Vincent Fernandel : “J'AI CONNU DE GROSSES GALÈRES !”

France Dimanche
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Même s'il n'est pas du genre à se vanter de son patronyme, Vincent Fernandel, le petit-fils de l'acteur comique, parle avec plaisir de son prestigieux aïeul…

Petit-fils de Fernandel et fils de Franck Fernandel, le jeune homme de 37 ans n'a pas tardé à se faire un pré-nom. Après des études de cinéma et des débuts à la télé en tant qu'animateur, il se tourne rapidement vers le théâtre. Depuis dix ans, il enseigne l'art dramatique et a même créé, en 2017, Les Ateliers Vincent Fernandel*, un lieu dédié à la formation d'acteur. Éclectique, il vient aussi de sor-tir un bel ouvrage, Au cœur de la fougère, paru aux éditions Au vent des îles, sur son immersion au pays des All Blacks qui l'a à tout jamais métamorphosé, et chez Fleurus, Les Fables de La Fontaine qu'il raconte en musique pour les enfants. Deux occasions pour nous parler de lui, de ce voyage qui a changé sa vie, mais aussi de ce père et ce grand-père dont il porte fièrement le nom.

France Dimanche : Quelle surprise de vous retrouver à la coréalisation d'un tel ouvrage. Vous êtes passionné de rugby ?

Vincent Fernandel : Pas du tout ! Il y a encore deux ans, à part Chabal, un ballon ovale et les All Blacks, je n'y connaissais rien et n'avais aucune passion pour ce sport. Mais ma rencontre avec Ian Borthwick [journaliste emblématique du rugby international, ndlr] a tout changé. Grâce à lui, j'ai découvert une philosophie de vie, une spiritualité. Ce mec m'a tellement plu que je me suis lancé à ses côtés dans cette incroyable aventure en Nouvelle-Zélande. Et quelle aventure ! D'autant plus que, dans ma vie personnelle, j'étais dans une impasse : quel est le sens de l'existence ? Que fait-on là ? Pourquoi ? Je voulais retrouver du lien, redonner un sens à ma vie. Découvrir les beautés de ce pays m'a métamorphosé. J'ai vécu trente-cinq ans avant et, depuis deux ans, il n'est pas un seul jour où je ne repense à ce voyage. Ça m'a comme nettoyé, reconnecté.

FD : Vous êtes fils et petit-fils d'acteurs et de chanteurs inoubliables, qu'avez-vous gardé d'eux ?

VF : Leurs dentiers ! [Rire] Non, sans rire, si je suis assez mélancolique, je ne suis pas très conservateur. Le souvenir pour moi est plutôt intérieur. Je pense très souvent à eux et aime les convoquer pour vivre des moments privilégiés, mais dans mes mondes intimes. Je n'ai jamais souhaité posséder leurs costumes de film ou le cendrier qu'ils ont touché en 1966. J'ai juste gardé quelques trucs qui tiennent dans une petite boîte et n'ont aucune valeur, si ce n'est sentimentale. Des paroles de chanson griffonnées par mon père, des lunettes de mon grand-père, des articles de presse rigolos, quelques photos intimes... Pour être franc, le matériel m'encombre plus qu'autre chose. Et puis, si j'avais voulu tout garder, il m'aurait fallu un château ! J'aime en revanche me dire que leurs âmes influencent chaque jour ma vie.

FD : Qu'éprouvez-vous lorsque vous retombez sur un film de votre grand-père ?

VF : Ça me fait sourire. Mais c'est surtout quand je lis des lettres que mon grand-père écrivait à ma grand-mère, que ça me tire les larmes. Quelle beauté ! Même là, je suis super ému d'en parler. Ainsi, je suis fier et heureux que ce soit lui mon grand-père.

FD : Vous êtes-vous déjà dit : « Si seulement je l'avais connu ? »

VF : Souvent ! Mais si je décide qu'il est là, il est là. Ce qui ne remplace évidemment pas d'avoir mangé avec lui, joué aux boules ou sauté sur ses genoux, mais il est là. Je suis très rationnel et concret, et je vis aussi dans un monde où personne ne part vraiment. Je crois en ces résonances qui passent de génération en génération, de mon grand-père à mon père, de mon père à moi et, un jour qui sait, de moi à mes enfants...

FD : Votre grand-père s'appelait en vrai Fernand Contandin. Comment est né ce pseudonyme Fernandel ?

