Adieu Willy Rizzo, le photographe gentleman

France Dimanche
Adieu Willy Rizzo, le photographe gentleman

Mi-dandy, mi-voyou, il était habile à saisir les stars dans leur intimité, au naturel. Il a donné ses lettres d’élégance à la profession. Il avait été l’un des nôtres, ici, à France Dimanche, il y a bien longtemps de cela, mais nous ne l’avons pas oublié... Recruté en 1947 par Max Corre, directeur de la rédaction de l’époque, Willy Rizzo avait photographié pour nous les vedettes d’alors...

Véritable touche-à-tout, amoureux des belles images, de la lumière et des stars, ce grand monsieur avait commencé à aiguiser son regard dès l’âge de 12 ans, avec son tout premier appareil photo offert par sa mère. Il apprend les ficelles du métier auprès de Gaston Paris, photographe hélas méconnu qui deviendra son mentor. Celui-ci lui disait : « Quand tu prends une photo, pense que tu fais un Fragonard ! Mais dans certains cas, appuie et pense après ! » Une leçon que ce descendant de magistrats napolitains n’oubliera jamais et qu’il appliquera tout au long de sa vie.

C’est ainsi qu’à 14 ans, il n’hésitait pas à se glisser dans les studios de Joinville et de Billancourt, et prenait sur le vif des clichés des stars de cinéma qui, loin de s’en offusquer, en redemandaient! C’est grâce à elles qu’il s’est fait connaître et que, pour notre journal, il a couvert le Festival de Cannes en 1947. Mais l’Amérique l’attire, et le voilà qui traverse l’Atlantique pour New York puis Los Angeles. Son charme et sa gentillesse opèrent très vite à Hollywood, où il devient la coqueluche de célébrités comme Gary Cooper, Robert Mitchum, Gregory Peck ou Douglas Fairbanks.

En France, on se languit de lui, on le réclame, on le veut, on l’attend. En 1949, Jean Prouvost lui demande de revenir à Paris pour collaborer à un nouveau magazine qu’il souhaite lancer : Rizzo signe la toute première couverture en couleurs de Paris Match avec un portrait de Winston Churchill ! Cette époque a inspiré un brin de nostalgie au photographe : « On gagnait très bien notre vie, déclarait-il dans Le Monde, on était insouciants, smart, sympas, on courait les filles avec des bagnoles incroyables. »

Tout le monde connaît ses images les plus célèbres : Brigitte Bardot sortant à quatre pattes d’une cabine de bateau, Françoise Sagan prise en gros plan derrière son jeu de billes, Picasso en short sous le soleil, Dali derrière des loupes, Marylin contre un arbre, ou encore Marlene Dietrich qui fume à côté de son tourne-disque...

Salvador Dali, 1950 © Willy Rizzo

Pourtant si ce dandy plein d’humour savait tisser des liens d’amitié avec ses modèles et les photographier avec une grande intégrité dans leurs moments les plus intimes, il était aussi un grand reporter, capable de se rendre au bout du monde pour rendre compte, avec la même honnêteté, des conflits qui agitent la planète. Ainsi, en 1952, il fait mouche avec un reportage sur la guerre d’Indochine qui montre l’armée française sous un jour peu glorieux. Un document qui aurait fait dire au général Salan, furieux : « Si je revois Rizzo en Indochine, je l’encule devant mon bataillon. »

Designer

À la fin des années 60, Willy part s’installer à Rome avec son épouse d’alors, l’actrice Elsa Martinelli. Il se met à dessiner du mobilier pour leur appartement, car, assure-t-il, « les meubles anciens ou scandinaves n’étaient ni confortables ni assez simples ». À sa grande surprise, ses créations futuristes font un tabac auprès de ses riches amis. C’est le commencement d’une nouvelle ère pour Willy, devenu designer. Il monte sa société et ouvre plusieurs boutiques. Dix ans plus tard, avec la montée du terrorisme en Italie, la chute des studios Cinecitta et l’envie chevillée au corps de reprendre la photo, il vend son affaire et revient à ses premières amours, Paris, la mode et les stars, pour ne plus les quitter !

Coco Chanel dans son studio à Paris © Willy Rizzo

Il n’a jamais cessé de travailler et a ouvert, en 2009, un studio de design et de photo, au 12 rue de Verneuil. Willy Rizzo devait y présenter, du 6 mars au 30 avril, Les instants Chanel, une exposition* dédiée à la grande styliste dont il avait été proche. Il n’en aura pas eu le temps.

Le 25 février dernier, le photographe des stars s’est éteint, à Paris, à 84 ans, mais son œuvre demeurera dans la lumière pour l’éternité... Nos pensées vont à ses proches et à sa famille, sa femme, Dominique, leurs filles, Camilla et Gloria, ainsi que leur fils, Willy Junior.

* Exposition des photos de photos de Willy Rizzo "Les instants Chanel", studio Willy Rizzo, 12 rue de Verneuil, 75007 Paris. Jusqu'au 30 avril 2013.

Propos de Clara Margaux

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