"Cancéreuse, endettée, je fais la grève de la faim"

France Dimanche
"Cancéreuse, endettée, je fais la grève de la faim"

"C'est en août 2009, lors d'un banal contrôle à l'hôpital, que l'on m'a appris que j'avais deux cancers à un sein. J'ai été rapidement opérée et, depuis, je suis un traitement épuisant et douloureux. Cela m'oblige à me rendre en bus à l'hôpital quasiment tous les jours, au terme d'un trajet épuisant. Avant mon cancer, j'exerçais comme aide à domicile et j'aidais moi-même les personnes dépendantes. Mais depuis le 2 septembre, je suis en arrêt maladie.

La Sécurité sociale m'a alors informé qu'elle me verserait 16,59 euros d'indemnités par jour, soit environ 480 euros par mois. J'ai immédiatement fait une demande d'aide auprès de la CAF et de la CPAM, mais on m'a signifié que je n'avais droit à aucune aide. Ni la CMU, ni les aides de la CAF : rien ! Quand ils ont étudié mes droits, les organismes sociaux se sont basés sur mes revenus 2007 et ils ont donc refusé de me verser les aides dont j'avais besoin pour vivre. Ce fut le début d'une période très douloureuse pour moi et, en plus, j'ai commencé à m'endetter.

Le début du traitement pompant toute mon énergie, il a fallu attendre début 2010 pour que je relance les procédures afin que mon cas soit réétudié. Mon parcours du combattant a continué... On vient de me faire comprendre que l'examen de ma situation prendrait encore quelque temps. Mais étant donné ma situation et mes revenus, je ne peux me permettre d'attendre ! Les dettes se sont accumulées en huit mois, notamment vis-à-vis de mon bailleur, Terre de Loire Habitat (l'office HLM). Je lui ai alors demandé de me trouver un logement plus petit, mais l'office me demande de rembourser mes dettes d'abord. Dettes que je ne peux honorer puisque je gagne 480 euros par mois pour un loyer de 450 euros et que je n'ai droit à aucune aide !

Autre conséquence de mon endettement, j'ai eu droit à des visites d'huissier. Celles-ci sont à mes frais et, bien sûr, je n'ai pu les payer. Depuis, je suis expulsable. À ma maladie et aux soins douloureux, vient donc s'ajouter la peur d'être jetée à la rue, malgré toutes les démarches que j'ai entreprises avec l'aide de mon assistante sociale qui est formidable.

Aujourd'hui, je ne demande pas l'aumône, mais que la loi change. Voilà pourquoi j'ai entamé une grève de la faim, le 4 février dernier. Je réclame une solution pour moi, mais aussi pour tous ceux qui sont dans la même situation. Pour que lorsque des gens subissent une perte de salaire à cause d'une maladie, leurs nouveaux revenus soient immédiatement réévalués, et surtout que les demandes soient étudiées au cas par cas, ce que promettait pourtant le Plan Cancer II. Mais dans les faits, il a abouti à une situation totalement absurde. Aujourd'hui, l'aspect humain n'existe pas dans le logiciel. Pour moi, il est trop tard, mais je me bats pour les autres, afin que l'on n'attende pas un an pour donner aux malades de quoi vivre. Je n'ai que 59 ans, mais je suis prête à mettre ma vie en danger pour cela. »

Propos recueilli par Marie Godfrain

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