"58 ans après, j'ai retrouvé l'ami que je croyais mort"

France Dimanche
"58 ans après, j'ai retrouvé l'ami que je croyais mort"

"Auch, juin 1949. C'est dans cette ville du Gers, dans un peloton de sous-officiers, que j'ai connu Jean Morzelle, un ami de régiment. Un jour que nous rentrions de manœuvres, nous étions en train de ranger nos fusils. En théories, ceux-ci doivent être vidés auparavant. Il faut croire que ça n'avait pas été fait. Jean était à ma droite. Il a pris un fusil et je ne sais comment, il a appuyé sur la détente. Le coup est parti. La balle lui a traversé le thorax.

Je n'oublierai jamais cette vision du sang qui bouillonnait sur son treillis ; le lieutenant, un brave type, nous a dit de le monter dans la jeep et de l'emmener à l'infirmerie. De là, il a été conduit à l'hôpital militaire Larrey, à Toulouse. Le chirurgien était au cinéma avec son épouse. Quelqu'un est allé le chercher pour qu'il opère Morzelle au plus vite. Nous, pendant ce temps, on ne savait pas ce qu'il se passait.

Trois jours après, on a demandé des nouvelles à nos chefs. Ils nous ont dit que Jean était mort. L'armée a même envoyé un avis de décès à la famille. C'était terriblement triste, imaginez, un gars de 20 ans, qui se tue sous vos yeux, l'image est restée gravée en moi  elle m'a hanté toute ma vie...

Soixante ans avaient passé, quand un jour que je lisais le quotidien La Dépêche du Midi, je tombe sur un article qui relate plus ou moins cet événement et qui s'étend sur une partie étonnante de ce drame. Un homme, entre la vie et la mort a vécu une expérience étonnante : il est “sorti“ de son corps et s'est vu étendu sur la table d'opération avec le chirurgien à ses côtés en train d'officier. Il pouvait voir sous la table, passer de l'autre côté des murs.

L'homme qui témoignait ainsi, racontant avoir vécu cette expérience troublante, dite de mort imminente, c'était mon ami Morzelle, que je croyais mort, et dont j'apprenais à la lecture de cet article, que finalement, après une grosse frayeur et ses fameuses visions, il s'en était sorti. Ça m'a ôté un énorme poids. D'autant que je pensais être peut-être responsable de sa mort. J'ai aussitôt appelé le journal qui m'a communiqué les coordonnées de mon ami. C'est ainsi qu'il y a deux ans, nous nous sommes retrouvés à Toulouse. On a évoqué le temps passé, on s'est racontés nos vies et aujourd'hui, on se retrouve très régulièrement."

Propos recueilli par Cyril Bousquet

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