du long-métrage et les mérites de l’interprète du célèbre peintre, la conversation a fini par prendre une tournure plus personnelle. Le journaliste a voulu connaître quels rapports entretenait le comédien révélé par La haine avec son célèbre père, Jean-Pierre, décédé en 2007.

Un sujet délicat qui, comme tous les téléspectateurs ont pu d’emblée le constater, a ému le fils de ce grand artiste. Et à la question : « Quel mot vous vient à l’esprit quand vous pensez à votre père ? », Vincent a répondu : « Une certaine élégance, quand même. » Le choix des termes en dit long sur la nature un peu ambivalente des sentiments éprouvés dans sa jeunesse envers l’auteur de ses jours.

À entendre ce compliment lâché du bout des lèvres, mais immédiatement relativisé par ce « quand même », l’on peut à juste titre songer que, malgré tout l’amour qu’il pouvait nourrir pour Jean-Pierre, son affection n’était pas inconditionnelle.

Antimodèle

Une réserve somme toute naturelle, car si comme tous les garçons, il a dû se construire et se définir par rapport à l’image paternelle, cette mission était bien plus complexe dans le cas de Vincent, pour qui cette figure essentielle avait les traits d’un homme doué en tout.

Comédien, danseur, chanteur, Jean-Pierre Cassel semblait savoir tout faire et incarnait une certaine idée de la séduction à la française. Et pour un adolescent qui voulait marcher sur ses traces, se mesurer à lui n’avait rien d’aisé. Du coup, Vincent a décidé de le prendre comme antimodèle, le parfait négatif de l’adulte qu’il deviendrait un jour.

C’est sans doute ce parcours que Laurent Delahousse a voulu mettre en exergue en lisant une ancienne déclaration de son invité : « Jeune acteur en colère, j’ai tout fait pour me démarquer de son image. Ce n’est qu’assez récemment que je réalise le chemin parcouru. » Sans renier la pertinence de ces paroles pour résumer son destin, Vincent est alors apparu agacé, mal à l’aise, lançant à son interlocuteur un : « Oui, enfin on ne va pas en faire un fromage », comme s’il souhaitait passer au plus vite à un autre sujet.

Cage dorée

Pourtant, malgré cette réaction un peu vive, l’acteur va rester sur le même terrain filial et livrer sa vérité sur sa relation délicate avec son père. La source du problème se trouve dans les choix éducatifs de ses parents. Car, que ce soit parce qu’ils n’avaient pas le temps de s’occuper de lui ou parce qu’ils estimaient que leur fils turbulent avait besoin d’être « cadré », son père et sa mère, Sabine, ont décidé de mettre Vincent en pension à l’école des Roches.

Cet établissement situé en Normandie, dans l’Eure, est l’un des plus sélects et des plus chers de l’Hexagone (comptez plus de 30 000 euros pour une année de lycée). C’est là que s’épanouit la marmaille des grands industriels, de Michelin à Peugeot en passant par Bolloré, là aussi où le prince du Danemark a effectué une partie de sa scolarité. Un établissement à l’anglaise, avec des élèves arborant le blazer bleu marine de leur uniforme, niché dans les 60 ha d’un parc arboré, avec piscine et terrains de sport. Une cage dorée donc, mais une cage quand même.

Un beau décor auquel il manque la chaleur du foyer. C’est en tout cas la vision que Vincent en a gardée : « Ça ne m’a pas réussi, je n’en garde pas un bon souvenir. C’était un endroit fermé et clos. » Et encore aujourd’hui, il paraît reprocher aux siens de l’avoir abandonné là au lieu de le garder auprès d’eux « Je n’ai pas compris pourquoi les parents mettent leurs enfants en pension. Quand on fait des enfants, c’est pour les avoir près de soi ! »

Et lorsque le journaliste lui demande pourquoi il a choisi d’intégrer ensuite l’École du cirque, l’acteur, qui porte beau ses 50 ans, finit par préciser la cause de sa révolte de jeunesse : « Mon père n’avait pas envie que je marche sur ses traces. J’ai trouvé ce biais pour entrer dans la lumière. Sans faire la même chose que lui, par un moyen détourné. »

C’est pour cette même raison qu’il a choisi d’accepter des rôles de méchants. Et cela explique sans doute aussi la décision de son frère Mathias de se lancer dans le rap hardcore, sous le nom de scène de Rockin’Squat. Une musique que les deux frangins aimaient, d’autant plus que rien ne pouvait moins ressembler aux mélodies à l’ancienne chantées par leur père.

En tout cas, une chose est sûre. Deva et Léonie, les deux filles que ce quinquagénaire toujours rugissant Vincent Cassel a eues avec Monica Bellucci, ne risquent pas de se retrouver un jour en pension.

Claude Leblanc

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