“Ancien chanteur de cabaret, je suis devenu prêtre”

France Dimanche
“Ancien chanteur de cabaret, je suis devenu prêtre”

Il parcourt inlassablement la Canebière en soutane et se veut proche des Marseillais qu’il côtoie. Ce curé de 54 ans, artiste reconverti, n’est décidément pas comme les autres.

« Je suis un défenseur de la soutane. Un prêtre, ça doit se remarquer dans la rue. Chaque matin, après avoir ouvert mon église à 8 h, je pars prendre mon petit déjeuner dans un bar du coin. J’y bois un café, puis un second dans un autre bistrot. J’offre les croissants. Ici, sur la Canebière, tout le monde me connaît. Le Christ aussi a passé sa vie à prendre ses repas avec des pécheurs... Donc, chaque jour, je passe du temps dehors : je vais aussi à la poste, chez le marchand de journaux. Et je porte la soutane pour entrer en contact avec des personnes qui ne vont pas habituellement à l’église mais qui ont quand même besoin de rencontrer un homme de Dieu.

Dans la rue, on m’interpelle : “Père Michel-Marie..." Dès qu’il y un problème, on vient me voir. Pourtant, je suis plutôt introverti de nature. Mais je ne m’écoute pas. Je dois avancer. Voilà neuf ans que je suis prêtre dans cette église Saint-Vincent-de-Paul “Les réformés" de Marseille. Entre 600 et 800 personnes assistent assidûment à ma messe du dimanche matin, et près de 150 à celle de chaque soir. Les gens viennent de toute la France pour la célébration dominicale. Je n’en reviens pas moi-même ! Puisqu’il y a une vraie attente spirituelle, il faut la combler.

élan

Au départ pourtant, quand je suis arrivé ici, ce n’était pas gagné : la communauté était réduite car, dans ce quartier, les catholiques restent minoritaires. Mais je me suis mis à la tâche. J’ai commencé par ouvrir les portes de l’église douze heures par jour. Et puis, avec des fidèles de bonne volonté, j’ai tout nettoyé. Aujourd’hui, une soixantaine de bénévoles veillent à l’éclat des lieux ! Les nappes sont immaculées, les lumières et les spots très étudiés, les chants à la hauteur, la sonorisation parfaite.

En entrant dans une église, l’on doit être saisi par la beauté de l’endroit, ressentir sa dimension sacrée. Quant à la messe, elle doit toucher le cœur. C’est un peu à cause de nous, les prêtres, si les paroisses ne font plus le plein ! C’est d’ailleurs le message que je veux faire passer à travers l’écriture de mon neuvième livre* qui vient de sortir. C’est vrai que je rame un peu à contre-courant, mais j’ai l’appui du peuple. Je suis un passionné et je crois qu’il faut un élan, un dynamisme pour faire revenir les fidèles.

Tous les soirs, à partir de 19 h 15, je reçois les Marseillais sans rendez-vous. Tous ceux que j’ai rencontrés dans la journée au cours de mes pérégrinations, ou ceux qui m’ont interpellé dans la rue. Je leur consacre mon temps, jusqu’à 22 h. Chaque jour à midi, j’invite aussi une personne à déjeuner. À mes frais bien sûr... C’est moi qui régale : la moitié de mes émoluments (863 € par mois) y passe ! Je veux remettre le prêtre au cœur de la société pour qu’il reprenne sa place dans la vie quotidienne.

J’ai été ordonné prêtre à 40 ans. Il m’a fallu tout ce temps pour rentrer dans le rang, même si j’ai eu la vocation dès l’âge de 8 ans. J’ai commencé par faire des études (DEA d’histoire) à la faculté de Nice, où je suis né. Puis, passionné de musique, j’ai voulu faire carrière dans la chanson. Soutenu et encouragé par Tino Rossi, je suis “monté" à Paris et j’ai chanté tous les soirs dans des cabarets, des pianos-bars. Je vivais comme un artiste, allant à la rencontre du public tout en gardant en moi le désir secret d’être prêtre.

J’étais heureux mais, à 28 ans, j’ai opté pour le sacerdoce. J’ai ensuite passé quatre ans chez les dominicains à Toulouse, et quelques années chez les franciscains en Italie, où j’ai terminé mes études de théologie et de philosophie.  Aujourd’hui, le monde des nuits parisiennes ne me manque plus du tout, même si le fait de quitter la capitale, mon métier et ma liberté m’a terriblement coûté.

Je continue à donner de la voix, et je vais bientôt enregistrer un album avec des chansons que je viens d’écrire. Et j’ai un bon impresario : le Christ ! »

* "Au diable la tiédeur" de Michel-Marie Zanotti-Sorkine, aux éditions Robert Laffont.

Propos recueilli par Alicia Comet

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