VF : Oh là, c'est vieux ! Du temps où, à 8 ans, il fréquentait déjà ma grand-mère. Et lorsqu'il allait la chercher pour jouer chez ses parents qui tenaient un magasin de disques, mon arrière-grand-mère, en le voyant débouler, s'écriait : « Vé le Fernand d'elle ! » Il a donc adopté ce pseudo en hommage à sa femme. Puis, de manière très naturelle, mon père l'a gardé, et moi aussi. Sur ma carte d'identité est inscrit : « Contandin, dit Fernandel ».

FD : Contez-nous une petite anecdote...

VF : Il y a quinze ans, je descends à Marseille voir mon père, et dans le taxi qui m'emmène de la gare Saint-Charles à la villa des Mille Roses, avenue Fernandel, j'assiste à un véritable festival ! « Ah, vous êtes un touriste, vous, me dit le chauffeur, ça se voit. Bon, je vous y emmène, mais vous ne les trouverez pas. La maison n'est plus à eux. Le grand-père, fan de courses, a tout flambé avec les chevaux ; le fils, tout claqué avec les femmes ; et le peu qui restait, le petit-fils l'a tout cramé avant de filer se réfugier au Canada... Et en plus de flamber tout leur argent, ce sont de gros radins ! » Stupéfiant ! Quand on est arrivés, je lui ai quand même montré les clefs de la maison en lui disant que tout ce qui venait d'asséner était complètement faux. Il est devenu blanc comme un linceul et a voulu du coup m'offrir la course. Mais hors de question, faites-moi confiance pour l'avoir payée, et plutôt deux fois qu'une !

FD : Vous n'avez jamais galéré ?

VF : Si, évidemment. Comme n'importe quel artiste, j'ai déjà connu de grosses galères. En ce moment même, avec le Covid, tout est incertain. Mais s'il le fallait, je n'hésiterais pas à faire caissier au supermarché en bas de chez moi. J'ai deux bras, deux jambes et je ne suis pas plus con qu'un autre. À 7 ans, mon grand-père, qui venait d'une famille assez pauvre, travaillait comme groom dans une banque, c'était un galérien de l'existence. Comme mon père qui a lui aussi fait tout un tas de petits boulots, et moi-même qui bossais comme veilleur de nuit pour payer mes cours. Pour autant, ni eux ni moi ne méritons une médaille !

FD : Comment Fernandel était-il arrivé dans ce métier ?

VF : Disons que son père était comptable le jour et fantaisiste la nuit. Un univers que mon grand-père aimait beaucoup. Et comme sa famille, très modeste, mettait ses enfants au boulot très jeunes ; il a commencé vers 8 ou 9 ans à faire des petites chansons pour accompagner son père dans les cabarets. Il s'est ensuite juré d'offrir une belle vie à sa femme et à ses enfants. Il n'avait pas son certificat d'études, mais parlait et écrivait un français exquis.

FD : Et vous, désirez-vous des enfants ?

VF : C'est une vraie question et surtout une sacrée responsabilité. Depuis longtemps, je pense à l'adoption. Les liens du sang, c'est très bien, mais ça ne définit pas grand-chose. Quand on tombe amoureux d'une femme ou d'un homme, il n'est pas de notre sang et pourtant on l'aime. Il faudrait avant que je trouve la maman. À la fois ça me trotte, car l'horloge tourne, et en même temps, je n'ai pas le sentiment d'avoir 37 ans. Je peux hurler de rire et pleurer pendant deux heures en une journée, c'est mon côté grand sentimental. C'est aussi à ça que sert une psychothérapie, « non pas à se guérir, mais à s'aguerrir » comme le dit très bien mon thérapeute. On ne se change pas, on apprend à mieux se comprendre.

FD : Est-il vrai que votre grand-père a été maltraité durant son enfance ?

VF : C'est vrai. De ce que j'en sais, sa mère ne l'aimait pas. Ce n'était pas physique mais, parfois, la maltraitance morale peut être plus violente encore. Toutefois, mon grand-père était fort discret à ce sujet. C'est sûrement en réaction à ce qu'il a vécu qu'il a tout fait pour construire une famille unie et aimante. Et il ne s'en est pas trop mal tiré. Malgré tout, il a toujours aidé les siens, offrant à sa mère de quoi vivre jusqu'à ce qu'elle ne s'éteigne. Loin d'être un ingrat, c'était un homme bon.

*www.ateliersvincentfernandel.com

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Caroline BERGER

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